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Plus les nationalistes flamands obtiennent de voix, plus l’indépendance semble hors de portée
14·06·24

Plus les nationalistes flamands obtiennent de voix, plus l’indépendance semble hors de portée

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(c) Belga

Auteur⸱e
Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Il y a les surprises électorales, bien sûr, et puis il y a aussi – encore – des certitudes. La première, c’est que d’élection en élection, les partis nationalistes flamands obtiennent de plus en plus de voix. Depuis la Seconde Guerre mondiale, leurs résultats électoraux sont en augmentation (relativement) constante. Il y eut d’abord la Volksunie, avec un pic électoral de 18,8 % en 1971. Son déclin fut ensuite compensé progressivement par le Vlaams Blok, avec un pic de 24 % en 2004. La percée de la N-VA, en 2009, fit passer le score nationaliste flamand à 28,4 %, et cette hausse spectaculaire s’est ensuite poursuivie au fil des ans jusqu’à 44,1 % (pour la Chambre) en 2019.

À l’époque déjà, ce chiffre paraissait vertigineux. Tout actionnaire, devant un tel score, se serait dit qu’il était temps de prendre son bénéfice. Or voilà que le score nationaliste flamand a encore augmenté. Ensemble, les deux partis atteignent aujourd’hui le chiffre record de 47,4 %. Autrement dit, près d’un électeur flamand sur deux vote donc pour un parti qui (du moins sur le papier) se présente comme séparatiste.

Et c’est là qu’apparaît un étrange paradoxe. Plus les partis nationalistes flamands gagnent de voix, plus ils éprouvent des difficultés à convertir ce gain en un surcroît d’autonomie pour la Flandre. Avec relativement peu de voix, la Volksunie avait pourtant obtenu beaucoup. Alors que la N-VA, avec un score bien plus élevé, n’a pas encore réussi à s’imposer sur le plan institutionnel.

Les « familles de partis » : un concept dépassé

Les choses vont-elles changer ? Dimanche soir, il s’en est fallu de peu que les nationalistes flamands s’emparent d’un levier facilitant une réforme majeure de l’État. Pendant un moment, on a pu croire que la N-VA et le Vlaams Belang obtiendraient ensemble la majorité absolue au Parlement flamand. Finalement, leur majorité se limite à 62 sièges. Bien sûr, Bart De Wever avait claironné partout qu’il ne gouvernerait pas avec le Vlaams Belang. Mais avec 63 nationalistes flamands au Parlement flamand, il aurait disposé, à défaut de carotte, d’un solide bâton. Par ailleurs, les nationalistes flamands ne sont pas parvenus à atteindre la majorité au sein du groupe néerlandophone à la Chambre.

Aujourd’hui, s’agissant de faire de la Belgique une confédération, le net virage à droite de la Wallonie semble priver la N-VA d’un argument. Mais ce n’est là qu’une apparence. Plus que jamais, la Flandre et la Wallonie sont des mondes différents, articulés autour de deux systèmes de partis différents, complètement déconnectés l’un de l’autre – comme s’il s’agissait de deux pays. Entre partis appartenant pourtant à la même famille, les pertes et les gains électoraux se révèlent totalement divergents. On pourrait donc parfaitement trouver demain le MR au gouvernement fédéral, mais sans l’Open VLD, ou encore Vooruit mais sans le PS. Si cette évolution se confirme, c’est que la notion de « famille de partis » sera devenue complètement obsolète, et les divergences seront alors plus fortes que jamais.

Le paradoxe de la Suédoise

La N-VA en tirera argument pour affirmer qu’il est grand temps de passer au confédéralisme. Mais ce ne sera pas pour tout de suite. En attendant, comme en 2014, il faudra bien qu’elle prenne la tête d’une coalition « à la suédoise » – mais sans le PS. Il n’est pas exclu qu’un tel gouvernement puisse, cette fois, appliquer des réformes économiques décisives. Mais s’il y parvient, ce sera bien le retour du paradoxe de la Suédoise : en cas de succès, ce gouvernement mené par la N-VA sera la preuve que la Belgique fonctionne, il et sciera ainsi la branche sur laquelle la N-VA est assise.

Au sein de la N-VA, rares sont ceux qui voudraient, comme en 2014, balayer complètement le communautaire sous le tapis. L’accord de coalition devra donc comporter un volet institutionnel solide. Mais c’était déjà le cas dans l’accord de coalition Vivaldi, qui n’était pas avare de promesses en matière de réforme de l’État. Sans aucun résultat. C’est ce qui risque de se reproduire aujourd’hui. Dans tous les cas de figure, à défaut d’une majorité spéciale, un gouvernement De Wever ne pourra pas aller très loin dans les réformes institutionnelles.

Pour l’arrière-ban des électeurs flamingants, c’est là une pilule bien amère à avaler. Plus les nationalistes flamands obtiennent de voix, plus l’indépendance flamande semble hors de portée. Naturellement, avec une participation au gouvernement fédéral, et plus encore avec un poste de premier ministre pour Bart De Wever, aspirera encore un peu plus la N-VA dans le système belge. Il se pourrait que la tendance historique se poursuive en 2029 et que les nationalistes flamands finissent par obtenir une majorité absolue en voix et en sièges. Quant à voir une telle majorité déclarer un jour l’indépendance de la Flandre, cela semble plus que jamais illusoire.

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