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Comment deux émissions flamandes ont eu un rôle décisif sur les élections
12·06·24

Comment deux émissions flamandes ont eu un rôle décisif sur les élections

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(c) DPG Media

Bart Eeckhout
Auteur
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Le vendredi 24 mai, alors que les candidats se préparent pour la dernière ligne droite, la VRT annonce un scoop. Après des mois de tergiversations, Bart De Wever, président de la N-VA, exclut formellement toute coalition avec le Vlaams Belang : « Si tu me demandes si je me sens proche de ce parti et si je serais prêt à former une coalition avec lui, la réponse est claire : non. »

Ces propos se sont avérés déterminants en fin de campagne. De Wever a, par la suite, répété ce rejet de toute collaboration avec l’extrême droite, tout en recadrant le débat sur les thématiques qui lui sont propres, et sur les points de divergence entre son parti et son concurrent radical.

Fait au moins tout aussi important : c’est dans Eerste keus que De Wever a déclaré ceci, à savoir une émission où des personnalités politiques sont confrontées à des élèves qui se rendront aux urnes pour la première fois. Les mots prononcés ont beau sembler spontanés, le président de la N-VA sait très bien ce qu’il fait, où il le fait et quand il le fait.

Loin des cénacles politiques

L’émission a été enregistrée le 28 mars, deux mois avant sa diffusion, mais entre-temps, De Wever a toujours refusé de s’exprimer officiellement sur la question du VB. La bombe devait exploser à un moment précis, en fin de campagne, et de préférence dans une émission éloignée des cénacles politiques.

Le déroulement de la campagne ne laisse planer aucun doute : Eerste keus et Het conflaaf ont joué un rôle décisif sur les élections. Eerste keus a non seulement vu De Wever bloquer le Vlaams Belang, mais Tom Van Grieken y a aussi eu une conversation gênante avec un garçon trans.

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Dans Het conclaaf, Tom Van Grieken a fait couler son propre programme de scission du pays à l’aide d’une métaphore éculée, celle de la minuterie, qui indique que le temps presse. Une image que De Wever se plaira à tourner en dérision pendant des semaines. Dans la même émission, il a également rencontré quelques difficultés au moment de parler de droits des couples LGBTQ+ et des personnes trans avec Conner Rousseau (Vooruit) et Petra De Sutter (Groen), deux personnes concernées au premier plan.

Sans Het conclaaf, la remontada de ces deux derniers en fin de campagne aurait été moins importante. Mais d’un autre côté, l’émission a aussi permis de voir Van Grieken préparer à son aise des spaghettis avec ses collègues, ce qui, pour la politologue néerlandaise, démontre que le Vlaams Belang s’est bel et bien normalisé.

Donc non, il n’est pas exagéré de dire que Het conclaaf et Eerste keus ont eu un impact déterminant sur les résultats des élections. Les médias internationaux s’y sont aussi intéressés. En effet, tant le New York Times que CNN ont consacré un temps d’antenne considérable au phénomène Het conclaaf, rebaptisé « The Bachelor pour les politiques ». Si le magazine néerlandais De Groene Amsterdammer s’est montré plus critique en qualifiant l’émission de « croisement hallucinant entre un débat électoral et Big Brother », il n’en est pas moins fasciné. Le créateur de l’émission, Eric Goens, nous a même confié que des médias allemands et néerlandais aimeraient reprendre le format.

Goens est bien loin de nier l’impact de son émission : « Je ne suis pas d’accord quand j’entends parler, avec une certaine condescendance, de « télé-réalité ». C’était une des émissions politiques les plus riches en contenu de ces dernières années. L’idée était de s’éloigner des tables de débat et des prises de parole chronométrées. Cela fait cinquante ans qu’on débat de la même manière, avec les mêmes résultats, et les mêmes fiches dans les mains des politiques. Dans Het conclaaf, ces fiches ont été passées à la rogneuse. Et c’est là que c’est devenu intéressant. »

Nous pouvons en dire de même pour Eerste keus. L’impact de cette émission réside dans le fait que les politiques ont dû sortir de leur zone de confort et des studios de JT. Ce n’est pas totalement nouveau, mais quelque chose a changé. Auparavant, les politiques participaient à des émissions de divertissement, ou à des reportages apolitiques plus centrés sur leur personnalité. Aujourd’hui, le contenu demeure éminemment politique et sérieux. La formule a fait mouche : les deux émissions ont attiré chacune plus de 800 000 téléspectateurs, c’est-à-dire le double d’un débat télévisé ordinaire.

De Wever tire son épingle du jeu

Il n’y a rien de surprenant à constater que c’est Bart De Wever (et Conner Rousseau en deuxième instance) qui a su le mieux tirer son épingle du jeu dans un format aussi singulier. C’est par sa finesse, sa sobriété et son caractère cassant qu’il s’était déjà rendu populaire en 2009 dans la célèbre émission de quiz De slimste mens. Quinze ans plus tard, il est parvenu à tirer un maximum de bénéfices de ce format télévisuel pourtant totalement nouveau.

C’est dans Het conclaaf que De Wever, avec son expérience, sa malice et son sens de la tactique, a pu dominer ses principaux adversaires, qu’il s’agisse de Tom Van Grieken, du Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) ou de Sammy Mahdi, président du cd&v. Tous trois se sont plongés dans la campagne avec l’ambition de reléguer De Wever au passé. Mais c’était sans compter sur le talent de débatteur du vieux briscard. Pas besoin d’être politologue pour s’en convaincre : il a marqué but sur but avec une facilité déconcertante.

Et en même temps, De Wever a eu l’intelligence de complimenter la révélation, Petra De Sutter, dont il mangerait pourtant tout cru le parti, Groen. De Wever sait qu’il ne faut pas s’attaquer aux personnes qui jouissent de la sympathie du peuple.

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Reste à savoir s’il revient aux producteurs d’émissions de télévision de peser aussi lourd sur des élections. Une question absurde pour Eric Goens : « Ce n’est pas moi qui porte le message. Tout le monde a dû répondre à des questions dures, de l’extrême gauche à l’extrême droite. J’y suis parfois allé fort aussi, mais par respect envers les téléspectateurs. Ils ont le droit d’avoir une image la plus complète possible de leurs représentants politiques. Il n’y a rien de pire que des électeurs mal informés. »

Du reste, Goens lui-même estime que les débats avec Tom Van Grieken sur les droits des personnes trans et LGBTQ+ ont constitué de vrais tournants dans Het conclaaf. « Ce n’est pas la question de la minuterie, qui n’est connue que dans les cénacles politiques. Par contre, en continuant de s’enfoncer sur la question des droits des personnes homosexuelles, Van Grieken a démontré qu’il n’avait aucune compréhension de l’évolution éthique de nombreux Flamands ordinaires. Chaque famille y est confrontée, de près ou de loin, sans y voir le moindre problème. Van Grieken, lui, s’y oppose personnellement. Et lorsqu’il le dit les yeux dans les yeux à une personne concernée, beaucoup de Flamands décrochent. Une telle rigidité, très peu pour eux. »

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