Le journaliste Marijn Slijper s’est rendu au bar Heilig Huisken à Anvers à la quête d’eau gratuite. « Bien sûr que l’eau du robinet est gratuite ici ! », lance Jarmila du bar Heilig Huisken à Anvers. « Mieux encore, j’ajoute un glaçon et une rondelle de citron ! »
C’est exactement ce que le ministre de la Santé publique, Frank Vandenbroucke (Vooruit), aimerait entendre. Une partie du plan alcool, récemment approuvé par les ministres fédéraux et régionaux, prévoit que l’eau doit être gratuite dans les bars et restaurants qui servent également de l’alcool. Cette obligation pourrait entrer en vigueur en 2025.
Mais le bar Heilig Huisken a anticipé. « Dans d’autres pays comme la France, il est tout à fait normal d’offrir de l’eau gratuite », poursuit Jarmila. « Ce n’est bien entendu pas le but que les clients boivent de l’eau du robinet toute la soirée, mais ce n’est pas demain la veille que ça va arriver. Offrir de temps en temps une carafe d’eau n’aura pas d’impact sur notre chiffre d’affaires. »
Le sociologue de la santé Guido Van Hal (université d’Anvers) est également en faveur du plan. « La consommation d’alcool provoque une déshydratation, mais la plupart des clients se montrent réticents quand il s’agit de payer pour un verre d’eau. Si la gratuité de l’eau entre en vigueur, ils en boiront sans doute plus souvent. »
« La gratuité de l’eau revêt une fonction d’avertissement : attention, ne buvez pas trop d’alcool. »
Non seulement l’eau hydrate, mais elle pourrait également réduire la consommation d’alcool. Guido Van Hal : « La gratuité de l’eau revêt une fonction d’avertissement : attention, ne buvez pas trop d’alcool. Il serait intéressant d’étudier son effet, par exemple en interrogeant les clients et le personnel des bars et restaurants. Je ne m’attends pas à de grandes répercussions, mais comme on dit : si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire de tort non plus. »
Horeca Vlaanderen, la fédération qui défend les intérêts des entrepreneurs du secteur en Flandre, n’est pas de cet avis. « Malheureusement, rien n’est gratuit », peut-on lire dans un communiqué de presse. « Même l’eau du robinet doit être filtrée et quelqu’un doit la servir. Imaginez si une terrasse entière en commande. Ce n’est tout simplement pas possible. C’est pourquoi nous continuons à plaider pour le maintien de la liberté de choix des restaurateurs. Ils savent mieux que quiconque ce que leurs clients veulent, ce qui convient à leur établissement et ce qui est nécessaire pour rester rentable. »
« Je comprends que certains patrons soient moins enthousiastes », affirme Guido Van Hal. « Il s’agit finalement d’une mesure qui ne coûte rien au gouvernement, mais ça lui fait gagner des points dans la lutte contre l’alcool, pas mal, non ? »
Groupe d’action Free Tap Water
Du côté du groupe d’action « Free Tap Water In Belgium » qui se bat pour l’eau du robinet gratuite depuis 2018, l’enthousiasme est de mise. Grâce à leur lobbying, il y a même une fontaine à eau gratuite à l’aéroport de Zaventem. Leur page Facebook est suivie par 12 000 abonnés.
Morgane Vander Linden, bénévole : « L’eau est généralement commercialisée en bouteille, ce qui est néfaste pour la planète. C’est absurde même : on conditionne l’eau en bouteille, on la transporte en camion, alors qu’on peut la boire au robinet ! »
Le groupe d’action répertorie les bars et restaurants qui offrent déjà de l’eau gratuitement. Ce ne sera plus nécessaire en 2025. Et Morgane Vander Linden d’ajouter : « C’est un pas dans la bonne direction. On aimerait que ce soit partout le cas, pas seulement dans les bars et restaurants qui servent de l’alcool, mais aussi dans les gares ou les salles de sport. L’eau, c’est un besoin fondamental, ça devrait être gratuit. »
Jarmila du bar Heilig Huisken partage cette opinion. « Les enfants qui jouent au parc en été peuvent venir chercher un verre d’eau chez nous. Et si quelqu’un a trop bu, il doit d’abord boire de l’eau avant de reprendre son vélo pour rentrer. Nous veillons sur nos clients ! »
