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Abbaye d’Averbode : et si on tentait la voie de l’agroécologie ?
03·05·22

Abbaye d’Averbode : et si on tentait la voie de l’agroécologie ?

Ingrid Pauwels est coordinatrice du mouvement Voedsel Anders qui milite pour l’agroécologie. Heleen De Smet est responsable de la politique alimentaire et agricole de Bond Beter Leefmilieu qui regroupe des organisations environnementales. Bertjan Olivier est membre du conseil d’administration de la West-Vlaamse Milieufederatie, la fédération environnementale de Flandre occidentale.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

BELGA (INE GILLIS)

Et si l’avenir de l’abbaye d’Averbode passait par l’agroécologie ? Entre agriculture industrielle et arrêt forcé, trois experts préconisent cette « troisième voie ».

Ad omne opus bonum paratus – prêt à toute bonne œuvre. Telle est la devise des Norbertins d’Averbode. La semaine dernière, le monastère prémontré du Brabant flamand a fait l’objet d’une attention aussi soudaine qu’inattendue dans les médias du nord du pays. En cause : l’annonce de la possible fermeture prochaine de l’exploitation laitière, aux émissions d’azote jugées outrancières.

Durant des siècles, les abbayes ont été au centre de l’agronomie. Les cultures et l’élevage du bétail y ont toujours été organisés en circuit fermé afin de garantir le meilleur équilibre entre la production et les écosystèmes naturels. Un raisonnement d’une logique implacable.

Pourtant, la production laitière de la ferme d’Averbode se trouve aujourd’hui menacée. En 2015, avec une cinquantaine de vaches laitières et de bovins de boucherie, elle était toujours classée « orange ». Sous la pression, entre autres, de laiteries (qui n’apprécient guère se déplacer pour de petits volumes) et de consultants suggérant des investissements technologiques de grande envergure afin de réduire les émissions d’ammoniac, même les abbés ont fini par céder aux chants des sirènes de l’économie d’échelle. À grand renfort de subventions, la politique agricole encourage les agriculteurs à acquérir toujours plus d’animaux, à agrandir sans cesse leurs étables, à adopter des solutions toujours plus technologiques.

Pression sur les agriculteurs

L’entreprise a reçu de la part du gouvernement flamand l’autorisation de s’étendre à 145 vaches laitières – une décision que le dernier « arrêt azote » du Conseil flamand pour les contestations de permis jugera en tous points contraire à l’esprit des règlements européens. En raison d’un ajustement des zones de préservation des habitats naturels et de l’agrandissement de leur cheptel, les abbés ont appris qu’un code rouge planait sur leur exploitation. Un exemple criant et particulièrement douloureux des manquements du monde politique, qui se montre incapable d’offrir aux agriculteurs un tant soit peu de certitudes quant à leur avenir et de reconnaitre le rôle majeur joué par ces derniers dans notre société.

Émissions d’azote: un décret met en péril la ferme de l’abbaye d’Averbode

Les déboires d’Averbode sont hélas caractéristiques de la politique menée en Flandre ces dernières décennies. Poussés par les acteurs qui profitent grassement de la politique actuelle, les exploitants n’ont d’autre choix que de se plier à la logique de l’économie d’échelle. Cette tendance précipite la disparition d’un profil de cultivateurs dont nous avons désespérément besoin : celles et ceux qui travaillent de manière agroécologique, dans le respect de la nature, de la biodiversité et du climat. Or, ils sont les véritables garants de la préservation de l’espace naturel et les producteurs des denrées alimentaires de demain.

L’histoire de l’abbaye d’Averbode ne laisse personne indifférent : nul ne veut voir disparaître ce partenariat historique entre agriculture, culture et nature. Les fermes mixtes favorisant les élevages à taille humaine et les circuits fermés, respectueuses des habitats naturels, méritent une place importante dans notre modèle agricole.

Précurseurs

L’agriculture et la nature ne doivent pas être perçues comme des rivales. Par essence, elles ne le sont pas. À l’abbaye d’Averbode, jusqu’en 2015, les Norbertins ont appliqué avant la lettre divers principes agroécologiques. Aujourd’hui, ils ont à nouveau la possibilité d’être des précurseurs en apportant une réponse moderne aux changements sociétaux, que ce soit en aidant à retrouver des sols fertiles, riches en carbone, par une plus grande variété des cultures et la biodiversité, ou en réconciliant les consommateurs avec la nature et les aliments grâce à des produits et des méthodes artisanales qui respectent l’environnement.

« Retour à l’agriculture féodale? Non merci! »

Forte de son cheptel de vaches Fleckvieh, une race bovine qui s’y prête particulièrement, l’abbaye Averbode a tout pour devenir une exploitation agroécologique. Afin de réduire les émissions d’azote, le nombre d’individus peut être limité à la surface de pâturage. Les champs de maïs restants peuvent être remplacés par des graminées, de la luzerne et des féveroles de sorte à limiter les quantités de pesticides et à ne pas devoir importer de protéines (songeons à la déforestation liée aux importations de soja à l’échelle mondiale).

« Opter résolument pour des produits biologiques est bon pour la santé et la nature. »

L’agroforesterie, où les arbres et les haies fonctionnent comme des biofiltres, peut également aider à purifier l’azote de l’air. Les buissons et les fourrés apportent aussi plus de biodiversité. Les variétés de fruits locales peuvent être utilisées dans la production de jus et de cidres. Opter résolument pour des produits biologiques est bon pour la santé et la nature.

Qu’ils soient en Suisse ou à l’étranger, les exploitants agroécologiques et biologiques prouvent chaque jour davantage que cette forme d’agriculture peut être rentable, durable et productive. Les médias devraient accorder plus d’attention aux succès de ces exploitations et aux solutions créatives qu’elles proposent.

Entre expansion industrielle et arrêt (forcé), il existe bel et bien une « troisième voie », celle de l’agroécologie, seule garantie d’un système agricole résilient et diversifié. Aujourd’hui, de nombreux agriculteurs démontrent qu’on peut agir autrement. Nos élus soutiennent-ils cette approche ? Continueront-ils à se bagarrer comme des chiffonniers pour dresser leur fameuse liste rouge ? Veulent-ils seulement donner une chance aux abbés et aux agriculteurs ? En tout cas, eux, se disent prêts à toute bonne œuvre. Car telle est leur devise.

Le temps est venu pour une agriculture 3.0.

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