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Ces responsables politiques flamands pour qui Bruxelles ne doit plus être bilingue
30·04·21

Ces responsables politiques flamands pour qui Bruxelles ne doit plus être bilingue

Pour trouver des agents de police bilingues à Bruxelles, il faut parfois prendre son mal en patience. Les responsables bruxellois trouvent cette situation normale, mais pas Luckas Vander Taelen, ancien député flamand membre de Groen mais également comédien, qui s’en offusque dans cette tribune.

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(cc) dimitrisvetsikas via Pixabay

Bruxelles. Un cycliste se fait percuter par un chauffard. Il souhaite porter plainte. Rien de compliqué à première vue : les rondes de la police sont fréquentes dans le quartier. Mais voilà : la victime est néerlandophone. Or, parmi les sept patrouilles qui s’arrêtent pour lui prêter assistance, pas un seul policier ne parle flamand. Il faudra attendre le huitième fourgon pour trouver un fonctionnaire capable de rédiger un procès-verbal dans la langue du cycliste.

La loi est donc bafouée en toute impunité. À Bruxelles, les agents de police doivent en effet être bilingues. Mais dans la pratique, c’est rarement le cas. Les candidats qui satisfont à cette obligation sont trop peu nombreux, fait-on valoir comme excuse. La véritable raison est tout autre : la méconnaissance du néerlandais n’est jamais considérée comme inacceptable. Et les francophones ne jugent pas nécessaire de remettre en question leur enseignement des langues, d’un niveau lamentable. Une situation que les ministres de l’Intérieur tolèrent depuis toujours.

Il m’est déjà arrivé d’être dévisagé par des policiers, littéralement incapables d’articuler un seul mot de néerlandais, comme si je parlais l’idiome d’un pays très lointain. Alors, oui, les agents de police flamands qui travaillent dans la capitale malmènent aussi le français. Mais au moins, ils arrivent à se faire comprendre.

S’adapter ou déménager

Notre malheureux cycliste s’est plaint sur Twitter, où a aussitôt réagi un ministre bruxellois néerlandophone. Sven Gatz (Open VLD), dont les attributions englobent le multilinguisme, a ainsi « déploré » l’incident, mais en ajoutant : « Ce n’est pas à la ville de s’adapter à vous. » Il a ensuite demandé au cycliste, avec une certaine suffisance, s’il se sentait « opprimé ».

Des propos qui rappellent le jardon du FDF, qui balayait d’un revers de la main toutes les plaintes des Flamands en les jugeant exagérées. Pour bien souligner sa pensée, le ministre a ajouté, qui plus est en français : « C’est comme ça. » S’adapter ou déménager, ça ne vous rappelle rien ?

Personne ne peut mettre en doute la fibre flamande de Sven Gatz. Il a commencé sa carrière politique au sein de la Volksunie, un parti nationaliste flamand, et a travaillé pour Vic Anciaux, qui en a été le président. Mais visiblement, il estime que le respect des lois linguistiques importe moins dans la Bruxelles « cosmopolite » de 2021, comme il la qualifie lui-même. En raison des nombreux allophones qui y vivent, la capitale n’est plus une ville flamande ou francophone, précise-t-il dans son tweet. « Les lois linguistiques datent de 1966 et doivent être modernisées », avait-il déjà affirmé il y a quelque temps sur la chaîne Bruzz. Les téléspectateurs n’avaient alors pas pu apprécier le sens exact de son propos. Peut-être son tweet publié dans la foulée de l’incident avec le cycliste offre-t-il désormais quelques indices…

« C’est comme ça »

Le ministre estime donc que les agents de police, voire la ville de Bruxelles dans son ensemble, n’ont pas à s’adapter aux néerlandophones. Les services communaux et les hôpitaux non plus, je suppose. Imaginez un instant que des responsables politiques néerlandophones fassent ce genre de déclaration dans les communes flamandes de la périphérie bruxelloise. Qu’ils affirment qu’elles n’ont pas à s’adapter aux francophones et à proposer des facilités. Cela susciterait une indignation générale du côté des francophones. Rappelons qu’en l’état actuel des choses, nous frôlons tout de même des crises gouvernementales parce que les francophones doivent, une fois par an, introduire une demande spéciale pour obtenir des documents dans leur langue. Peut-être que les autorités flamandes devraient aussi leur répondre : « C’est comme ça. »

À Bruxelles, des responsables locaux mettent de plus en plus souvent en avant le cosmopolitisme de la capitale pour la faire apparaître comme une métropole francophone. Le bilinguisme appartient au passé, l’avenir est au multilinguisme, clament ces francophones, dont la plupart ne maîtrisent, au passage, qu’une seule langue. Les efforts qu’ils déploient pour faire valoir « une région à part entière » qui se verrait attribuer la compétence d’enseignement s’apparentent à un moyen détourné de mettre fin à l’influence de la Communauté flamande.

Syndrome de Stockholm

Il est regrettable que Sven Gatz utilise lui aussi la diversité de la population comme prétexte pour faire fi des lois et des règles en arguant qu’elles sont obsolètes. D’un point de vue stratégique, cette démarche est tout sauf intelligente pour un responsable politique flamand à Bruxelles. Car ce faisant, le ministre semble s’enfermer, et avec lui tout un pan de la classe politique néerlandophone de la capitale, dans un splendide isolement fondé sur un discours identitaire bruxellois. De lui-même, il dit en effet qu’il se définissait jadis comme un « Flamand bruxellois », avant de se considérer comme un « Bruxellois flamand » et, désormais, simplement comme un « Bruxellois ».

Il n’y a rien de mal à cela, mais on peut en revanche déplorer que son ressenti personnel le conduise à remettre en question les règles linguistiques que les francophones n’ont jamais respectées. À la veille d’une septième réforme de l’État, ce n’est assurément pas la meilleure base pour engager le débat sur l’avenir de Bruxelles avec les francophones. En réalité, Sven Gatz semble souffrir du syndrome de Stockholm : sa position minoritaire au sein du gouvernement bruxellois l’a peu à peu amené à faire sienne la mentalité de ses collègues francophones.

Qui pour négocier ?

Il est temps pour les partis flamands de mener une réflexion au sujet de Bruxelles. Car lors des réformes de l’État précédentes, les négociations ont souvent été confiées, côté flamand, à des responsables qui connaissaient mal la capitale. Conner Rousseau, le président de Vooruit, le pendant flamand du PS, a d’ailleurs récemment déclaré, dans l’émission Terzake, qu’il n’avait pas encore fait le tour de la question « Bruxelles ». Dans le cadre des négociations, il est normalement possible de solliciter les responsables néerlandophones de la Région de Bruxelles-Capitale. Mais au vu du tweet inconsidéré d’au moins l’un d’entre eux, peut-être vaudrait-il mieux y réfléchir à deux fois.

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