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Départ du président de la CSC : révoltant, mais pas illégal
03·03·23

Départ du président de la CSC : révoltant, mais pas illégal

Paul Notelteirs est journaliste pour le quotidien De Morgen.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

JONAS ROOSENS (BELGA)

Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Le président d’un syndicat, en l’occurrence Marc Leemans (ACV/CSC), qui recourt à un régime de pension de moins en moins accessible, a de quoi susciter l’indignation, étant donné le rôle symbolique que jouent les syndicats. Cependant, même si l’image du syndicalisme ne sortira pas indemne de cet épisode, Leemans n’a rien commis d’illégal.

Membre du « profitariat organisé », « profiteur », un exemple de « la manière dont certains syndicats mettent en péril notre modèle social ». Si de nombreux travailleurs reçoivent des fleurs ou des compliments au moment de partir à la retraite, le président du syndicat chrétien, Marc Leemans (61 ans), a surtout reçu une salve d’injures de la part des politiques et des faiseurs d’opinions. L’ACV – ou la CSC pour les francophones – licenciera son président, à la demande expresse de ce dernier. De ce fait, il pourra percevoir jusqu’à sa pension réelle une allocation supplémentaire, versée par son employeur, le syndicat, grâce au régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC).

La décision est délicate. En effet, le RCC a été fortement démantelé par les gouvernements Di Rupo et Michel. Les conditions sont devenues plus strictes, ce qui a entraîné une diminution immédiate des chiffres du chômage : en 2010, environ 120 000 personnes bénéficiaient de ce système, pour à peine plus de 18 000 au premier trimestre de cette année-ci.

Le rôle symbolique des syndicats

Les syndicats ont fermement manifesté leur mécontentement face au démantèlement du RCC. Il est donc pour le moins symbolique que le numéro un d’une organisation syndicale, qui touche un salaire brut annuel de 100 000 euros, recoure en vitesse à un régime de moins en moins accessible aux travailleurs actifs actuels.

C’est surtout du côté des partis de la majorité flamande que l’on a assisté à un déferlement de critiques. « Totalement irresponsable. C’est révoltant », a posté Sammy Mahdi, président du cd&v, sur Twitter. « Raison de plus pour supprimer le RCC. » Axel Ronse (N-VA) demande une séance d’audition au Parlement flamand afin de discuter du rôle du syndicat au sein du VDAB, le pendant flamand d’Actiris et du Forem.

Chez les jeunes de l’Open VLD, ce sont les accusations de fraude sociale qui font leur retour, assorties de menaces de plaintes auprès de l’inspection sociale au cas où Leemans mettrait à bien son projet de RCC.

Le président du syndicat s’attire les foudres du grand public, mais d’un point de vue juridique, Jan Vanthournout, de SD Worx, estime qu’il ne sera jamais condamné. « Beaucoup trouvent que ce n’est pas très joli, et que ces méthodes sont d’un autre temps, mais ce n’est pas de la fraude sociale pour autant. » Le RCC est normalement accessible à toute personne ayant atteint l’âge de 62 ans, licenciée après au moins 40 ans de carrière. Force est de constater qu’en janvier, Leemans satisfera à ces conditions légales.

Une grève générale? Pas maintenant, chers syndicats, pas maintenant ! 

Vanthournout ne voit aucun problème légal non plus à ce qu’il soit mis fin au contrat de travail à la demande du principal intéressé. Le syndicat reste donc relativement serein, malgré la pression de politiques qui menacent de procédures judiciaires. « Notre organisation a toujours défendu le RCC. Les possibilités légales dans ce pays valent pour tous les citoyens », justifie David Vanbellinghen, porte-parole de la CSC. Le syndicat fait également remarquer que d’autres travailleurs font appel à ce système.

S’il est compréhensible que de jeunes citoyens s’indignent de devoir encore travailler des années pour financer l’allocation d’un ancien salarié grassement payé, le courroux du politique a de quoi surprendre. Leemans ne fait que recourir à un système que ces mêmes politiques n’ont pas supprimé. Certes, l’image de la CSC en pâtira, mais selon M. Vanthournout toujours, l’impact sur la trésorerie demeurera probablement limité.

« L’employeur doit d’abord payer un préavis à l’employé licencié. En cas de longue ancienneté, ce préavis est très long. Ensuite, lorsque le RCC prend effet et que l’employé reçoit un supplément de l’État, la période de préavis est plus courte, ce qui peut limiter le coût par rapport à une prépension. »

« Les syndicats plaident depuis longtemps pour que les travailleurs plus âgés se voient offrir un travail réalisable et mieux adapté, plutôt que de devoir partir en prépension. »

Jusqu’à l’âge de la pension à proprement parler, Marc Leemans doit rester disponible sur le marché du travail. Cependant, il y a peu de chances qu’un employeur d’une autre société fasse appel à ses services. Les bénéficiaires du RCC devant reprendre le travail après leur licenciement sont rares. Le président de la CSC a donc manqué une occasion de repartir d’un autre pied à la fin de sa carrière en endossant un nouveau rôle.

De plus, les syndicats plaident depuis longtemps pour que les travailleurs plus âgés se voient offrir un travail réalisable et mieux adapté, plutôt que de devoir partir en prépension. L’idée n’est pas mauvaise, étant donné le vieillissement de la population, qui met sous pression la sécurité sociale et force les citoyens en général à travailler plus longtemps. Dans les années septante, la prépension avait été imaginée dans l’idée de remplacer chaque prépensionné par un jeune travailleur. Ce n’est pas ce qui s’est passé, et aujourd’hui, on observe une diminution de la proportion de jeunes actifs sur le marché du travail, ce qui aggrave encore la situation.

Hier, les autres grands syndicats se sont abstenus de tout commentaire. La FGTB regrette qu’on ne se concentre pas davantage sur les mérites de Leemans, et du côté libéral, on ne juge pas la discussion souhaitable. À la fin de la semaine, le Groupe des Dix, qui rassemble les principaux négociateurs des partenaires sociaux, se réunira à propos de l’avenir du RCC. Peut-être qu’à cette occasion, Leemans se verra offrir fleurs et compliments.

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