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18·12·17

Que devons-nous faire des enfants de djihadistes belges ?

Rudi Vranckx est reporter de guerre à la VRT. Il a a couvert plusieurs conflits pour la rédaction du service public flamand, notamment en  Irak et en Syrie. 

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) thierry ehrmann 

Auteur⸱e
Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

C’est officiel : l’EI a été vaincu en Syrie et en Irak. Les bastions que détenaient les djihadistes ont été libérés un à un et les disciples de l’EI ont été déplacés dans des camps ou mis en prison. L’heure, désormais, est la reconstruction. Mais entre les ruines, on retrouve également des combattants, des femmes et des enfants belges. Si nul ne conteste que les djihadistes doivent être poursuivis, on peut se demander quels crimes les enfants peuvent bien avoir commis. 

Nous avons côtoyé ces derniers mois ceux que l’on oublie, parfois, dans le débat autour de l’État islamique : les parents de celles et ceux qui sont partis en Syrie. Pendant que des parents apprenaient la mort de leur enfant, une autre famille recevait des supplications via Whatsapp. « Nous voulons rentrer à la maison », hurlent de jeunes hommes et femmes pendant que, derrière eux, les bombes pleuvent. 

Ces derniers mois, nous avons été en contact avec des dizaines de parents. Forts d’un petit réseau, sans moyens et avec beaucoup de questions qui s’entrechoquent dans leur cerveau, ces parents cherchent une solution pour que les membres de leur famille – enfants, épouses de djihadistes et combattants de l’EI – partis en Syrie puissent rentrer en Belgique. « Cela reste nos enfants », insistent les familles belges. La plupart du temps, les autorités restent toutefois sourdes à leur appel – et la problématique est étouffée sous un silence anxieux. 

Aujourd’hui, ils/elles sont quelques-un(e)s à témoigner. Yasmeen s’évertue à trouver une solution afin que sa belle-fille et ses deux petits-enfants puissent rentrer en Belgique. Elle dit être sûre et certaine que son fils Zacharia est décédé. Yasmeen ne peut toutefois pas compter sur l’aide des autorités belges et sa bru devra se débrouiller seule pour fuir la Syrie avec ses enfants et se rendre en Turquie, où elle pourra faire le test ADN censé établir son lien de parenté avec les grand-parents belges. Elle devra pour ce faire emprunter une route dangereuse. Une entreprise presque impossible à mener à bien. 

Le silence anxieux qui pèse sur le dossier ne facilite pas les choses 

Les petits-enfants de Soukaina lui manquent. Son fils est mort pendant qu’il participait à des combats à Deir-Ez-Zor et elle est sans nouvelles de sa belle-fille. « J’ai cinq petits-enfants bloqués en Syrie », raconte-t-elle avant de fondre en larmes. Soukaina et Yasmeen ne sont pas seules dans leur chagrin : quelque vingt femmes et quarante enfants veulent quitter le califat et revenir en Belgique. 28 autres enfants ignorent s’ils peuvent rentrer dès lors qu’ils n’ont plus de parent connu ou vivant en Belgique. Ils vivent dans l’incertitude, punis pour un crime qu’ils n’ont pas commis. 

Au total, ce sont au moins 115 enfants belges qui vivent entre les ruines du califat. Ils se trouvent dans des camps et des prisons dans les zones libérées ou vivent avec leurs parents dans les dernières cachettes du groupe terroriste. Ce sont les chiffres officiels de l’OCAM mais des experts estiment que ces enfants sont en réalité beaucoup plus nombreux. Il faut en effet savoir que les enfants nés sous le califat n’apparaissent pas dans le registre de la population. Ces enfants n’en demeurent pas moins belges. Et innocents. Existe-t-il une solution ? Et quid de notre devoir moral et humanitaire ? 

Le débat sur le retour des combattants en Syrie et de leur famille est émaillé de nombreux doutes et points d’interrogation. En pratique, l’équation ne sera pas simple à résoudre. Parce que personne ne voit d’un bon œil le retour de personnes parties combattre en Syrie. Parce qu’il est difficile de vérifier qui a pris les armes et qui se trouvait à la table de cuisine. Parce que les prisons belges sont déjà surpeuplées. Parce que les enfants resteront marqués à vie et constituent peut-être même un danger pour la société. Mais cela reste des êtres humains. Mieux, cela reste des citoyens belges. Et la Belgique est une démocratie, avec des lois et des peines coulées dans un système juridique. Quelles règles et peines faut-il dès lors appliquer aux combattants djihadistes et à leurs femmes et que devons-nous faire de leurs enfants ? 

Il y a beaucoup d’aspects dont il faudra débattre pour trouver une solution. Mais le silence anxieux qui pèse sur le dossier comme une omerta ne facilite pas les choses. Nous devons décider en tant que société comment nous pouvons traiter cette problématique. Par conséquent, le silence n’est pas une option. 

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