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Peut-on rire du canon flamand ? Deux auteurs ont tenté le coup
06·11·20

Peut-on rire du canon flamand ? Deux auteurs ont tenté le coup

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Pixabay

Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

En rendant publique sa note de départ, le formateur du gouvernement flamand, Bart De Wever, s’était fait un petit plaisir. Il s’y était risqué à plaider en faveur d’un canon (historique) flamand. Ses confrères historiens ont évidemment critiqué ce canon téléologique et politisé (car orienté vers la construction d’une identité), mais la critique est aussi allée au-delà de cet aspect. Pourtant, aux Pays-Bas, un canon du même genre constitue depuis plus d’une décennie un outil éducatif destiné à mieux faire connaître l’histoire du pays.

Un canon sans gêne

Ce canon se penche-t-il également sur les aspects négatifs de l’histoire flamande ? Bien sûr que oui, même si beaucoup refusaient de le croire et pensaient que le canon allait servir à faire de la récupération ou à redorer le blason de la Flandre. Pourtant, le ministre de l’Enseignement ne s’est pas mêlé de la composition de la commission qui allait définir le canon, et le gouvernement flamand n’a donné aucune consigne aux experts de ladite commission et il n’a imposé aucun cadre.

Il fallait s’attendre à ce que la simple idée d’un canon déclencherait railleries et critiques impitoyables. Tout comme il fallait s’attendre à ce que le marché récupère ce canon. En effet, à la mi-novembre paraîtra la deuxième version, mise à jour, du canon littéraire de la KANTL (l’Académie – flamande – de la langue et des lettres néerlandaises) sous la forme d’un livre. Et récemment, un autre livre a été publié : De Vlaamse canon, arborant sur sa couverture un lion des Flandres gêné qui se cache les yeux. Un lion aux griffes rouges, pour ceux qui y accorderaient de l’importance.

Une énorme blague

Le canon présenté par ce livre n’a cependant rien d’un canon. D’ailleurs, les auteurs ne s’en cachent pas et préviennent dès la préface : « Lorsque le passage sur le canon flamand a fuité de l’accord de gouvernement, nous avons vite compris que personne ne prendrait cette idée au sérieux. C’est pourquoi nous nous sommes chargés de réaliser nous-mêmes ce canon. » De deux choses l’une : soit la publication du travail vendredi par la commission leur donnera tort, soit ils auront réussi en griffonnant un canon peu sérieux et surtout comique de la Flandre.


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Peu sérieux, ce n’est rien de le dire. De Vlaamse canon est tout sauf sérieux. C’est une énorme blague, du début à la fin. C’est avant tout une allusion pas du tout subliminale au vrai canon, qui doit encore être élaboré. Les deux auteurs – Geert Stadeus est auteur de romans et d’almanachs, Stijn Van der Stockt est une « personnalité médiatique flamande » (d’après sa page Wikipedia en néerlandais) – tournent en dérision la Flandre et les Flamands en 400 pages. Et ils y sont brillamment parvenus. Presque chaque passage mériterait de figurer dans les colonnes de Humo, du moins quand ce magazine était encore drôle et satirique.

Un non-canon

En plus de 150 sujets et personnages, les auteurs offrent « une ébauche de » canon flamand. D’un canon flamand, comme le mentionne la page 2 : non scientifique, non idéologique, non exhaustif, non définitif, non agrafé, non illustré et donc non onéreux. » Leur canon, qu’ils définissent comme une « encyclopédie de notre grandeur dans les petites choses », qui va de « aardappelen » au « Zwin ». Objectif affiché du bouquin : faire rire le lecteur. Ce sont les deux auteurs qui le disent dès l’avant-propos, et franchement, ils ont atteint leur objectif. Du moins si le lecteur est capable d’un peu d’autocritique.

Fait intéressant : le livre ne reprend que trois personnalités politiques – si on ne compte pas le militant belgo-libanais Dyab Abou Jahjah : Edward Anseele, fondateur du sp.a et de Vooruit (oui, comme le probable nouveau nom du sp.a !) et Lucienne Herman-Michielsens, grande défenseuse du droit à l’avortement. Frank Vandenbroucke a aussi droit à son entrée, mais en réalité, il s’agit du coureur cycliste décédé.

De Vlaamse canon recense aussi des lieux, des personnalités, quelques événements historiques, deux couleurs (blanc et noir…), de la nourriture et des boissons (non, Zuhal Demir, pas les boulettes sauce tomate, mais bien le waterzooi, la Westmalle et les chicons – witlo(o)f – pour la seule lettre W). Il va de soi que ce canon préfère les clichés bien gauchistes au questionnement et à la nuance. Pour cette dernière, il vaudra mieux attendre le vrai canon, celui qui est encore en chantier. D’ailleurs, le mot cliché ne figure pas dans le canon non exhaustif. Science non plus, fort heureusement. Pas étonnant que le lion de la couverture ait honte de regarder les choses en face.

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