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Justice, Banque nationale, exécutif… Qui fait encore confiance aux institutions ?
06·06·23

Justice, Banque nationale, exécutif… Qui fait encore confiance aux institutions ?

Ivan De Vadder est l’expert de VRT NWS en matière de politique belge. Il réalise et présente l’émission « De Afspraak op vrijdag ».

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) Pixabay

Ivan De Vadder
Auteur⸱e
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

Que ce soit sur le plateau de l’émission De Zevende dag ou dans les manifestations, l’arrêt rendu dans l’affaire Sanda Dia a encore suscité des réactions ce week-end. La question qui semble désormais concentrer les attentions est la suivante : qui fait encore confiance à des institutions telles que la justice, la Banque nationale ou le gouvernement ?

1. Le ministre de la Justice dénonce une « justice TikTok »

Dimanche, sur le plateau de l’émission De zevende dag, la présidente de la Ligue flamande des droits humains, Kati Verstrepen, a qualifié de « légères » les peines prononcées dans l’affaire Sanda Dia – un terme repris à la fois par le président de Vooruit, Conner Rousseau, et par le ministre (CD&V) de la Jeunesse et des Médias du gouvernement flamand, Benjamin Dalle. Précisions toutefois que le ministre a précisé, dans la foulée, qu’il respectait le jugement rendu, et Conner Rousseau exprimé son soutien à l’appel à la sérénité lancé par la famille de la victime.

Bref, l’actualité du week-end a tourné, en ce qui concerne l’affaire Sanda Dia, autour du concept de peines « légères » ou « mineures ». Y compris dans la sphère politique, ce qui a provoqué l’agacement du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne. « Les responsables politiques qui tiennent ce genre de propos se substituent aux juges », a-t-il déclaré. Ce qui, selon lui, revient à s’engager sur une pente glissante.

En réaction à la sortie du président du CD&V, Sammy Mahdi, sur TikTok, jugée particulièrement intolérable par le ministre, ce dernier a dénoncé une « justice TikTok, avec le pouce levé ou baissé », qui est plutôt l’apanage — selon lui — de régimes autoritaires tels que la Russie. Vincent Van Quickenborne est allé jusqu’à établir une comparaison avec la situation en Ukraine, pays qui, pour ces mêmes raisons, doit actuellement combattre un tel régime.

Pour résumer, disons que la vidéo publiée sur TikTok par le président du CD&V est plutôt vue d’un mauvais œil. Deux membres de son parti ont pris la parole ce week-end, Benjamin Dalle dans l’émission De zevende dag, et la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, au journal télévisé de VTM. Tous deux ont réaffirmé leur attachement à l’état de droit et leur confiance dans l’autorité judiciaire ; tous deux ont aussi très habilement esquivé la question de savoir si leur président avait fauté.

@sammymahdi Wat ik denk? 🤨 @Acid² #respect #vlaanderen #reuzegom #acid #watikdenk #socialmahdia ♬ origineel geluid – Sammy Mahdi

Aucun des deux n’a cependant défendu cette vidéo, dont le langage, selon les magistrats du Collège des cours et tribunaux, est « incendiaire » et « enterre la sécurité juridique et l’état de droit ». Ces derniers précisent cependant que les responsables politiques ne doivent pas s’abstenir de s’exprimer au sujet du pouvoir judiciaire, mais qu’ils doivent le faire en restant dans leur rôle et dans leurs fonctions, c’est-à-dire débattre, au Parlement, de questions telles que la détermination de la peine ou le rôle des peines de travail en droit pénal.

Ces débats doivent avoir pour objet de « faire tout ce qui est possible pour restaurer la confiance du public dans les institutions en établissant des liens, en expliquant et en interprétant, et ne pas polariser », ajoutent les magistrats.

Si tous les responsables politiques se sont dits totalement d’accord avec ce principe, dans leurs déclarations du week-end, rien ne dit que cela suffira à étouffer, chez tous les citoyens, « le sentiment d’une justice de classe » — selon les termes de la présidente de la Ligue flamande des droits humains.

2. Toutes les institutions ne sont-elles pas dignes de confiance ?

En effet, cette confiance dans les institutions est essentielle. Pourquoi, dès lors, le vice-Premier ministre (Vooruit) Frank Vandenbroucke en met-il en cause une autre, à savoir la Banque nationale ?

Dans un récent avis, celle-ci a rejeté une proposition de Vooruit visant à augmenter le taux d’intérêt des comptes d’épargne. Le ministre conteste les calculs de la BNB et ajoute : « Si la Banque nationale se trompe à ce point sur un seul chiffre, que penser du reste de son avis ? » Vooruit campe donc sur ses positions malgré l’avis d’une institution dont, manifestement, le parti se défie.

Mais lorsque des responsables politiques retirent leur confiance à une institution en particulier, les citoyens peuvent-ils, eux, encore la lui accorder ? Quid, alors, de la confiance dans les autres institutions ? Seules celles qui vont dans le sens des responsables politiques en sont-elles dignes ?

3. Qui peut rétablir la confiance à l’égard des gouvernements ?

Dans ces conditions, les citoyens peuvent-ils encore faire confiance à cette autre institution qu’est le pouvoir exécutif, incarné par les gouvernements ? Dans son discours, dimanche, Conner Rousseau, le président de Vooruit fraîchement réélu, a déclaré ceci : « La politique, au fond, c’est très simple. Pour pouvoir avancer, il faut conclure des accords avec les autres et se montrer très collaboratif. »

Une analyse simple mais juste. De son côté, le Premier ministre, Alexander De Croo, a affirmé, dans le quotidien Het Laatste Nieuws, que « si les gens se détournent de la politique, ce n’est pas forcément à cause de l’action menée : le plus souvent, ils en ont simplement plein le dos de tout ce spectacle. »

Si nombre d’électeurs partagent sans doute cette analyse, à charge pour les responsables politiques d’adresser ce message à leurs collègues en priorité. Conner Rousseau, pour sa part, a d’ores et déjà dit son intention de faire bouger les lignes : « Nous avons réformé notre parti et sommes désormais prêts à réformer tout le pays. »

Il s’agit, à l’évidence, d’une promesse formulée par un parti politique galvanisé. Reste à savoir si cette assurance affichée suffira à renforcer la confiance des citoyens à l’égard des institutions.


Un an avant des élections qui s’annoncent cruciales pour l’avenir du pays, les présidents de partis flamands se dévoilent dans une série d’interviews inédites pour DaarDaar. Chaque semaine, un président différent sera mis en lumière. Au programme: une biographie le lundi, ainsi qu’une vidéo et un article/interview le mercredi.

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