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15·05·18

Moins de plastique, plus de gaspillage alimentaire

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) Vedatzorluer

Il y a lieu de réduire la montagne de déchets. Un objectif qu’espère atteindre la ministre flamande de l’environnement, Joke Schauvliege (CD&V), par le biais d’un nouveau plan d’action. Le plastique est présenté comme une calamité. Cette critique se justifie-t-elle pour autant ? « Le gaspillage pose davantage problème », semblerait-il.

À travers cinq questions, des spécialistes nous font part de leurs réserves à l’égard du « zéro plastique ».

« Nous devons dès à présent bannir le plastique non réutilisable. Il n’y a rien de pire », selon Koen Stuyck, du WWF.

1. Mon concombre se gâte-t-il plus vite sans plastique ?

Oui. Étant donné que les légumes parcourent un long chemin entre la récolte et l’assiette, ils sont emballés. En bout de course, ils sont ainsi moins abîmés et se conservent jusqu’à trois fois plus longtemps. Le plastique constitue bien souvent l’emballage idéal : il empêche le dessèchement des denrées. Selon Bruno De Meulenaer, professeur de technologies alimentaires à l’université de Gand, le plastique est, à bien des égards, le meilleur type d’emballage qui soit. Léger, il protège aussi remarquablement le produit. « Que ferait-on avec une alternative en papier si l’emballage venait à prendre l’eau ? », s’interroge De Meulenaer. « Jeter le produit à la poubelle, tout simplement ? »

Aux yeux du professeur, le gâchis alimentaire pose davantage problème que l’utilisation de matière synthétique qui peine à se décomposer. Les concombres, mais également les produits laitiers et la viande se conservent plus longtemps grâce au plastique. « Le gaspillage a un prix, pensons notamment à l’empreinte écologique qui découle de la production de viande. »

Dans les colonnes d’opinions de ce journal, Philippe Weiler, responsable de la durabilité chez Lidl, s’est exprimé sur le sujet : « Actuellement, un tiers de la consommation alimentaire valse aux ordures. Parmi ces pertes, ce ne sont pas moins de 30 à 40% qui sont à mettre sur le dos du consommateur. » À en croire les chiffres les plus récents publiés par la plateforme flamande de lutte contre les pertes alimentaires, 900.000 tonnes de nourriture sont parties en fumée en 2015.

2. Le plastique a-t-il déjà vécu ses plus belles années ?

Non. Il fait partie intégrante du supermarché et la donne n’est pas près de changer, selon le professeur en emballage Peter Ragaert (UGent). Chaque année, à travers le monde, 320 millions de tonnes de plastique sont produites. Un volume en constante augmentation. Environ 40 pour cent de la production est destinée à l’emballage, dont 40 pour cent, à nouveau – soit à peu près 51 millions de tonnes – vont vers le conditionnement alimentaire.

« Les matières synthétiques représentent 35 pour cent du conditionnement alimentaire », précise Ragaert. « Le papier et le carton pèsent également 35 pour cent, viennent ensuite le verre et le métal, à raison de 30 pour cent. »

Les campagnes telles que « Plastic attacks » et « Mei Plasticvrij » (mai sans plastique) portent-elle réellement leurs fruits ? La réponse est positive. « Nous observons un changement », indique Ragaert. « Jusqu’il y a peu, la charcuterie était vendue uniquement sous plastique. Maintenant, les paquets sont parfois en carton, uniquement couvert d’un film plastique. » Koen Stuyck, du WWF, souligne l’importance de la sensibilisation. « Ces actions favorisent les changements de mentalité auprès des consommateurs et encouragent l’industrie et les autorités à améliorer leur stratégie. »

3. Le sac en coton est-il une solution ?

Rien n’est moins sûr. Delhaize souhaite remplacer les 80 millions de sachets plastiques utilisés chaque année au rayon fruits et légumes par des exemplaires en coton. Une noble idée, estime Stuyck. Il n’en demeure pas moins que selon ce dernier, la chaîne ferait mieux de se tourner vers d’autres fibres. « Outre les conditions de travail souvent épouvantables qui régissent sa récolte, le coton a une grande empreinte écologique car son traitement requiert de l’eau douce et des insecticides. »

De Meulenaer, quant à lui, juge les recherches menées sur le bioplastique d’ores et déjà prometteuses. Cette matière ne nécessite pas de pétrole, sinon des sources renouvelables telles que le maïs, la canne à sucre ou encore l’acide polylactique issu du fromage, comme l’a démontré un groupe de scientifiques louvanistes.

« À côté des 320 millions de tonnes de plastique, ce sont environ 2,5 millions de tonnes de bioplastique qui sont fabriquées chaque année », nuance toutefois Ragaert. De Meulenaer reconnait le problème : « La faible échelle entraîne des coûts de développement élevés. Sans compter l’empreinte écologique nécessaire à la production de bioplastique, qui n’est pas non plus négligeable. »

Face au plastique, le papier et le carton ne font bien souvent pas le poids. Selon Ragaerts, il y a des progrès à réaliser en matière de recyclage. « Aujourd’hui, les déchets plastiques ne se recyclent pas tous facilement, c’est notamment le cas des bouteilles en PET. Les fabricants d’emballage réfléchissent à la manière de généraliser le recyclage autant que possible, au point de se passer, à terme, de combustion.

4. Quid du « plan déchets » de Schauvliege ?

« Si chacun commençait à emmener ses petits pots au supermarché, nous nous dirigerions vite vers une crise alimentaire. » De Meulenaer ne croit pas en une société « zéro plastique ». À en croire le professeur, les consommateurs ne sont que peu conscients des risques. « Le pot sera mal lavé, ou traînera trop longtemps dans la voiture, et puis on le remplira de viande hachée ? C’est aller au-devant de problèmes. »

Dans la sphère politique, la N-VA n’est pas convaincue par le plan déchets auquel Schauvliege (CD&V) apporte la touche finale. Cette dernière souhaite inciter les industries à diminuer leur utilisation de plastique au moyen, notamment, d’un système de consigne. Pour la N-VA, les mesures proposées par la ministre ne vont pas assez loin. « Nous plaidons pour une économie circulaire à travers laquelle les déchets se transforment en nouvelles matières premières. Un tel système se doit d’être imperméable, or le plan d’action de Joke Schauvliege comporte encore de trop nombreuses brèches », signale le député flamand Bart Nevens.

La formation nationaliste craint que le système de consigne ne vienne faire de l’ombre au sac bleu PMC. Schauvliege entend trouver la parade en étendant le sac PMC à tous les déchets recyclables.

Selon Stuyck, l’avenir est à l’économie circulaire. « Nous devons maintenant en être quitte du plastique non réutilisable. Il n’y a rien de pire. » Si ce n’est toujours pas le cas à l’heure actuelle, c’est « souvent pour une question d’argent », selon les dires du porte-parole du WWF. La combustion coûte en effet parfois moins cher que le recyclage.

5. Sommes-nous réellement en mesure de bannir le plastique de nos magasins ?

« Non. Pour le moment, l’emballage plastique demeure incontournable. Non seulement il permet à l’aliment de garder sa fraîcheur plus longtemps, mais il nous évite également de manger de la nourriture avariée », insiste De Meulenaer.

 

 

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