En 2015, le Sénat a coûté 48 565 021,37 euros. Cette somme, certes inférieure de 6 446 058,31 € par rapport au budget établi, représente un fameux pactole. Plus de la moitié (52,54 %) des dépenses sont consacrées aux traitements du personnel statutaire, ce qui nous permet de situer d’emblée le nœud du problème : le Sénat emploie un contingent de 235 personnes à temps plein. Depuis 2010, l’institution n’embauche plus et pour 2019, le nombre d’emplois à temps plein devra se réduire à 180, ce qui représente encore un luxe considérable.
À titre de comparaison, l’équivalent du Sénat aux Pays-Bas (75 membres, 60 chez nous) se contente de 54 employés. Il faut reconnaître que le personnel de notre Sénat fournit généralement un travail de grande qualité. Mais les tentatives de les refiler à la Chambre ou dans d’autres institutions publiques n’ont pas souvent été couronnées de succès. La plupart des employés du Sénat ont compris depuis belle lurette qu’ils assistaient au déclin de leur institution, mais ils sont bloqués d’une part par les avantages liés à leur statut, et d’autre part par une présidente qui crée du travail et qui a mis fin aux conditions spéciales de départ de ses collaborateurs. Évidemment, personne n’aime faire des coupes dans son propre personnel.
Qu’a reçu le contribuable en échange de ces 48,5 millions d’euros ? Presque rien, finalement. Comme il ne lui reste que très peu de compétences législatives, le Sénat se tient occupé comme il peut, en réfléchissant à des questions qui transcendent les entités fédérées. Les fruits de toutes ces réflexions atterrissent dans des rapports d’information et des résolutions, c’est-à-dire des bouts de papier dont les instances qui les consultent ne sont pas obligées de tenir compte. Ces documents atterrissent donc directement dans les archives. En 2015, les trois commissions que compte le Sénat ont produit ensemble 5 rapports d’information, 2 projets de loi, 1 proposition de loi spéciale et 1 projet de loi-programme. Et les thématiques traitées, comme la question des mères porteuses ou la « proposition de résolution visant à résoudre le problème de l’apatridie et à protéger les apatrides », ne concernent pas vraiment le citoyen moyen.
Le Sénat, en plus de réfléchir à ce genre de questions très préoccupantes, doit aussi favoriser les rencontres entre les entités fédérées. Mais dans la pratique, il n’en est rien : le rapprochement entre les différents groupes linguistiques se limite aux chamailleries partisanes classiques entre majorité et opposition, et malheureusement, parfois même entre partis censés être partenaires.
En ces temps d’austérité budgétaire, il est tout bonnement irresponsable de conserver cette assemblée qui a perdu tout son sens. Les partis traditionnels qui, rejoints par Groen/Ecolo, l’ont maintenue en vie, ne s’en sont toujours pas rendu compte. Au contraire, ils s’échinent à vouloir donner coûte que coûte plus d’importance aux travaux du Sénat. Par exemple, ils veulent y introduire, d’ici peu, des débats d’actualité. Et une fois par an, au moment de la confection des budgets, ils se souviennent tout à coup que ces millions d’euros gaspillés n’iront pas dans la poche des citoyens.
Alors, on entend des voix s’élever pour exiger une réduction drastique des budgets. Ils imaginent pouvoir limiter le coût de cette institution à 20 millions d’euros à l’horizon 2024. Une vision totalement utopique, à moins de réduire à 130 le nombre de membres du personnel et de faire payer à la Chambre l’entretien des bâtiments, le personnel et les frais de fonctionnement, une perspective qui ne réjouit évidemment pas cette dernière, et dont le contribuable se moque comme de l’an quarante. Il n’y a que deux partis qui entendent sauter sur la première occasion venue pour supprimer le Sénat : la N-VA et le Vlaams Belang. Cette institution n’a que trop longtemps survécu.