Au regard des grands enjeux de ce monde, l’affaire Radja Nainggolan peut sembler bien frivole. Hormis aux yeux de l’intéressé, pour qui cette non-sélection s’assimile à une tragédie. Comme pour tout athlète de haut niveau, condamné à manquer une grande compétition et donc un objectif qu’il a poursuivi avec ardeur et soumission. Mais par rapport aux malheurs de la planète, et même aux difficultés qui rongent notre petit pays, la polémique a des allures de tempête dans un verre d’eau.
Néanmoins, la bronca provoquée par la décision de Martinez n’est pas aussi futile qu’elle n’y paraît. Laissons un instant de côté le volet sportif ou les décisions dites « tactiques » qu’un sélectionneur pense avoir à prendre. Après tout, l’homme a pris ses responsabilités. La décision est même, dans un certain sens, pleine de courage : personne ne souhaite s’attirer les foudres de tout un pays.
Même si tout indique le contraire, la non-sélection de Nainggolan a aussi de bons côtés. Elle a suscité une vague de protestations sans précédent, un incroyable élan de sympathie pour un joueur aux racines étrangères, pour un gars qui a grandi dans une tour de la banlieue anversoise, dans un environnement sans perspective, aggravé par un contexte familial difficile. Il est rare que la population éprouve quelque compassion pour ce genre de situations.
L’histoire de Radja est celle d’un homme qui a su exploiter ses talents pour se hisser au sommet. Tout seul, sans rien devoir à personne. Radja, citoyen belge, est un gars qui a gagné notre sympathie parce qu’il représente tout ce qui va à l’encontre du cours normal des choses. Des origines mixtes, un caractère bien trempé, Radja s’assume tel qu’il est, et le revendique. Un homme sans compromis, jusque dans ses tatouages et sa coupe de cheveux. Radja Nainggolan est un guerrier qui a l’arrogance d’un champion, un trait de caractère que nous envions aux Néerlandais, sans oser l’avouer.
Telle est l’explication de cet élan de sympathie et d’incrédulité. Radja n’est pas un footballeur moderne emballé dans du cellophane et perché dans sa tour d’ivoire. Il est un homme de chair et de sang, rempli de travers. Un modèle défectueux, qui boit et qui fume trop, et qui peine à s’abstenir, même quand les circonstances l’imposent.
Un entraîneur espagnol, formé au métier en Angleterre, ne pourra jamais comprendre à quel point cet Indonésien de souche fait figure d’exemple dans notre pays. Ce facteur n’est certes pas censé influencer les décisions du sélectionneur, au contraire des qualités footballistiques de ce joueur hors normes, dont Martinez aurait bel et bien dû tenir compte.