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Enseignement: « À partir de 50 à 60 % d’enfants vulnérables, les écoles ne s’en sortent plus »
21·03·23

Enseignement: « À partir de 50 à 60 % d’enfants vulnérables, les écoles ne s’en sortent plus »

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Photo de National Cancer Institute sur Unsplash

Jens Vancaeneghem
Auteur⸱e
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

Les chiffres sont édifiants : les écoles qui comptent beaucoup d’élèves en situation de vulnérabilité — ceux qui ne parlent pas le néerlandais à la maison, par exemple — ont d’autant plus de mal à préparer les écoliers pour qu’ils réussissent dans l’enseignement supérieur. Face à une situation où certains établissements accueillent bien plus d’enfants défavorisés que d’autres, les experts tirent la sonnette d’alarme. « À partir de 50 à 60 % d’enfants vulnérables, les écoles ne s’en sortent tout simplement plus », résume le professeur Martin Valcke.

Deux écoles peuvent proposer le même programme d’études et se situer à quelques minutes de distance, mais l’une compter, davantage que l’autre, bien plus d’élèves qui ne parlent pas le néerlandais à la maison. Le constat vaut pour l’ensemble du système flamand. S’agissant du nombre d’élèves vulnérables qui y sont inscrits, les disparités entre les établissements sont énormes. Et cela ne concerne pas seulement les allophones. L’administration sait parfaitement, pour chaque école, combien d’élèves bénéficient d’une allocation scolaire, combien vivent dans un quartier difficile et combien sont élevés par une mère peu qualifiée.

Or, ce statut socioéconomique — c’est bien le nœud du problème — a des conséquences considérables sur le taux de réussite des élèves dans l’enseignement supérieur. Dans les écoles qui proposent uniquement la filière générale, c’est-à-dire qui se concentrent exclusivement sur la préparation à l’enseignement supérieur (157 établissements sur 955), le nombre d’élèves qui décrochent un diplôme de bachelier en trois ans est inversement proportionnel au pourcentage d’enfants défavorisés qui y sont inscrits.

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« On sait que les enfants de statut socioéconomique inférieur ont de moins bons résultats dès la maternelle et la primaire », explique Mieke Van Houtte, sociologue de l’enseignement à l’Université de Gand. « Souvent, ils sont moins aidés par leurs parents, connaissent moins bien notre système scolaire et sont en proie à des difficultés financières. C’est normal qu’un élève s’en sorte moins bien à l’école s’il ne peut même pas faire ses devoirs au calme parce qu’il partage un espace exigu avec de nombreux frères ou sœurs. Autant de problèmes qui ne sont pas toujours compensés à l’école et qui viennent donc hypothéquer les chances d’obtenir de bonnes notes. »

On ne s’étonnera peut-être pas d’apprendre que l’école qui présente la plus faible diversité se trouve au fin fond de la campagne limbourgeoise et que c’est un établissement bruxellois qui occupe l’autre extrémité du spectre. En revanche, il est pour le moins frappant de constater qu’au sein d’une même ville, on retrouve de telles différences entre deux écoles situées à deux pas l’une de l’autre. Une situation inadmissible, selon certains experts.

« Dès que l’on dépasse les 50 à 60 % d’enfants vulnérables, l’école est confrontée à tant de problèmes qu’elle ne peut plus rien faire. »

« Le problème, c’est qu’il existe un seuil critique », résume Martin Valcke, spécialiste de l’enseignement à l’Université de Gand. « Dès que l’on dépasse les 50 à 60 % d’enfants vulnérables, l’école est confrontée à tant de problèmes qu’elle ne peut plus rien faire. » Les établissements bénéficient certes de ressources additionnelles pour accompagner les élèves vulnérables. « Mais au-delà de ce point de bascule, il devient impossible de rectifier le tir à coup d’heures de cours supplémentaires », analyse le professeur.

Des mécanismes subtils

Toute la question est de savoir à quoi sont dues ces grandes différences. Les histoires sont anecdotiques, mais plusieurs experts évoquent la mise en place, dans les écoles, de mécanismes subtils, visant à écarter les élèves « difficiles », que même les procédures d’inscription informatisées — c’est le sort qui décide si l’enfant aura une place dans l’école choisie — ne permettent pas de contourner. Des factures élevées qui dissuadent les parents, par exemple.

Toutefois, ce sont surtout les étapes postérieures à l’inscription qui sont cruciales. « Dans certaines écoles, on a quatre classes parallèles en première année, mais plus que deux en troisième », observe Martin Valcke. « Pourquoi ? Parce que ces établissements opèrent une sélection drastique. » Le plus souvent en sanctionnant l’année par une attestation d’orientation B, mais la démarche peut être encore plus subtile. « L’école peut donner une attestation A à un élève, mais, lors d’une rencontre avec les parents, leur expliquer que leur enfant ne trouvera pas sa place dans cet établissement à long terme », explique le spécialiste de l’enseignement Dirk Van Damme.

Les meilleurs enseignants

En réalité, cette « sélection » se fait souvent de manière inconsciente : certaines écoles cherchent simplement à se concentrer sur les meilleurs éléments. La conséquence perverse, c’est que ce sont justement les élèves les plus vulnérables sur le plan social qui restent sur la touche plus que les autres. Martin Valcke préconise donc un système octroyant des crédits aux écoles sur la base du nombre d’élèves accompagnés jusqu’à la ligne d’arrivée plutôt que sur le nombre d’inscriptions. Une réforme radicale qui est cependant loin d’être plébiscitée.

« En soi, il est bon que les écoles puissent se forger une identité propre », estime Dirk Van Damme. « Les parents ont ainsi la possibilité de choisir un établissement qui leur ressemble. Il est naïf de croire que l’on peut atteindre un idéal de diversité dans toutes les écoles. Il y a, à mon sens, un problème plus important : celui des enseignants. Les meilleurs devraient donner cours aux classes qui ont le plus besoin d’eux, c’est-à-dire celles qui comptent beaucoup d’enfants vulnérables. Il faut donc revoir les modalités de recrutement. On touche là à la liberté de l’enseignement, mais c’est pourtant une question sur laquelle il est urgent de se pencher. »

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