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Queen Nikkolah crée la discorde à Gand : quand la tradition rencontre la diversité
29·11·23

Queen Nikkolah crée la discorde à Gand : quand la tradition rencontre la diversité

Depuis la parution de l’article, le centre culturel gantois VierNulVier, qui s’appelait autrefois Vooruit, a confirmé pour sa part que son événement autour de « Queen Nikkolah », également programmé le 6 décembre, est bien maintenu.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(c) vetrestudio via Canva

Auteure
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

À Gand, Saint-Nicolas est accompagné d’une sainte pour l’aider, ce qui a provoqué bien des remous dans la ville. La toute nouvelle assistante n’a en effet pas de longue barbe blanche, ni de mitre, mais bien un couvre-chef orné de perles et une peau noire. Queen Nikkolah, qui doit être reçue le 6 décembre à l’hôtel de ville, a pour objectif de susciter le débat sur les limites liées aux origines ethniques et aux genres, se félicite la ville de Gand. Cependant, la fête prévue n’aura pas lieu.

« Queen Nikkolah est un nouveau mythe pour les enfants. Il remet en question les limites liées aux origines ethniques et au genre. Originaire du pays ensoleillé d’Alkebulan, elle possède un cœur particulièrement chaud qui réchauffe la société froide du Pays Très Proche. » C’est ainsi que Gand promeut sa nouvelle sainte sur son site Internet. Queen Nikkolah n’est pas un homme, elle ne porte pas de longue barbe blanche ni de mitre richement ornée, ni même de bâton, et elle ne dispose pas de serviteurs. Au contraire : la Sainte que souhaite inviter l’échevine de la Solidarité internationale, Hafsa El-Bazioui (Groen), est une femme de couleur vêtue d’une robe rouge de reine et coiffée d’une mitre sertie de perles. De surcroît, comme on peut également le lire sur le site de la ville, elle échange gratuitement les vieux livres de Saint-Nicolas contre des exemplaires nouveaux et plus modernes.

Plus woke que woke

Queen Nikkolah n’est pas nouvelle. En 2019, elle avait déjà foulé la scène du centre culturel VierNulVier, qui s’appelait encore Vooruit à l’époque. Mais de là à la voir reçue à l’hôtel de ville même, il y a un pas à ne pas franchir pour bon nombre d’observateurs. « C’est plus woke que woke », peut-on entendre dans les couloirs de l’hôtel de ville. D’autant plus que l’initiative n’aurait fait l’objet d’aucune discussion. Il se dit également que les partenaires de coalition de Groen ont été stupéfaits de voir l’événement avec Queen Nikkolah apparaître sur le site de la ville ce lundi.

« Recevoir Queen Nikkolah pour fêter une « Saint-Nicolas sans racisme » revient à dire que la fête classique de Saint-Nicolas est raciste, juge Anneleen Van Bossuyt, conseillère communale N-VA. Il est hors de question qu’on nous vole nos traditions, cela dépasse les bornes. Et en ce qui concerne les livres : quelle mesquinerie ! À Gand, les moralisateurs et les censeurs ne sont jamais loin. Le mythe de Queen Nikkolah décrit notre bon Saint-Nicolas comme un homme glacial. J’en frémis. Les fêtes de Saint-Nicolas constituent justement, dans de nombreuses écoles ou associations, une occasion d’organiser des collectes de jouets pour les offrir aux enfants plus défavorisés. »

Les dérives de l’idéologie woke

La « Sainte woke » suscite aussi le mécontentement hors de Gand. Sur X, les critiques les plus virulentes viennent – naturellement – de la droite et de l’extrême droite. Ainsi, Zuhal Demir (N-VA) écrit : « Queen Nikkolah remplace ton vieux livre de Saint-Nicolas contre un nouveau livre plus moderne ? Et que compte-t-elle faire de ces vieux livres ? Un feu de camp ? Le remiser dans le coffre-fort de l’Art dégénéré ? »

Le bourgmestre anversois Bart De Wever (N-VA), lui, estime que Groen a depuis longtemps cessé de défendre notre nature : « C’est devenu un véritable mouvement d’autoflagellation contre la civilisation occidentale et ses traditions », a-t-il tweeté. Dans l’émission Terzake, le sujet a été débattu par Nadia Naji, co-présidente de Groen, et Chris Janssens, du Vlaams Belang. Naji a défendu le projet : « Je trouve que les réactions sont disproportionnées. Je pense que vous avez très peur d’une Sainte alors que personne ne vous force à vous asseoir sur ses genoux. »

De l’adaptation des traditions

Patrick Loobuyck, philosophe et professeur à l’Université d’Anvers, y voit un mouvement de balancier qui revient trop loin : « Lorsque Zwarte Piet (le père Fouettard noir) est devenu un roetpiet (un père Fouettard couvert de suie), cela répondait à une certaine demande. À l’époque, des citoyens critiques dénonçaient un contexte historique qui rappelait l’esclavage et un certain mépris envers les personnes noires. De mon point de vue, il était alors parfaitement légitime de demander une adaptation des traditions. En revanche, il me semble pour le moins artificiel de faire de Saint-Nicolas une femme, alors qu’il était évêque. L’initiative aura ses partisans, et elle dérangera ceux pour qui les traditions doivent rester gravées dans le marbre. Seulement, il faut bien constater que dans ce cas-ci, certains veulent être tellement politiquement corrects que les opposants exagéreront aussi. Dès lors, il importe de se demander ce que la société va y gagner. »

Un effet magique

Les nombreuses critiques qui déferlent sur la ville de Gand, où, soit dit en passant, le grand Saint a déjà fait son entrée le 19 novembre avec ses pères Fouettards couverts de suie, ne sont pas restées lettre morte. Pourtant, l’événement avait déjà réuni 200 inscriptions, ce qui tend à démontrer l’enthousiasme généré par Queen Nikkolah dans le chef de certains Gantois. Le bourgmestre Mathias De Clercq (Open Vld) a cependant décidé lundi soir, peu avant 19 heures, et donc juste avant le début du conseil communal, que la fête – tout comme la fête traditionnelle de Saint-Nicolas, par ailleurs – n’allait pas pouvoir s’organiser à l’hôtel de ville. « Je n’étais pas au courant, a-t-il déclaré. Nous risquions, par cette initiative, de susciter le mauvais débat. Personne n’aurait rien à y gagner. Notre ville, inclusive et ouverte à la diversité, souhaite accueillir les gens, et non les rejeter. »

Les organisateurs recherchent donc un nouveau lieu. Quant à Queen Nikkolah, un personnage de l’artiste Laura Nsengiyumva, elle insiste pour faire son apparition et démontrer qu’elle exerce toujours un effet magique sur les gens.

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