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Pourquoi les Flamands sont-ils aussi passionnés par le folklore?
06·06·22

Pourquoi les Flamands sont-ils aussi passionnés par le folklore?

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(BELGA) NICOLAS MAETERLINCK

Noëlle Michel
Traducteur⸱trice Noëlle Michel

Les processions de Ros Beiaard, du Saint-Sang ou des Pêcheurs ont toutes attiré des dizaines de milliers de spectateurs. Le folklore – ou plutôt, pour le dire en termes plus modernes : le « patrimoine culturel immatériel » – fait toujours battre nos cœurs. Nous sommes de longue date un peuple passionné de processions et de défilés. Mais d’où vient cet extraordinaire regain d’intérêt pour ces célébrations ? « Nous redécouvrons notre culture locale. En outre, le coronavirus nous a fait prendre conscience qu’on ne peut pas avoir le sentiment d’appartenir à une communauté en restant derrière son ordinateur. »

Le cheval noir de légende Ros Beiaard a attiré 86 000 personnes à Termonde, le week-end dernier. Près de 80 000 autres se sont rendues à Blankenberge pour y assister à la procession des Pêcheurs, avec géants et poissons. Plus tôt la semaine dernière, à Bruges, 40 000 spectateurs étaient présents à la procession du Saint-Sang, qui s’organise autour d’une goutte de sang mythique. Le week-end précédent, le cortège de Canteclaer – sorte de poule de légende – a attiré quelque 30 000 visiteurs à Deinze. Même la fête de Jehan Van d’Helle et sa procession du tabac à Wervik et Wervicq-Sud a séduit un nombre surprenant de personnes, à une époque où le tabagisme est pourtant largement dénoncé.

Et la saison des défilés n’est pas terminée. Dans les prochaines semaines sont prévues la procession de Saint-Léonard à Léau, celle de Pentecôte à Nevele, ou encore le cortège des cavaliers de la Saint-Sébastien à Michelbeke. Aucun doute : nous sommes une terre de processions, de défilés et de cortèges. Et les racines de cette culture plongent dans notre histoire.

« Le religieux a complètement disparu de nos jours, il n’en reste qu’une seule chose : l’envie de se rencontrer. Les gens ont besoin de proximité physique, et les réseaux sociaux ne peuvent la remplacer. »

Autrefois, chaque village avait sa procession, qui se déroulait chaque année, chaque mois ou même chaque semaine. Au bas Moyen Âge, ces événements ont évolué pour devenir des sortes de parades théâtrales avec dragons et géants, comme l’écrit Nienke Roelants dans l’ouvrage collectif Heiligen en tradities in Vlaanderen (Saints et traditions de Flandre).

Mais cela n’explique pas pourquoi ces défilés sont aujourd’hui à nouveau si populaires. « Il s’agit de rituels collectifs, explique Roelants. Parfois, les processions participent à un processus de deuil ou de commémoration, mais la plupart du temps, elles représentent une forme de célébration. Or, c’est précisément parce que nous vivons dans une société où tout passe par les ordinateurs et où les événements communautaires ont été relégués au second plan que ces derniers regagnent de l’importance. »

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Marc Jacobs, professeur en études patrimoniales à l’université d’Anvers, l’exprime en ces mots : « Ces défilés rassemblent des croyants, des personnes qui s’intéressent au patrimoine culturel, et des gens qui ont juste envie d’assister à un beau spectacle en plein air. Mais tous ont en commun de rechercher ce que les anthropologues appellent la communitas, l’esprit communautaire. »

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Avant d’ajouter: « La même dynamique est à l’œuvre dans un stade de foot ou à Tomorrowland. La différence avec les processions et cortèges, c’est que ces derniers existent souvent depuis des siècles, et se répètent en un lieu et à un moment précis. Ils sont l’occasion de s’évader du quotidien, et de faire l’expérience de la communauté et de l’égalité. Autrefois, nous appelions ça le folklore ; aujourd’hui, on parle de patrimoine culturel. Il ne s’agit pas d’une forme de culture populaire futile, mais plutôt d’une occasion pour tous les membres d’une communauté locale de mettre la main à la pâte, tous ensemble. »

Netflix est partout

« C’est un penchant presque nostalgique pour la tradition, souligne Pascal Gielen, sociologue de la culture à l’université d’Anvers. Une quête d’identité culturelle locale. Il faut aussi la mettre en rapport avec la mondialisation de la culture. Netflix propose les mêmes programmes partout. En réaction, nous nous tournons vers une culture plus locale. »

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Mais ce phénomène est encore plus complexe, selon lui : « On peut y voir une sorte de religion sécularisée. Il s’agit de célébrer la communauté, les relations sociales. Ce qui transcende l’individu. Le religieux a complètement disparu de nos jours, il n’en reste qu’une seule chose : l’envie de se rencontrer. Dans ce cadre, le coronavirus a joué le rôle de catalyseur. Les gens ont un grand besoin de proximité physique. Et nous avons pris conscience que les réseaux sociaux et le monde numérique ne peuvent pas remplacer cette proximité. »

Jorijn Neyrinck de l’Atelier flamand du patrimoine culturel immatériel constate également un grand engouement pour les défilés et processions. Elle aussi considère le coronavirus comme l’accélérateur d’une tendance amorcée depuis un certain temps : « La mondialisation et la numérisation ont commencé à la fin du XXe siècle. Ces phénomènes se sont accompagnés d’un grand appel à protéger la culture et les particularités locales. En 2003, l’UNESCO a publié sa convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel – qui a, par exemple, permis de préserver la procession de Ros Beiaard et celle du Saint-Sang. Ce qui revient à revaloriser d’anciennes traditions. Cette revalorisation a débuté lentement, mais à présent, elle s’accélère. Parce que les gens ont soif d’authenticité, ils veulent faire l’expérience d’une culture locale, qui puisse être partagée. »

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