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Pourquoi les Européens se méfient-ils autant des vaccins ?
30·12·20

Pourquoi les Européens se méfient-ils autant des vaccins ?

Temps de lecture : 5 minutes Crédit photo :

(cc) Neelam279 via Pixabay

Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Aux premières heures du programme de vaccination contre la COVID-19, c’était l’euphorie. Les résultats des tests étaient très encourageants et 2021 allait enfin voir la défaite de ce virus meurtrier. Pourtant, de nombreux citoyens restent sceptiques par rapport à ce vaccin. Qu’est-ce qui explique cette méfiance ? Comment la vaincre ?

Paradoxalement, c’est surtout l’Occident qui craint ce vaccin. En effet, si le vaccin était disponible, 80 à 90 % des Asiatiques se feraient vacciner. En Amérique latine, ils seraient 70 à 80 %. Et en Europe, à l’exception du Royaume-Uni (79 %), ces chiffres oscillent entre 50 et 70 %.[1]

L’histoire se répète

Les mouvements antivaccins ne datent pas d’hier. En 1796, la première campagne de vaccination – contre la variole – voyait le jour. D’entrée de jeu, des voix se sont élevées. À cette époque, les objections étaient avant tout dictées par de grands principes, surtout religieux. La maladie étant considérée comme une volonté divine, l’humain n’avait pas à intervenir.

D’autres étaient en quête de pureté et de retour à la nature. Selon leur vision du monde, une maladie naturelle, aussi cruelle fût-elle, était préférable à une intervention humaine et donc artificielle. Cette vision s’accompagnait souvent de considérations pseudoscientifiques qui bannissaient toute forme de vaccination.

Finalement, il y eut aussi des objections d’ordre politique, provenant surtout des rangs libéraux, et plus précisément des libertaires, pour qui l’État ne pouvait en aucun cas contraindre un citoyen à subir un traitement médical. Cette décision devait revenir à l’individu.

Un lien avec le populisme

Beaucoup de ces arguments circulent encore de nos jours. Nous remarquons par ailleurs une forte corrélation entre la montée des mouvements antivaccins et l’essor des partis populistes.  Plus les partis populistes attirent de voix dans un pays, plus les habitants de ce pays ont tendance à douter de l’importance ou de l’efficacité des vaccins.

Le vote populiste a un point commun avec le rejet de la vaccination : la peur de l’inconnu et de l’avenir. En cette période de pandémie, cette peur est omniprésente. Elle s’accompagne d’un rejet des élites, dont font partie, selon les antivaccins, le Big Pharma et les scientifiques. Pour le très sérieux hebdomadaire britannique The Economist, l’Europe devient « un continent de plus en plus paranoïaque, dont les habitants ont la tête pleine de visions d’ennemis, pour la plupart imaginaires. Les vaccins ne font que rejoindre les réfugiés, les musulmans et de nombreuses autres menaces dans le club des épouvantails de service. »

Les théories antivaccins et conspirationnistes se propagent aussi plus facilement lorsque les citoyens perdent confiance en leurs dirigeants politiques. C’est ce qui explique en grande partie pourquoi la méfiance envers la vaccination est bien moindre en Asie que chez nous. Il faut dire aussi que la mentalité asiatique se révèle davantage tournée vers le collectif que la nôtre.

L’influence des réseaux sociaux

Comme l’a récemment pointé une vaste étude menée en Grande-Bretagne, les réseaux sociaux jouent un rôle primordial dans la diffusion à grande échelle des théories antivaccins.

En moyenne, une personne sur trois reçoit des messages antivaccins liés au coronavirus sur Facebook, YouTube, WhatsApp, etc. Chez les jeunes de 34 ans ou moins, cette proportion est même près de deux fois plus importante. L’impact de ces messages est remarquable.

Ainsi, 14 % de la population estime que le programme actuel de vaccination est destiné à contrôler la population, notamment par l’implantation d’une puce. Chez les Britanniques qui privilégient YouTube pour s’informer sur la pandémie, ce nombre s’élève à 39 %. Chez ceux qui s’informent surtout sur WhatsApp, ce nombre atteint même 42 %, c’est-à-dire le triple de la moyenne nationale.

Pour 15 % de la population, la seule raison de développer un vaccin contre le coronavirus est d’enrichir grassement les entreprises pharmaceutiques. Ce nombre s’élève à 37 % parmi ceux qui s’informent surtout sur YouTube et à 39 % chez ceux qui privilégient WhatsApp. S’il va de soi que la principale motivation des entreprises pharmaceutiques est d’engendrer un maximum de profits, cela ne nuit en rien à la qualité des recherches scientifiques préalables à la production. Si tel était le cas, nous n’utiliserions plus d’antidouleurs ni d’hypotenseurs, et nous ne recourrions jamais à l’euthanasie.

Dernier exemple : 13 % des Britanniques ne croient pas que leur gouvernement s’assurera de l’innocuité des vaccins avant leur arrivée sur le marché. Parmi les utilisateurs de YouTube et de WhatsApp, ils sont deux fois plus nombreux.

« Infodémie »

Une autre étude confirme l’influence des réseaux sociaux. En novembre, des milliers de Britanniques ont été interrogés pour savoir s’ils étaient certains à cent pour cent qu’ils se feraient vacciner. 54 % ont répondu par l’affirmative. On leur a ensuite montré des messages de désinformation, dont des tweets de célébrités qui prétendaient que le vaccin contre la COVID-19 provoquait l’infertilité. Le pourcentage a immédiatement chuté de 6 points de pourcent.

En France, c’est un reportage, « Hold-up, retour sur un chaos », qui a été propagé sur YouTube. Ce film, aussi ingénieux que paranoïaque, énonce des théories totalement absurdes sur le coronavirus. Il a été vu quatre millions de fois. Et la France est le pays européen où le vaccin suscite le plus de méfiance.

Le mécanisme en ligne est bien connu. Les internautes qui connaissent moins bien un sujet recherchent des indicateurs auxquels ils peuvent se fier, comme les « likes ». En règle générale, plus une information (politique) obtient de likes, plus elle est considérée comme fiable. Le caractère scientifique d’une information pèse donc moins lourd que le nombre de likes. À la longue, c’est la bulle dans laquelle on se trouve et non la science qui distingue le vrai du faux, ou la rigueur du charlatanisme.

À cet égard, l’Organisation mondiale de la Santé nous met en garde contre « l’infodémie », qu’elle définit comme une surabondance d’informations, tant en ligne que hors ligne. « Elle se caractérise par des tentatives délibérées de diffuser des informations erronées afin de saper la riposte de santé publique et de promouvoir les objectifs différents de certains groupes ou individus. »

Il y a encore du pain sur la planche

En Belgique, fin septembre, il fut révélé que 37 % des médecins refuseraient de se faire vacciner et de vacciner leurs patients. Ces chiffres datent d’avant la publication des résultats positifs des tests des différents vaccins. Entretemps, ce nombre a dû diminuer. Cependant, un certain nombre de médecins refusent de se faire vacciner annuellement contre la grippe ou doutent de la sécurité des premiers vaccins contre la COVID-19.

De ce fait, certains experts craignent que sans campagnes de communication adéquates, 40 % de la population européenne seulement se ferait vacciner, même dans les pays jouissant d’une bonne situation, alors qu’il faut atteindre au moins 70 % pour venir à bout de la pandémie.

Nous assistons à une situation pour le moins paradoxale. Dans de grandes parties de l’Asie, le vaccin n’est pas vraiment nécessaire en ce moment, car le virus y est quasiment éradiqué et que les éventuelles contaminations y sont très vite maîtrisées. Et c’est justement dans ces pays-là que la méfiance envers le vaccin est la plus basse. Chez nous, c’est l’inverse : c’est ici que nous avons le plus besoin du vaccin, et c’est ici que nous nous en méfions le plus.

Eviter une nouvelle annus horribilis

Si nous voulons éviter une nouvelle annus horribilis en 2021, il va falloir fournir un effort supplémentaire. Il faut lutter plus efficacement contre la diffusion de fake news à propos du coronavirus. Pour ce faire, il est temps de faire preuve de transparence sur les contrats avec les géants de la pharmacie et sur les aides dont ils bénéficient.[2]

Et pour finir, il faudra aussi que les autorités redoublent d’efforts pour contrer avec pédagogie les campagnes de désinformation sur le vaccin. L’enseignement peut aussi jouer un rôle dans cette lutte.

 

Notes de bas de page

[1] Les chiffres datent de début octobre, avant que les résultats des tests des différents vaccins n’aient été connus. Mais depuis lors, les chiffres n’ont pas beaucoup changé. Source : Ipsos.

[2] L’affaire de la Secrétaire d’État au Budget Eva De Bleeker, qui avait révélé sur Twitter les prix des vaccins avant de rapidement supprimer son tweet, n’était qu’une tempête dans un verre d’eau. La BBC avait également publié ces chiffres, et des journaux d’affaires avaient aussi révélé certains prix auparavant.

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