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Le choc culturel d’un Belge expatrié en Australie: « Les Belges sont antipathiques au possible »
23·12·22

Le choc culturel d’un Belge expatrié en Australie: « Les Belges sont antipathiques au possible »

Frederik Anseel est professeur de gestion à l’université de New South Wales, à Sydney (Australie).

Temps de lecture : 3 minutes
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

Pour expliquer le rapport d’amour-haine que j’entretiens avec la Belgique, le plus simple est probablement de commencer par une plaisanterie bien connue des psychologues du travail. Deux jeunes poissons nagent ensemble dans la mer. Ils croisent un poisson plus âgé qui les salue d’un signe de tête. « Salut, les jeunes. L’eau est bonne, aujourd’hui ? » Les deux poissons poursuivent leur route en silence pendant quelques instants. L’un des deux finit par se tourner vers l’autre et lui demande : « C’est quoi, au juste, “l’eau” ? »

Lors de mes interventions, j’utilise cette blague pour expliquer le concept de culture. Si l’on baigne toujours dans la même culture, on ne peut pas comprendre ce qu’est notre culture, faute de points de comparaison. L’eau est omniprésente. Ce n’est que lorsqu’on en sort assez longtemps qu’on se rend compte que tout le monde n’évolue pas dans le même bassin.

Voici un exemple. L’expression « se fondre dans la masse » est souvent considérée comme typiquement néerlandaise, belge, britannique ou australienne, selon le pays où l’on se trouve. Mais il n’en est rien. Il s’agit d’un phénomène commun à toute l’humanité, mais en l’absence de points de comparaison, on pense qu’il est propre à sa culture.

« Si l’on baigne toujours dans la même culture, on ne peut pas comprendre ce qu’est notre culture, faute de points de comparaison. »

En 2022, je suis rentré en Belgique après deux ans d’exil dû au COVID. J’évoluais à nouveau dans le bassin où j’avais grandi. Je nageais toujours aussi bien, mais j’avais désormais une conscience aiguë de l’eau qui m’entourait. Attention : les lignes qui suivent font la part belle aux stéréotypes.

Les Belges sont antipathiques au possible et l’assument avec une telle effronterie que c’en devient drôle. À la façon dont on s’adressait à moi dans les restaurants, les magasins et aux guichets, j’en suis venu à regarder autour de moi, persuadé qu’il s’agissait d’une caméra cachée. Peut-être que les Belges sont tout simplement misanthropes. À l’étranger, ils s’évitent : « On n’est pas des touristes. »

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En Belgique, je faisais de longues promenades chaque matin, une habitude que j’avais prise pendant la crise du coronavirus. Lors de ma balade quotidienne à travers les champs désolés de la Flandre, je croisais chaque jour la même femme promenant son petit chien. Chaque jour, elle détournait le regard quand je la croisais. Pas un regard, pas un signe de tête, rien. Je trouvais la scène hilarante, mais je la comprenais. Étant belge moi-même, je ne suis pas particulièrement friand de conversations avec de parfaits inconnus. C’est précisément de cette eau-là que je parle.

Dans les conversations privées, les Belges sont impliqués, passionnés et francs. Ils ne craignent pas le débat. J’ai un jour visité Paris en compagnie de Belges et, à table, une personne a monopolisé la parole en étalant ses connaissances sur la ville. C’était très intéressant, mais des Anglo-Saxons aurait trouvé cela parfaitement impoli : dans leur culture, on s’arrange pour que tout le monde participe à la discussion. À un moment donné, l’un des convives a interrompu cette personne en protestant vigoureusement : « Je ne suis pas d’accord. » S’en est suivi un débat enflammé sur l’architecture parisienne.

« La moindre proposition, le moindre changement donne lieu à un débat quasi philosophique. Les Australiens, eux, préfèrent l’action : let’s get on with it. »

La scène était délicieuse. Et totalement inconcevable dans mon pays d’accueil, où l’on fait tout pour éviter d’afficher son désaccord en public. En Australie, les expatriés européens sont surnommés, non sans dénigrement, the Euros. Ce quolibet, nous le devons à notre éternelle insatisfaction : on râle, on se plaint — c’est inscrit dans notre ADN. La moindre proposition, le moindre changement donne lieu à un débat quasi philosophique. Les Australiens, eux, préfèrent l’action : let’s get on with it.

Et puis, notre vie sociale est étroitement liée à notre culture culinaire. En Belgique, il est tout simplement impossible de voir quelqu’un sans faire bonne chère. Nous passons des heures et des heures à table. C’est là qu’ont lieu les grandes conversations et que se forgent les liens intimes. Personnellement, j’adore ça. Mais cet interminable cortège de nourriture et de boisson est un véritable cauchemar pour bon nombre d’étrangers.

J’ai tenté l’expérience avec un ami. Nous nous sommes donné rendez-vous à Gand avec l’objectif très clair de faire le point sur nos vies au cours d’une longue promenade. Après deux heures, nous avons tout de même terminé dans un café, à nous regarder dans le blanc des yeux en nous demandant comment faire la conversation sans une bière ou, au moins, un café. J’étais heureux de pouvoir nager à nouveau dans mon milieu naturel. Belgique, je t’aime moi non plus.

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