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Vivre autrement
23·03·16

Vivre autrement

Au lendemain des attentats de Bruxelles, DaarDaar a décidé de vous proposer, à titre symbolique, une sélection des éditoriaux des principaux quotidiens du nord du pays. Ils seront publiés au compte-goutte tout au long de cette journée de deuil national.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Une du quotidien De Morgen du 23/03/16

Ludovic Pierard
Traducteur⸱trice Ludovic Pierard

«Attentats terroristes. Surtout, ne changeons pas notre mode de vie». Ce noble message a été tweeté par Rik Torfs, recteur de la KU Leuven, en réaction aux attentats meurtriers de Zaventem et de Bruxelles. De bien belles paroles, mais pouvons-nous vraiment continuer de la sorte?

Qu’on le veuille ou non, après le raid meurtrier perpétré au Musée juif de Bruxelles en 2014, ces premières attaques terroristes de grande ampleur et à caractère international sur le sol belge ont ancré notre pays dans une nouvelle réalité. Le territoire belge fait désormais partie du champ d’action de l’État islamique. En lieu et place de ce statu quo, la grande question est donc de savoir si nous ne devrions pas au contraire changer quelque chose. Il «resterait» alors à savoir comment mettre ce changement en adéquation avec les normes et les valeurs d’une société que nous voulons libre, ouverte et égalitaire.

Notre pays a traversé et traversera encore plusieurs jours, voire plusieurs semaines, de haute tension. À l’arrestation d’un présumé terroriste de l’État islamique en vie succède un double attentat avec des dizaines de victimes et des centaines de blessés. Même s’il est encore un peu tôt pour confirmer le lien de cause à effet entre ces deux événements, on ne peut nier leur évidente corrélation dans le temps. D’où qu’ils viennent, il ne fait aucun doute que les terroristes ont une fois de plus trouvé protection et soutien auprès de complices en Belgique pour préparer leurs actes odieux. On ne peut se défaire d’une certaine inquiétude à l’idée que personne ne sait précisément quelle est la taille, minuscule ou gigantesque, du réseau des partisans de l’État islamique cherchant à détruire notre société. Nous ne pouvons plus nous permettre cette incertitude.

Notre stratégie de défense a elle aussi tout à gagner d’un parallèle entre les deux opérations. Sans vouloir critiquer un instant l’énorme travail abattu par les services de sécurité, au regard des quatre mois qui auront été nécessaires pour retrouver un seul suspect recherché dans le monde entier, on ne peut que faire le constat de l’insuffisance de nos connaissances du «banditisme djihadiste» et des réseaux au sein desquels Salah Abdeslam et consorts prospèrent. Il y a quelques semaines à peine, Gilles Kepel, islamologue français réputé, expliquait ici même n’être que rarement contacté par les services de sécurité. Des actes manqués, sans nul doute.

En revanche, la présence des militaires n’a pu empêcher que des cibles pourtant «incontournables» et relativement bien protégées, telles qu’un aéroport et une station de métro, soient touchées. Loin de moi l’idée de blâmer l’engagement de l’armée, mais ne devrions-nous pas doucement (et, par pitié, sans petits jeux politiciens) nous demander si, en nous fixant d’autres priorités, les résultats atteints ne seraient pas meilleurs? Ne serait-il pas tout simplement plus efficace d’investir davantage dans la sûreté de l’État et de diminuer le nombre de paras dans les rues pour lutter contre le type de menace qui nous a désormais rattrapés?

Nous devons également nous mettre autour de la table pour discuter sérieusement des libertés auxquelles nous (ne) sommes (pas) prêts à renoncer pour restaurer un tant soit peu notre sécurité. L’idée de prévoir une empreinte digitale sur la carte d’identité est-elle une atteinte à la vie privée ou une protection fonctionnelle? Nous devons engager la discussion et en débattre sans détour. Nous devons néanmoins garder la tête froide: nul besoin d’un Patriot Act à la belge. Les images ridicules de ces gens qui attendent d’être fouillés devant la gare de Nord montrent que des mesures excessives, même prises avec les meilleures intentions du monde, ne peuvent que provoquer davantage d’insécurité et de psychose.

Encore ceci. Plus de répression? Pourquoi pas. Plus de sécurisation? Si vous voulez. Mais ces mesures resteront sans effet si nous n’agissons pas sur la prévention. Nous devons empêcher que des jeunes dévoyés, qui ont déjà un pied dans la criminalité, rêvent d’une carrière de héros à la Abdeslam ou à la Abaaoud. Ce déferlement ne pourra être endigué qu’en offrant, par anticipation, une alternative à ce sentiment de déracinement et d’aliénation qui hante ces jeunes. À ce niveau-là aussi, nous allons devoir «changer». Qu’on qualifie la prévention de méthode douce ou d’approche politiquement correcte, tous les brasiers qui ont été allumés dans le monde ces derniers temps le prouvent: à elle seule, la répression ne mène qu’à l’atroce escalade de la violence et à rien d’autre.

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