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Woluwe-Saint-Pierre, où la sensibilité flamande est apparemment malvenue
20·12·21

Woluwe-Saint-Pierre, où la sensibilité flamande est apparemment malvenue

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Pixabay

Les partis politiques qui ont sorti les fusils face à une Flamande auraient-ils fait de même avec un allochtone ? 

Jusqu’à la fin du siècle dernier ou presque, il était monnaie courante pour des Flamands de Bruxelles de faire l’objet de remarques haineuses à propos de leur langue ou de leur culture. Entretemps, les choses ont heureusement beaucoup changé : aujourd’hui, la plupart des francophones de Bruxelles considèrent avec respect les néerlandophones de la capitale et espèrent qu’à terme, des écoles multilingues verront le jour.

Il arrive pourtant que l’héritage de ce mépris viscéral nourri à l’égard des Flamands depuis la naissance de la Belgique se fasse encore sentir. On a parfois l’impression qu’à l’instar de l’antisémitisme, le fransquillonisme est une sorte de bête sinistre qui n’a jamais complètement disparu, et certainement pas dans l’esprit de certains politiciens francophones.

Prenons les événements qui se sont déroulés dans la commune bruxelloise aisée de Woluwe-Saint-Pierre, où l‘ancien ministre régional Benoît Cerexhe (cdH) règne en maître, dirigeant une coalition composée également des écologistes et de DéFI. À Woluwe-Saint-Pierre, la fonction d’échevin de la Culture était occupée par un représentant d’Ecolo-Groen, le francophone Raphaël Van Breugel. Ce dernier vient toutefois de tirer sa révérence à la politique et de démissionner de ses fonctions, contraignant les deux partis verts de la coalition à lui désigner un remplaçant. 

Les membres d’Ecolo-Groen ont jeté leur dévolu sur Gerda Postelmans, une Flamande. L’intéressée vit à Bruxelles depuis plus d’un demi-siècle, a derrière elle une carrière de fonctionnaire européenne et connaît plusieurs langues et cultures. Postelmans a prêté serment en tant que conseillère communale en français, et c’est également dans cette langue qu’elle a élevé sa fille. Elle n’a jamais été membre de Groen, mais bien d’Ecolo.

« Pour le cdH, DéFi et le MR, les origines flamandes de Polstermans la rendraient inapte à exercer la fonction d’échevine de la Culture à Woluwe-Saint-Pierre ».

La succession d’un échevin relève de la popote interne d’un parti et ne concerne pas ses partenaires de coalition. Mais dans le cas d’espèce, ceux-ci ont fait fi de ce principe. La raison ? Elle est à chercher du côté du portefeuille dont hériterait Postelmans, à savoir la culture. La culture francophone, s’entend, car la culture néerlandophone est gérée par l’échevin des Affaires flamandes.

Pour DéFI, il n’était pas question qu’une Flamande hérite de compétences liées à des matières culturelles francophones. Les libéraux francophones, qui siègent dans l’opposition, s’interrogeaient quant à eux sur la connaissance de la culture francophone de Postelmans. Enfin, la « sensibilité néerlandophone » de l’intéressée était un problème aux yeux du bourgmestre Cerexhe. 

Le lieu de naissance d’un individu serait donc déterminant pour sa « sensibilité » culturelle. Pour le cdH, DéFi et le MR, les origines flamandes de Polstermans la rendraient inapte à exercer la fonction d’échevine de la Culture à Woluwe-Saint-Pierre. Un postulat qui a de quoi surprendre, en particulier dans le chef du MR, dont l’une des membres, la cheffe de groupe au Parlement bruxellois Alexia Bertrand, est née à Wilrijk et parle les trois mêmes langues que Postelmans.

« On peut se demander si les partis qui viennent de monter au créneau au motif qu’une Flamande pourrait exercer des compétences d’échevin dans des matières francophones auraient manifesté la même opposition à l’égard d’un allochtone ».

Lorsque, par le passé, des échevins unilingues ont exercé des compétences dans des matières importantes pour les Flamands, les francophones ne s’en sont jamais offusqués, comme en témoigne le fait qu’un responsable politique ne maîtrisant pas le néerlandais a pu exercer pendant des années la tutelle sur les écoles de la Communauté flamande. 

On peut se demander si les partis qui viennent de monter au créneau au motif qu’une Flamande pourrait exercer des compétences d’échevin dans des matières francophones auraient manifesté la même opposition à l’égard d’un allochtone (une personne d’origine marocaine, par exemple, qui aurait par conséquent une sensibilité culturelle autre que francophone). 

Vous pouvez être certain que pas une seule voix critique ne se serait élevée, car celle-ci aurait immédiatement été qualifiée de « raciste ». Mais lorsqu’on parle de Flamands, tout est permis ! Il y a longtemps, un éminent membre du conseil communal d’Ixelles a admis que ce qui se dit facilement à propos des Flamands dans certains cercles francophones serait immédiatement taxé de racisme s’agissant d’allochtones. 

Postelmans a finalement été désignée échevine. Un épilogue qu’elle doit peut-être en grande partie au soutien improbable qu’elle a reçu d’un certain Olivier Maingain, le bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert et ex-président de DéFI. L’origine ne compte pas aux yeux de cet homme qui n’a jamais voué un amour immodéré aux Flamands, pourvu qu’un échevin exerçant des compétences en lien avec la culture francophone se déclare prêt à collaborer avec la Communauté française. Maingain-le-légaliste se montre ainsi sous son meilleur jour : chapeau !  

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