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Immo Royal perturbe l’offensive de charme du roi Philippe
29·11·19

Immo Royal perturbe l’offensive de charme du roi Philippe

Chez Apache, on en a déjà vécu, des choses, au cours de nos enquêtes. En rédigeant des articles sur ce que les puissants préfèrent dissimuler, nous savons qu’il ne faut pas nous attendre à ce que toutes les informations nous soient fournies sur un plateau d’argent. Mais nous ne nous attendions pas à voir la Dotation royale et la Régie des bâtiments déployer des moyens aussi importants pour tenter de cacher pendant des mois des documents essentiels.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

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Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Pendant plusieurs mois, des journalistes d’Apache, de De Tijd, de Knack et de VRT NWS se sont échinés à rassembler un maximum d’informations pertinentes sur les propriétés de la Donation royale. Pour ce faire, nous avons souvent dû suivre des procédures aussi lentes que kafkaïennes. En fin de compte, la loi relative la publicité de l’administration s’est révélée suffisamment solide pour nous permettre de mettre les chiffres à nu.

La conclusion ne supporte aucune ambiguïté : la Donation royale fait payer par le contribuable une partie de la gestion de ses domaines grâce à toutes sortes de mécanismes tous plus nébuleux les uns que les autres. Et c’est la famille royale qui en profite.

Autonomie financière

Tout ceci entre en contradiction avec l’accord conclu en 1903 entre Léopold II et l’État belge. L’une des conditions préalables à la création de la donation royale était que sa gestion ne pouvait rien coûter à l’État. Aussi, la loi de 1930, qui donne naissance à la Donation royale, stipule clairement que la gestion de l’héritage de Léopold II devait demeurer financièrement autonome.

La Donation, pourtant, interprète cette loi d’une façon particulièrement unilatérale. Les revenus des domaines sont utilisés en premier lieu pour les châteaux utilisés par le roi et sa famille. Les frais des autres domaines, par contre, se répercutent sur les budgets d’autres organisations et structures de l’État.

Il règne sur cette répartition des frais un réel manque de transparence. Et il est clair également que dans le passé, les gouvernements successifs n’ont pas conclu d’accords transparents à ce sujet non plus. C’est du moins ce que nous allions découvrir au fil des jours.

En effet, c’est derrière ces accords opaques que la Donation royale s’est cachée pendant longtemps, car les propriétés ont été ajoutées à la Donation petit à petit, à différentes périodes, et à différentes conditions. Il n’en demeure pas moins que la manière dont le tout est géré est contraire à l’esprit de la loi.

Une image écornée

Le dossier Immo Royal renvoie une image très différente de l’image publique que le roi Philippe et la reine Mathilde, bien aidés par leurs experts en communication, ont bâtie au fil du temps : l’image d’une monarchie attentionnée, diligente, réconfortante et au service de ses sujets et de la cohésion entre tous les Belges.

Mais en ces temps d’austérité budgétaire, la Cour n’hésite pas à se faire quelques petits profits en râclant les fonds de tiroir de la Donation royale.

Si la monarchie entend sérieusement se transformer, elle devra faire disparaître tout soupçon d’hypocrisie et de cupidité. L’enquête que nous avons menée avec nos collègues nous permet en tout cas de déduire que le roi actuel dispose, dans ce domaine, d’une autre éthique que ses prédécesseurs.

Congo

Cette affaire est d’autant plus navrante que le roi Léopold II a bâti son immense fortune en partie grâce aux revenus de ses « investissements » dans l’État indépendant du Congo. Certains des châteaux, domaines, bois, bureaux et surfaces commerciales gérés actuellement par la Donation royale sont le « fruit » de l’horrible politique d’exploitation du Congo menée par Léopold II.

Alors que tous les pays occidentaux tentent de se réconcilier avec leur passé colonial, la monarchie belge serait bien inspirée de régler sa dette envers le peuple congolais. En d’autres termes, les revenus de la Donation royale devraient – moralement parlant – être destinés en priorité au développement du Congo ou à l’amélioration des conditions de vie des milliers de membres de la diaspora congolaise de Bruxelles.

Voilà qui changerait le cours de l’histoire. Une histoire bien plus crédible que celle d’une reine qui lit des livres aux enfants lors d’une semaine de sensibilisation à la lecture ou qui chante avec un chanteur à succès flamand.

Pour conclure, il est temps que le parlement se penche sur les secrets qui entourent la Donation royale. Il est encourageant de voir qu’on plaide pour une commission d’enquête parlementaire, car nous n’avons pas eu l’autorisation de consulter des documents essentiels de la Cour des comptes, et toute communication avec la presse ou le grand public se révèle absolument impossible.

Dans une démocratie, le citoyen a le droit de savoir ce qui est fait de ses impôts. Et afin de garantir ce droit, les institutions compétentes (parlement, Cour des comptes, presse…) doivent pouvoir faire leur travail sans obstacles.

Les difficultés rencontrées par des journalistes d’investigation expérimentés (bravo à eux !) afin de déterrer ce dossier ne présagent rien de bon et constituent une énième preuve de la fragilité de nos institutions démocratiques. Dans des moments pareils, il y a de quoi se réjouir de la survie de notre quatrième pouvoir.

En guise de conclusion, voici un rappel adressé au Roi Philippe : la devise de la Belgique est « L’Union fait la force », et non « Pour vivre heureux, vivons cachés ».

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