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Baisse de l’inflation ? Cinq questions pour ne pas se réjouir trop vite…
03·11·23

Baisse de l’inflation ? Cinq questions pour ne pas se réjouir trop vite…

Temps de lecture : 5 minutes Crédit photo :

© Iryna Khabliuk via canvas.com

Aujourd’hui, en Belgique, la méthode – imparfaite – utilisée pour mesurer les prix énergétiques fait baisser artificiellement le taux d’inflation, après avoir causé une surestimation l’an dernier. Cette situation risque d’éroder le pouvoir d’achat des personnes aux revenus les plus modestes, alors que les entreprises restent confrontées à des coûts de main-d’œuvre élevés.

Pourquoi le taux d’inflation belge a-t-il tant baissé ?

En octobre, dans notre pays, le taux d’inflation s’est établi à 0,36 % ; c’est le plus bas niveau que l’on ait observé depuis janvier 2021. L’indice des prix à la consommation harmonisé, qui répond à la définition européenne, s’est même établi à -1,7 % ; il s’agit d’un signe de déflation. Seuls les Pays-Bas (-1 %) affichent également un taux d’inflation négatif. Pour la zone euro dans son ensemble, l’augmentation du coût de la vie est retombée à 2,9 %.

Si l’inflation a spectaculairement baissé dans notre pays, c’est à cause de l’effet « énergie ». En octobre 2022, l’inflation, propulsée par la flambée des prix énergétiques, a culminé à son niveau le plus élevé depuis 1975, soit 12,3 %. Depuis, ces prix ont fortement baissé : par rapport à il y a un an, celui du gaz naturel a baissé de 77 % et celui de l’électricité, de 50,7 %. La forte pondération des prix de l’énergie dans le panier de l’indice produit donc l’effet inverse de celui de l’an dernier, et pousse l’inflation à flirter avec la barre des 0 %.

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Faut-il en déduire que l’inflation est désormais maîtrisée ?

Si l’inflation a baissé, cela ne signifie pas que l’économie a réussi à digérer les énormes hausses de prix de l’an dernier. La prise en compte des prix énergétiques dans les calculs d’inflation crée un faux sentiment de sécurité. Comme l’explique l’économiste Gert Peersman, de l’université de Gand : « les coûts énergétiques pris en compte dans le panier de l’indice reflètent les nouveaux contrats, alors que l’an dernier, de nombreux ménages bénéficiaient encore d’un contrat ancien, donc moins cher. C’est pour cette raison que le taux d’inflation réel a été surestimé l’an dernier. Au plus fort de l’inflation, ce biais faussait le calcul de plus de 7 points de pourcentage ».

« Aujourd’hui », ajoute Gert Peersman, « c’est l’inverse qui se produit et l’inflation est sous-estimée. Les factures d’énergie sont censées avoir baissé de 30 à 40 % alors que, pour la plupart des ménages, la note s’est justement alourdie, en raison de l’expiration de leur tarif fixe ainsi que des programmes de primes à l’énergie.

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Ajoutons à cela le mode de prise en compte des primes gouvernementales pour l’énergie. Dans le calcul de l’inflation, ces primes ont été étalées sur 12 mois : leur effet de freinage s’exerce donc à long terme, alors que leur effet sur le pouvoir d’achat est limité au seul moment où elles sont payées. Cette approche, elle aussi, conduit à une sous-estimation du taux d’inflation réel.

« La seule donnée fiable, aujourd’hui, est celui de l’inflation hors énergie », selon Gert Peersman. C’est ce que nous apprend l’inflation de base établie selon la formule européenne, à savoir la donnée qui exclut les denrées alimentaires, l’énergie et le tabac. À 5,6 %, en Belgique, l’inflation de base est nettement supérieure au taux d’inflation, mais aussi au taux d’inflation moyen de la zone euro (4,2 %).

Qu’est-ce que cela signifie pour les salaires et pour le pouvoir d’achat ?

L’indexation des salaires est une question sectorielle, mais cette année, pour de nombreux travailleurs, elle a été supérieure à 10 % en raison d’une inflation record. À cause du recul de l’inflation, l’indexation sera beaucoup plus faible l’année prochaine. Pour les salariés de la commission paritaire 200 (qui compte environ un demi-million de travailleurs), les salaires devraient augmenter de 1,49 % en janvier. En septembre, les observateurs tablaient encore sur une augmentation de 1,33 %, or il s’agit là d’un chiffre que suivent de très près les entreprises qui préparent leur budget 2024.

Selon Peter Vanden Houte, économiste en chef d’ING Belgique, « il se pourrait que l’indexation s’avère encore un peu plus élevée que cela ». Maintenant que s’estompe graduellement l’effet de base lié à l’énergie, le taux d’’inflation va probablement réaugmenter légèrement en novembre et en décembre. Il n’atteindra pas les 3 %, mais sera légèrement plus élevé qu’aujourd’hui.

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Pour le pouvoir d’achat aussi, on voit se profiler l’effet inverse de celui de l’an dernier. Par le fait de l’indexation, l’augmentation des salaires réels a donc dépassé l’inflation et les revenus les plus faibles ont bénéficié du coup de pouce offert par le tarif social de l’énergie, améliorant le pouvoir d’achat de la plupart des Belges. De tous les pays de l’OCDE, c’est en Belgique que l’augmentation du pouvoir d’achat a été la plus forte.

Cela étant, l’effet combiné de l’indexation limitée des salaires et d’un taux d’inflation susceptible d’avoisiner les 4 % en 2024 menace d’éroder le pouvoir d’achat. Pas tellement pour les catégories de revenus élevées et moyennes, toujours capables de se ménager une marge de manœuvre, que pour les revenus les plus modestes, s’ils constatent que leur salaire ne suit plus l’évolution du coût de la vie. En pleine année électorale, cette question pourrait se révéler politiquement délicate.

Qu’en est-il de la compétitivité des entreprises ?

En principe, la combinaison d’une inflation peu élevée et d’une indexation limitée des salaires est une bonne nouvelle pour les entreprises, puisqu’elle devrait se traduire par une augmentation ralentie de leurs coûts salariaux. Le Conseil central de l’Économie estime qu’entre l’année de référence 1996 et l’année 2024, l’augmentation des coûts salariaux en Belgique aura été supérieure de 1,7 % à celle de la France, des Pays-Bas et de l’Allemagne. Toujours selon Peter Vanden Houte, « ces dernières années, nos salaires ont augmenté tellement plus vite que celle de nos voisins que la correction de janvier ne suffira pas à gommer ce handicap ».

En outre, avec l’indexation des salaires, un choc inflationniste survenant en Belgique se propage plus largement et dure plus longtemps qu’ailleurs. « L’indexation a soutenu la consommation intérieure et le secteur des services ; et cela explique pourquoi l’économie belge continue de croître. Mais pour les entreprises industrielles exportatrices, confrontées à la concurrence étrangère, elle est pernicieuse », ajoute Peter Vanden Houte. Ces entreprises risquent de réduire leurs efforts de recrutement et de devoir vendre leurs produits plus cher, au détriment de la part de marché de la Belgique.

À ce désavantage concurrentiel s’ajoute le coût de l’énergie, structurellement plus élevé en Europe qu’aux États-Unis, malgré une certaine normalisation. « Cet effet joue déjà un rôle dans plusieurs secteurs, comme dans celui de la chimie, qui fait de plus en plus appel au chômage temporaire », explique Peter Vanden Houte. « Or on connaît l’importance de l’activité industrielle, source de capitaux venant de l’étranger et d’emplois supplémentaires dans le secteur des services ».

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Les taux vont-ils encore augmenter ?

Dans ses efforts de lutte contre l’inflation, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé la semaine dernière, et pour la première fois depuis plus d’un an, de maintenir ses taux d’intérêt inchangés, à 4 %. Toujours selon Peter Vanden Houte, « les observateurs s’attendent à ce qu’elle maintienne cette attitude jusqu’à l’été 2024. L’inflation s’est avérée plus coriace que ne le prévoyait la BCE, et l’institution de Francfort ne devrait donc pas risquer de reprendre les rênes trop rapidement. Les effets des accords salariaux conclus en Europe au premier semestre devraient nous montrer si l’inflation a effectivement été maîtrisée et si les taux d’intérêt peuvent effectivement baisser.

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