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26·07·18

Comment la grève chez Ryanair est devenue inévitable

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo by Lucas Davies on Unsplash

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C’est fait : le personnel de Ryanair a mis à genou la figure de proue des compagnies à bas coût. Les 25 et 26 juillet, presque aucun avion de l’entreprise irlandaise ne décollera ou n’atterrira en Belgique. Ce qui semblait impensable il y a quelques années a donc fini par se produire. La direction de la plus grande compagnie low cost d’Europe a perdu la main (du moins pour l’instant) et doit se plier aux exigences de l’équipage de cabine et de conduite — au risque de voir son organisation se fissurer.

Il n’empêche que l’histoire de Ryanair a été marquée par des succès à répétition. Depuis la libéralisation de l’aviation européenne, en 1997, la petite compagnie irlandaise est devenue la référence par excellence du low cost à l’européenne.

Ces vingt dernières années, elle a connu une croissance fulgurante sur le plan financier, alors que d’autres sociétés européennes se sont cassé les dents, incapables de rivaliser. À travers sa culture low fares made simple, « les vols à bas prix en toute simplicité », c’est Ryanair qui, toute seule, a créé la situation actuelle, où tout un chacun a les moyens de se payer un billet. En résumé, prendre l’avion pour trois fois rien.

Quel service ?

Il est possible de trouver des tickets à partir de 9,99 euros. Mais le service offert en échange est devenu légendaire : tout s’achète à coups de suppléments et lorsque le vol est annulé en raison de problèmes techniques ou autres, les passagers se retrouvent généralement bien seuls.

C’est cette culture, couplée aux innombrables subventions accordées par différentes régions, toutes désireuses d’imposer leur petit aéroport, qui a permis l’essor inégalé de la compagnie irlandaise.

Payer pour voler

L’équipage de conduite et de cabine, dont les contrats de travail sont extrêmement précaires, est soumis à une exigence de rendement que n’imposent pas les compagnies classiques. Souvent, le pilote lui-même doit mettre la main au portefeuille pour pouvoir voler sur un avion Ryanair : le système pay to fly, dont la compagnie à bas prix a tiré profit durant des années face à la situation excédentaire de l’Europe, où nombre de pilotes ne parvenaient pas à trouver un emploi.

Ainsi, une formation sur un Boeing 737 coûte facilement plus de 20 000 euros — qui viennent s’ajouter aux quelque 100 000 euros que déboursent les pilotes pour leur formation initiale. Dans les avions Ryanair, il n’est donc pas rare de trouver des pilotes qui versent de l’argent à la compagnie pour pouvoir voler.

Si l’on ajoute à cela l’équipage de cabine, mal payé par rapport aux pilotes et soumis à une pression considérable pour vendre des boissons, de la nourriture et — tenez-vous bien — des billets de loterie pendant le vol, on comprend aisément que tôt ou tard, la situation sociale finirait par devenir explosive, tant dans le cockpit qu’en cabine.

Une autre époque

Michael O’Leary, l’extravagant PDG de Ryanair et petit génie de l’aviation européenne, a joué avec le feu ces dernières années en exacerbant le conflit avec le personnel. Mais les temps ont changé. L’économie repart, le secteur de l’aviation connaît une croissance exponentielle, les pilotes et le personnel de cabine sont très demandés sur tout le continent.

Les compagnies mettent en avant des conditions de travail et des salaires alléchants pour attirer les travailleurs. L’année dernière, Ryanair a ainsi vu quantité de ses salariés quitter le navire pour des entreprises telles que WOW Air, basée en Islande, ou la compagnie low cost Norwegian. Vous pensiez vraiment que les annulations de centaines de vols en septembre dernier étaient simplement dues à quelques orages dans le ciel italien ?

Michael O’Leary a joué, et peut-être perdu. Celui qui, à l’époque, excédé être coincé dans les embouteillages de Dublin, avait demandé une licence de taxi pour pouvoir circuler sur les voies de bus et de taxi, a sous-estimé son personnel et l’évolution du contexte.

Panique

Prise de panique, Ryanair a engagé l’année dernière un dialogue avec des syndicats, allant même jusqu’à en reconnaître quelques-uns par-ci par-là. L’entreprise espérait ainsi éviter les grèves, mais Michael O’Leary n’a que très peu de marge, voire aucune, pour faire des concessions significatives.

Car la culture low fares made simple, qu’il a lui-même mise en place, exerce désormais une pression sur ses propres revenus et chaque revers qu’essuie la compagnie aérienne se ressent sur son compte en banque. Cette année, les bénéfices devraient être inférieurs de 20 % à ceux de 2017 (même s’ils continuent de dépasser largement le milliard d’euros), ce que Michael O’Leary, ancien comptable, supporte beaucoup moins que le mécontentement des pilotes et de l’équipage de cabine.

Qui paie la facture ?

Dans un secteur hautement compétitif, la baisse du prix des billets et la nouvelle hausse du cours du pétrole empêchent toutes les compagnies aériennes européennes de dégager des marges confortables. Ces vingt dernières années, Rynair a fait des victimes partout où elle s’est implantée. Parfois une autre compagnie, parfois les consommateurs, et très souvent le personnel lui-même.

Michael O’Leary s’est enrichi presque sans rien faire et nous avons désormais tous la possibilité de voyager à travers le continent pour trois fois rien. Mais en achetant un billet d’avion à 9,99 euros, on se rend compte, peu à peu, que quelqu’un doit bien payer la facture. S’il n’avait pas voix au chapitre ces vingt dernières années, le personnel de Ryanair se fait désormais entendre plus fort que jamais et annonce une période de turbulences pour le prodige de l’aviation européenne.

Low fares made simple ? Pourvu que Michael O’Leary ne le regrette pas.

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