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Transférer des détenus sans papiers au Kosovo? Une idée irréaliste, chère et injuste
02·05·24

Transférer des détenus sans papiers au Kosovo? Une idée irréaliste, chère et injuste

An-Sofie Vanhouche (VUB), Linda Kjær Minke (Université du Danemark du Sud) et Kristel Beyens (VUB) sont criminologues.

Temps de lecture : 2 minutes Crédit photo :

Photo de Kirk Cameron sur Unsplash

Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

La semaine dernière, Theo Francken (N-VA) a proposé de transférer les détenus dépourvus de titre de séjour belge vers une prison du Kosovo, pour répondre au problème de la surpopulation carcérale dans notre pays. Son inspiration lui vient du Danemark, qui met actuellement sur pied une telle coopération avec le Kosovo. Une solution évidente ?

En 2016 déjà, des responsables politiques danois avaient suggéré l’idée d’envoyer des détenus sans titre de séjour dans des prisons étrangères. Au premier abord, ce genre de coopération peut sembler facile, et semblable à celle qu’a réalisée la Belgique avec les Pays-Bas par le passé. Pour rappel, notre pays avait envoyé temporairement des détenus à la prison de Tilburg pour alléger la pression dans nos prisons surpeuplées. À l’époque, les Pays-Bas avaient explicitement soumis l’accord à une condition : il ne pouvait pas s’agir uniquement de déplacements de personnes sans titre de séjour. Il en a été de même plus tard, dans le cadre d’une coopération semblable avec la Norvège.

Le Kosovo est bel et bien disposé à n’enfermer que des détenus sans titre de séjour. L’idée fut très vite critiquée par des juristes et des criminologues danois, entre autres parce que la défense des droits humains des personnes détenues n’était pas garantie. Dans le débat public, cependant, la coopération avec le Kosovo a été défendue comme une façon rapide et bon marché de créer des places de prison supplémentaires.

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Pourtant, l’addition est salée pour l’État danois, qui présente cette dépense comme un investissement au Kosovo, censé utiliser l’argent pour améliorer le respect des droits humains et pour développer un État de droit.

En outre, nous avons appris, lors d’une visite à la prison danoise, que les détenus ne sont pas prêts à partir de manière volontaire au Kosovo. Il est plus que probable que les transferts devront se faire sous la contrainte, procédure qu’avait déjà condamnée le Comité de prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe à l’époque de la coopération entre la Belgique et les Pays-Bas. Mais nous n’en sommes pas encore là. Même si les contrats furent signés en 2021, aucun détenu n’a encore été transféré au Kosovo. Les obstacles qui n’en finissent pas de se succéder bloquent pour l’instant la ratification de cette coopération.

Il convient dès lors de se demander si ce scénario est de nature à résoudre le problème criant de surpopulation carcérale en Belgique. Et au-delà des problèmes pratiques et juridiques, une deuxième question se pose : les pays économiquement riches ne créent-ils pas, en l’espèce, une nouvelle forme de nations ou de colonies pénitentiaires ?

Du reste, pourquoi tant de personnes sans titre de séjour résident-elles dans les prisons belges ? Il est peut-être temps de se pencher sur l’injustice des processus de sélection dans notre société, notamment dans notre système pénal. Nous savons qu’en grande partie, les chiffres de détention évoluent indépendamment des chiffres de la criminalité, et que la population carcérale se détermine avant tout par des politiques et des processus de sélection à différents niveaux de la chaîne pénale. Une solution plus durable consisterait à combiner ces processus de sélection avec une politique de détention plus humaine, qui se concentrerait sur la recherche maximale d’autres manières d’accueillir ces groupes.


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