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17·06·15

Plus de voitures de société, plus de divorces

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo : epSos.de

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Les voitures de société, grâce à un régime fiscal favorable, causent sans cesse plus d’embouteillages, sans cesse plus de pollution et sans cesse plus de victimes sur nos routes. Nous le savons. Mais le vrai problème, c’est la désorganisation du territoire, qui a induit une réelle dépendance à l’automobile. Ce bouleversement aurait même un lien avec l’augmentation du nombre de divorces.

Les employés du Morgen peuvent facilement évaluer l’impact des voitures de société. Il leur suffit de jeter un œil au parking situé à l’arrière des locaux de la société du Persgroep Publishing, dont le quotidien fait partie. Une enquête nous apprend que sur les quelque mille travailleurs du site de Kobbegem, à peu près la moitié ont une voiture de société et souvent, celle-ci ne quitte pas son emplacement de toute la journée.

Dans un pays où le coût du travail est élevé, le Persgroep a intégré à sa politique salariale l’avantage fiscal qu’offre le leasing des voitures de société. Mais ce n’est là que l’aspect fiscal de la question.

Même avec un arrêt de bus devant la porte de la société et une gare accessible à vélo, la voiture reste le moyen de transport le plus simple pour des employés aux horaires flexibles, comme c’est souvent le cas dans les médias. La question est donc : pourquoi le Persgroep s’est-il délibérément installé le long d’une chaussée très fréquentée à Kobbegem ? Het Laatste Nieuws a logiquement suivi l’imprimerie qui avait quitté le centre-ville en 1989. Et les filiales ont suivi. En 2013, De Morgen à son tour a déménagé. L’imprimerie à l’origine de la migration en zone rurale était établie depuis longtemps à Lokeren.

“Avoir quitté la ville était une hérésie”, dénonce Léo Van Broek, professeur d’urbanisme à la KU Leuven et associé du bureau Bogdan & Van Broeck. Pour lui, l’histoire du journal De Morgen illustre clairement que l’on se trompe à nouveau de débat, car ce n’est pas tant un problème de voitures de société que d’aménagement du territoire. “Tout part d’un besoin de mobilité anormalement élevé dans ce pays. Les gens vivent relativement loin de leur lieu de travail et loin d’autres endroits stratégiques. Le résultat de deux siècles de politique antiurbaine. C’est la Belgique qui présente le plus de surfaces construites en Europe, avec les constructions les plus éparses. Notre pays compte autant d’habitants que toute l’agglomération parisienne. À Paris, le métro et le RER assurent la mobilité, ici c’est le chaos. Créer plus de routes n’est pas une solution. Et la Flandre est championne d’Europe des kilomètres de routes par logement.”

“La conséquence ? poursuit Léo Van Broek. Si vous voulez vous déplacer dans ce pays, la voiture est pratiquement incontournable. “Les coûts sont énormes. Les déplacements nous hissent en tête des records des accidents mortels sur les routes, tant pour les hommes que pour les animaux – chaque année, quatre millions d’animaux sont renversés par des voitures.

Temps perdu

L’enseignant-architecte envisage d’autres retombées d’un tel bouleversement du territoire. Atlanta (États-Unis) et Barcelone sont des villes peuplées de 5 millions d’habitants. L’une s’étend sur 7 700 kilomètres carrés et l’autre sur 700 kilomètres carrés. Par rapport à Barcelone, Atlanta a une empreinte écologique presque sept fois supérieure et fait quatre fois plus de victimes sur la route. La criminalité est plus élevée dans des quartiers largement étalés et sans contrôle social. Même le nombre de divorces tend à augmenter à cause du stress, en raison du temps perdu dans les déplacements et les embouteillages : cela pèse sur les relations humaines. Alors, ajoute-t-il en plaisantant, réfléchissez bien avant d’accepter une voiture de société”. La désorganisation du territoire est une croix pour notre pays, depuis sa création.

Y a-t-il quelque chose à faire ? Kristiaan Borret, architecte de la ville Bruxelles tempère. On ne reviendra pas en arrière. Le gouvernement a pendant longtemps encouragé et facilité une forme de “dispersion” de l’habitat. Telle est l’origine historique du problème. Concrètement, si nous voulons changer les choses aujourd’hui, il faudra passer par la fiscalité sur la mobilité.

“Je m’indigne terriblement de l’hypocrisie du débat sur la mobilité. Pourquoi parle-t-on toujours du gouffre de la SNCB où l’argent du gouvernement disparaît, et jamais du régime de subventions, tout aussi importantes, octroyées à la circulation routière ?”

Les ceintures extérieures

Comment peut-on éviter que des entités comme De Morgen ne quittent les villes encombrées ? Kristiaan Borret : “Les villes doivent se débarrasser d’un handicap social. On constate un phénomène nouveau : les bureaux du centre-ville, situés à proximité des gares, des stations de bus et de trams, ont beaucoup de succès. En revanche, ceux qui ceinturent la ville sont de plus en plus isolés, poussant les sociétés à s’établir plus en amont, du côté d’Alost ou Ternat. Pour faire face à la concurrence, les villes doivent donc bien organiser les transports en commun afin de rendre leur périphérie plus accessible.

D’après l’architecte Borret, il convient de repenser l’espace sur les ceintures périphériques, dans des communes telles que Deurne, Kontich et Edegem (Anvers), Jette, Kraainem (Bruxelles) ou De Pinte (Gand). “On pourrait tirer beaucoup de bénéfices en amenant les gens à habiter plus près les uns des autres, et en investissant là, pour eux, dans les transports en commun.

Le rapprochement est également le mot d’ordre de Leo Van Broeck. Il va même beaucoup plus loin. “Nous devons arrêter de dire qu’il faut investir davantage dans les transports en commun. Le véhicule privé est privilégié à cause de la lenteur des transports en commun. Il y a trop d’arrêts pour très peu de monde. En donnant l’illusion de préserver une mobilité de base, on encourage les gens à quitter les centres urbains puisqu’il y a de toute façon un bus !”

Une alternative ? Une mutation des droits fonciers. Des quoi ? Léo Van Broek : nous devons mieux exploiter les terrains des centres-villes et en utiliser ensuite les recettes pour exproprier les gens qui vivent à la campagne sans leur causer trop de préjudices. Concrètement : sur le terrain de la villa de Mamy X situé en ville, près de la gare, on construit dix maisons de rangée et un immeuble de vingt appartements. Le bénéfice de l’opération suffira amplement à offrir un beau prix à Mamy Y pour le rachat de sa villa à la campagne, dont nous restituons ensuite le terrain à la nature. Tout le monde en ressort gagnant : les propriétaires, le secteur de la construction, la nature et la mobilité.”

L’article en V.O. dans De Morgen, 16/06/2015, page 8 et 9

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