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La N-VA face à ses propres pièges : la stratégie précaire de Bart De Wever
31·08·23

La N-VA face à ses propres pièges : la stratégie précaire de Bart De Wever

Bart Maddens est politologue à l’Université de Louvain (KU Leuven), et proche du mouvement flamand.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

BELGA (JAMES ARTHUR GEKIERE)

Auteur⸱e
Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Il y a quelques semaines, Theo Francken, l’un des ténors de la N-VA, lançait dans le quotidien De Tijd un appel au Vlaams Belang, demandant à ce parti de s’abstenir de participer aux prochaines législatives. De facto, cela se traduirait par une alliance entre la N-VA et le Vlaams Belang, puisqu’en toute logique, ce parti devrait alors appeler ses électeurs à voter N-VA au fédéral.

Lundi, c’était au tour du président de la N-VA, Bart De Wever, de rêver à haute voix d’une alliance entre la N-VA et l’aile droite du CD&V et de l’Open VLD. Une idée difficilement conciliable avec celle de Theo Francken.

Ces deux propositions, tant celle de Theo Francken que celle de Bart De Wever, ont toutes les caractéristiques de tirs à blanc, chacun dans une autre direction. Ou encore de football-panique — surtout dans le cas de Theo Francken. Parce qu’en effet, le discours de Bart De Wever correspond bien à la stratégie d’ensemble appliquée depuis quelque temps par la N-VA. Le parti sait que regagner les voix du Vlaams Belang ne sera pas facile. Et face à la dynamique du président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, Bart De Wever est démuni.

Un mariage CD&V/ N-VA ? Pas demain la veille

Si elle veut gagner des voix, la N-VA doit donc se tourner vers le centre, et viser les électeurs de centre-droit du CD&V et de l’Open VLD déçus par la Vivaldi. En l’occurrence, la défection de certaines personnalités politiques de ces partis au profit de la N-VA tomberait à pic.

Pour séduire les électeurs centristes, la N-VA se doit de prendre ses distances à l’égard du Vlaams Belang. En effet, Bart De Wever ne saurait tenir sérieusement à ces électeurs modérés le discours suivant : « rejoignez-nous, nous pourrons alors former un gouvernement avec l’extrême droite ». C’est pour cette raison que le président de la N-VA, dans ses interviews, émet des mises en garde de plus en plus explicites contre les projets « révolutionnaires » du Vlaams Belang, excluant pratiquement toute coopération avec ce parti.

« Dans une perspective nationaliste flamande au sens large, la stratégie de Bart De Wever est la seule bonne. »

Au sein de l’aile radicale du mouvement flamand, cette attitude suscite d’ailleurs beaucoup de ressentiment. Or dans une perspective nationaliste flamande au sens large, la stratégie de Bart De Wever est la seule bonne. Si la N-VA évolue vers la droite, comme le propose apparemment Theo Francken, le parti ne pourra prendre au mieux qu’une poignée de voix au Vlaams Belang. Ce serait un coup pour rien, et la part de marché du mouvement nationaliste-flamand resterait inchangée. En revanche, en cas de succès de la stratégie de Bart De Wever, cette part de marché augmenterait, mettant la majorité absolue à portée de main.

C’est cela, bien sûr, qui changerait vraiment la donne en 2024, comme Bart De Wever l’a très bien compris. Le seul fait qu’il soit possible de former un gouvernement flamand séparatiste ébranlerait le système belge.

« Si les nationalistes flamands l’emportent en 2024, ce sera la fin de la Belgique telle qu’on la connaît »

Très probablement, les nationalistes flamands disposeraient alors d’une majorité de blocage dans le groupe linguistique néerlandais tant de la Chambre que du Sénat, donnant à la N-VA un droit de veto institutionnel. Même pratiquer de simples ajustements techniques mineurs à des lois spéciales s’avérerait alors impossible sans la N-VA.

La N-VA n’aurait même pas besoin de former une coalition avec le Vlaams Belang : rien que la menace d’un gouvernement flamand séparatiste serait un levier suffisant pour réaliser une réforme majeure de l’État.

Bien entendu, cette voie est semée d’obstacles. Comme la Lijst Dedecker, par exemple. Selon toute probabilité, l’existence d’une liste LDD distincte priverait la N-VA et le Vlaams Belang d’un certain nombre de voix. Et si le score LDD devait rester inférieur au seuil électoral dans certaines circonscriptions, ces voix seraient perdues pour les nationalistes flamands, réduisant d’autant la probabilité d’une majorité absolue.

« Rien que la menace d’un gouvernement flamand séparatiste serait un levier suffisant pour réaliser une réforme majeure de l’État. »

Mais la stratégie de Bart De Wever recèle également un élément autodestructeur. Pour séduire les électeurs centristes, son parti doit se distancier de l’extrême droite. Dans de telles circonstances, il lui serait particulièrement difficile de se tourner vers le Vlaams Belang après 2024. En effet, la stratégie visant à diaboliser le Vlaams Belang n’est pas exempte de conséquences pour la N-VA, où un nombre croissant d’adhérents et de militants juge impossible la formation d’un gouvernement avec l’extrême droite. Si cette résistance interne s’intensifie, comment Bart De Wever pourra-t-il encore agiter de manière crédible la menace d’un gouvernement flamand séparatiste ?

Voilà donc le président de la N-VA piégé par sa propre stratégie. Pas étonnant qu’il commence à en avoir par-dessus la tête.


Un an avant des élections qui s’annoncent cruciales pour l’avenir du pays, les présidents de partis flamands se sont dévoilés dans une série d’interviews inédites pour DaarDaar. Retrouvez la bande-annonce:

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