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Pourquoi De Standaard a-t-il besoin d’un Ombudsman?
10·05·16

Pourquoi De Standaard a-t-il besoin d’un Ombudsman?

Dave Sinardet, professeur en science politique connu des deux côtés de la frontière linguistique, vous propose en exclusivité sa sélection d’articles de la presse flamande sur DaarDaar, dans le cadre de notre campagne de crowdfunding.

Temps de lecture : 4 minutes
Traducteur⸱trice Jean-Paul Bombaerts

Le quotidien De Standaard attache beaucoup d’importance à la fiabilité de l’information. Les lecteurs peuvent s’attendre à ce que le journal réponde à des normes de qualité strictes et qu’il justifie en toute transparence les choix posés. C’est pourquoi le Standaard s’est doté d’un Ombudsman. Depuis juin 2011, c’est Tom Naegels qui remplit cette fonction.

L’Ombudsman examine les plaintes et les remarques concernant le traitement journalistique. L’information donnée était-elle fidèle aux faits. Les choses ont-elles été présentées de manière équilibrée et équitable ? Les journalistes ont-ils respecté la déontologie ? L’Ombudsman dialogue avec les lecteurs sur ces questions.

Chaque mercredi, l’Ombudsman publie une chronique où il traite une sélection de trois questions. Sur cette page, il tient un blog. Le choix des sujets, et les jugements qui sont formulés, sont du ressort de l’Ombudsman, indépendamment de la rédaction ou de Mediahuis.

Jan Jambon: des questions non posées qui s’imposaient logiquement

Tom Naegels s’étonne que dans l’interview de Jambon, sa déclaration sur « les musulmans qui ont dansé » n’ait pas fait l’objet de questions plus approfondies. Reste à voir si cela aurait changé quelque chose au débat.

Dans la foulée de la discussion sur les déclarations de Jan Jambon, je voudrais réagir à quelques questions et critiques formulées par des lecteurs sur la manière dont De Standaard a traité cette question. Ce qui m’a frappé, au même titre d’ailleurs que certains lecteurs, c’est que les déclarations qui avaient suscité tant d’émotion, soient passées comme une lettre à la poste lors de l’interview de Jambon. Certes, elles sont citées en première page et dans le titre. Le journal les a donc jugées interpellantes. Mais lors de cet entretien, le ministre n’a pas dû répondre aux questions auxquelles il devait être confronté  : avez-vous des preuves ? Qu’entendez-vous par « significatif » ? Devons-nous comprendre le verbe « danser » au sens propre ou au sens figuré ? Ne craignez-vous pas de stigmatiser ? Un lecteur indigné par les déclarations de Jambon a estimé que le journal ne s’est pas posé de façon suffisamment critique. Un certain nombre de lecteurs qui étaient d’accord avec le ministre, ont en revanche estimé que toute cette polémique aurait pu être évitée si on avait d’emblée offert au ministre l’occasion de préciser sa position.

« Nous lui avons demandé s’il pouvait fournir des preuves », assure Bart Brinckman, qui a réalisé l’interview avec Marjan Justaert. « Mais cette question subsidiaire ne s’est pas retrouvée dans la version écrite de l’interview, du fait qu’il avait répondu de façon assez nonchalante à cette question. Il n’a fait qu’opiner. Jamais je n’ai pensé que cette déclaration allait prendre une telle ampleur. »

Plutôt surprenant, vu que le journal en a fait sa « une » et le titre de son  article. Mais il est possible que cette décision soit intervenue plus tard dans le processus rédactionnel : la version de l’interview qui a été fournie par les journalistes aux membres de la rédaction comportait en effet un autre titre.

Un certain nombre de lecteurs ont estimé que le journal, en mettant cette déclaration en évidence, avait lui-même créé la polémique pour ensuite en tirer parti, puisque la tempête médiatique a duré une semaine entière. C’est une question qui taraude souvent le lecteur : est-ce qu’un journal rend compte d’une actualité politique, ou est-ce qu’il crée lui-même ce débat ? Admettons que le journal ait opté pour un autre titre, la polémique aurait-elle été la même ?

C’est une question embarrassante dans la mesure où un journal cherchera toujours la déclaration la plus en vue pour son titre. Plaider pour un titre moins percutant est en contradiction avec les habitudes journalistiques. Dans la façon dont l’interview a été présentée, on ne peut pas déceler une volonté du journal de provoquer une polémique : le titre n’a pas été sorti de son contexte, l’interview n’a pas été assortie d’un commentaire, on n’a pas sollicité de réaction auprès de contradicteurs. Rien ne permet non plus d’affirmer qu’en posant des questions supplémentaires lors de l’interview, on aurait pu éviter l’emballement : une des raisons qui explique pourquoi la polémique a duré si longtemps, c’est précisément parce que Jambon n’a pas pu ou n’a pas voulu avancer de preuves.

Si les interviewers avaient insisté sur ce point, on aurait d’emblée pu constater que Jambon manquait de preuves. Ce qui aurait suscité autant – si pas davantage – d’indignation de la part de ses opposants. Et encore davantage de reproches à l’adresse du journal de la part des supporters de Jambon.

Lorsque le débat était en cours, le journal y a consacré un espace important. Deux éditoriaux, quatre papiers rédactionnels importants et équilibrés. Et pas moins de huit papiers d’opinion (en y incluant celui de Liesbeth Homans où elle évoque l’obligation de saisir les chances qui sont offertes). Il n’est pas rare que le journal utilise le registre complet lors de débats sur le racisme, le sexisme et autres questions chargées où progressistes et conservateurs ont l’occasion de croiser le fer. A mon sens, le journal a un peu trop tendance à se laisser emporter par la symbolique de ces thématiques, alors que d’autres discussions pourtant plus pertinentes sont plus rapidement clôturées.

Avec cinq articles d’opinion contre Jambon et Homans (Bleri Lleshi, Rachida Aziz, Mathijs Duyck, Wouter Beke et Paul Goossens), un pour Homans (Mark Nelissen) et deux s’efforçant de maintenir l’église au milieu du village (Luc van Doorslaer et Alice Delvigne), j’ai également pensé qu’on a favorisé un camp plutôt que l’autre. Et ceux qui lisent De Standaard et De Morgen ont été étonnés de lire Liesbeth Homans réagir dans De Morgen à un article d’opinion publié par le Standaard. Après quoi le Standaard a encore publié deux opinions qui réagissaient à l’opinion de Homans dans De Morgen. (La rédaction des pages opinions me signale que Homans ne leur a pas proposé sa contribution.)

En résumé : je m’étonne que dans l’interview de Jambon, on n’ait pas davantage embrayé sur sa déclaration sur les musulmans qui ont dansé, alors que cela me semblait logique. Cela n’aurait certes rien changé au débat qui a suivi : celui-ci aurait en tout état de cause été virulent. De Standaard ne l’a pas attisé de façon exagérée, et le suivi rédactionnel était équilibré. Par contre, dans les pages opinion, j’ai constaté un certain manque d’équilibre, comparé à d’autres débats de cette ampleur. Et le traitement était trop influencé par la symbolique et l’émotion qu’un tel thème suscite immanquablement.

L’Ombudsman tient chaque semaine un miroir devant la rédaction du Standaard. Si vous avez des remarques sur le traitement journalistique du Standaard, vous pouvez les adresser à ombudsman@standaard.be ou via www.standaard.be/ombudsman où vous trouverez également des liens vers sa page Facebook et son compte Twitter (@OmbudsDS)

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