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Propagation du coronavirus : à Bruxelles, les bars et les cafés ne sont pas le problème
09·10·20

Propagation du coronavirus : à Bruxelles, les bars et les cafés ne sont pas le problème

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) Pixabay 

Auteur⸱e
Maxime Kinique
Traducteur Maxime Kinique

La fermeture des cafés est une mesure concrète que viennent de prendre les décideurs bruxellois, qui étaient sous forte pression pour enfin faire preuve d’un peu de courage politique. Le chef de la rédaction de BRUZZ, Mathias Declercq, déplore qu’il ait fallu prendre des mesures aussi radicales.

Après avoir vu les chiffres liés au coronavirus augmenter depuis des semaines, mais surtout après avoir été soumis eux-mêmes à une pression de plus en plus forte, les décideurs bruxellois ont opté pour la fermeture des cafés pendant un mois. Entrée en vigueur jeudi, cette mesure a été applaudie par les virologues et par le directeur de l’UZ Brussel. Il faut dire qu’au vu de la situation, il n’y avait pas d’autre option sur la table.

Le podium des localités où le nombre de contaminations est le plus important est trusté par des communes bruxelloises. En une semaine, Molenbeek-Saint-Jean a enregistré 824 nouveaux cas de coronavirus pour 100.000 habitants. Plus d’un quart des patients aux soins intensifs (270) dans notre pays se trouvent actuellement dans un hôpital bruxellois. Et comme si cela ne suffisait pas, pas moins d’1 personne sur 7 testée dans la capitale est déclarée positive au Covid-19. Si l’on compare la situation dans toutes les capitales européennes, il n’y a que Madrid qui fait pire que Bruxelles. Dans de telles circonstances, on peut difficilement contester la décision de fermer ces lieux de rencontres par excellence que sont les cafés.


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En premier lieu, cette décision est un énorme coup de massue pour les nombreux entrepreneurs de notre ville qui, après avoir subi un confinement, avaient dû déployer des trésors de créativité pour s’adapter aux mesures de sécurité. J’ai rarement lu autant de désespoir dans les yeux d’une personne que lorsque Martine, la patronne du café Au Daringman, a appris en direct en regardant le journal télévisé de la mi-journée qu’elle allait de nouveau devoir fermer son établissement pendant un mois. « Cela ne sera pas nécessaire », lâcha-t-elle ainsi, désemparée, à un fournisseur qui venait d’entrer dans son café avec une caisse de bouteilles de vin. 

Des mois de tergiversations 

« Cela ne sera pas nécessaire » : c’est probablement l’état d’esprit qui a dominé au sein du gouvernement bruxellois ces derniers mois. Pendant tout l’été, le ministre-président Rudi Vervoort et le ministre de la santé Alain Maron ont été en mode vacances. Convoquer le parlement lorsque les chiffres sont repartis à la hausse n’était « pas nécessaire ». Rappelez-vous comment Bruxelles a de sa propre initiative relevé le seuil d’alerte de 20 à 50 contaminations par tranche de 100.000 habitants, pour finalement instaurer une obligation générale de porter le masque qui a complètement manqué sa cible et a miné l’adhésion aux règles d’or – portez un masque lorsque vous ne pouvez pas respecter les distances de sécurité. 

« Des contrôles des rassemblements, du respect des règles de distanciation physique et des bulles ? À Bruxelles, il n’y en a jamais eu. » 

Rappelez-vous comment le contrôle de l’obligation généralisée de porter le masque a subitement été considérée comme une mission prioritaire pour les services d’ordre. Des contrôles des rassemblements, du respect des règles de distanciation physique et des bulles ? À Bruxelles, il n’y en a jamais eu. On se souviendra qu’il y a tout juste deux semaines, le ministre-président bruxellois demandait au Conseil national de sécurité – dont il est membre, soit dit en passant – de ne pas punir Bruxelles et qu’il y a quelques jours à peine, le ministre Maron considérait que la situation « n’était pas encore alarmante ». 

Une communication aussi hétéroclite que Bruxelles  

Reconnaissons-le : l’État fédéral et le Conseil national de sécurité n’ont guère contribué eux non plus à ce que la population respecte les mesures. Lorsque les règles changent aussi souvent et qu’il en résulte invariablement une semaine de discussions, communiquer clairement à l’adresse d’une des villes les plus hétéroclites au monde s’assimile à une mission impossible, et ce en dépit des nombreuses initiatives visant à informer la population locale via des personnalités représentatives des différentes communautés que recèle notre capitale. 

Notre incapacité à toucher une grande partie de la population bruxelloise – des personnes d’origine étrangère émargeant à différentes couches de la société mais qui vivent souvent dans la pauvreté et n’ont guère d’intérêt pour les médias traditionnels – est un problème bien plus ancien que l’actuelle crise sanitaire, mais que nous payons au prix fort en ce moment. 

Les regards braqués sur Paris, pas sur Anvers 

Aujourd’hui, nos décideurs politiques sont contraints de nous « sanctionner » beaucoup plus sévèrement qu’ils auraient pu l’imaginer. Le fait que ce durcissement intervienne quelques jours après que Paris a décrété des mesures identiques n’est pas le fruit du hasard. Il est de notoriété publique, en effet, que la Belgique – francophone, surtout – lorgne d’abord Paris avant de regarder dans sa propre assiette. La ville de Bruxelles aurait pourtant été mieux avisée de s’intéresser d’abord à ce qui se passe à Anvers et de tirer les leçons des mesures – certes très restrictives – qui ont été adoptées là-bas afin de juguler le pic de contaminations observé pendant l’été, plutôt que de les considérer avec sarcasme et mépris.

Dans ce contexte, le dérapage d’un Alain Maron visiblement irrité mercredi matin était des plus embarrassant, mais également révélateur. Interrogé sur qui assume le leadership dans cette crise à Bruxelles, le ministre a cru bon non seulement de faire à nouveau référence à ce qui s’est passé à Anvers, mais également de pointer du doigt l’UZ Brussel au motif que cet hôpital néerlandophone tire la sonnette d’alarme depuis plusieurs semaines déjà. « 1 hôpital flamand s’en prend à Bruxelles mais à Anvers, pas un mot au sujet du nombre d’hospitalisations qui augmente », a-t-il dit en substance. Il arrive que l’on ait des réactions étranges lorsqu’on est poussé dans ses derniers retranchements, mais on n’attend tout de même pas d’un ministre Ecolo qu’il attise à ce point le feu communautaire, et encore moins aux dépens de l’un des meilleurs hôpitaux de notre pays. 

Eux contre nous 

Tout cela est surtout dommage pour la ville de Bruxelles elle-même. Que le Flamand moyen ne porte pas toujours la capitale dans son cœur, c’est un secret de polichinelle, mais dans nos médias nationaux également, l’augmentation du nombre de contaminations à Bruxelles alimente des stéréotypes et des critiques que les habitants de la capitale ne méritent pas. Un quotidien flamand a même cru bon de ressortir la formule choc de Donald Trump comparant Bruxelles à un trou à rats. Le « Brussels bashing » a de nouveau le vent en poupe, tout comme l’opposition « eux contre nous » entre Flamands et Bruxellois. Pendant ce temps, le coronavirus, lui, continue de faire des ravages. 

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