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La Belgique, un cauchemar pour les travailleurs ukrainiens
09·03·22

La Belgique, un cauchemar pour les travailleurs ukrainiens

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Photo by Josue Isai Ramos Figueroa on Unsplash

Auteure
Guilhem Lejeune
Traducteur Guilhem Lejeune

Statuts obscurs, salaires au rabais et manque de sécurité : dans notre pays, la situation des Ukrainiens sur le marché du travail est loin d’être idyllique. Selon certains spécialistes, les pouvoirs publics doivent donc aller bien au-delà de l’accueil des réfugiés. « L’inspection du travail doit redoubler d’efforts. » Si des réfugiés doivent intégrer le marché du travail, il faut remédier à cette situation

À la fin du mois de septembre, Mikhailo Parashchuk, 42 ans, a fait une chute de sept mètres lors des travaux de construction du Grand Hôpital, le nouveau complexe de soins de santé de Charleroi. Cet Ukrainien était employé en Belgique depuis deux ans, par l’intermédiaire d’une entreprise polonaise qui travaillait en sous-traitance pour une société néerlandaise, elle-même agissant pour le compte d’une association momentanée conclue entre Jan De Nul et Franki Construct. Mikhailo Parashchuk a succombé à ses blessures à l’hôpital peu après être tombé d’un échafaudage.

« Les réfugiés ukrainiens sont absolument bienvenus »

Pour ses proches, les propos du ministre-président flamand, Jan Jambon (N-VA), qui a déclaré que les réfugiés ukrainiens étaient « absolument bienvenus », notamment parce qu’ils pourraient être très utiles au marché flamand de l’emploi, sont une pilule amère à avaler. Selon lui, le VDAB, l’office régional de l’emploi en Flandre, devra épauler les autorités locales dans l’accueil des réfugiés. « On pourra peut-être même aider quelques personnes à trouver du travail », a laissé entendre le chef de l’exécutif flamand.

Dans le bâtiment, le « sale boulot », c’est pour les étrangers

Quoi qu’il en soit, les Ukrainiens sont de plus en plus nombreux à se rendre en Belgique depuis quelques années. Peu à peu, ils remplacent ainsi les ouvriers qui, avant eux, provenaient de Pologne, de Roumanie et de Bulgarie. Car la prospérité et les salaires se sont nettement accrus dans ces pays, au détriment de l’attractivité d’un emploi en Belgique. Les secteurs en demande de main-d’œuvre, notamment la construction, les transports et l’alimentation, étendent donc le périmètre de leurs recherches.

Grande précarité

En 2020, on recensait en Flandre 13 000 travailleurs ukrainiens détachés, soit douze fois plus qu’en 2016. « La plupart d’entre eux sont employés par des entreprises polonaises et lituaniennes », explique Dries Lens, qui étudie l’emploi des travailleurs étrangers à l’Université d’Anvers.

La situation se résume ainsi : si un pays de l’Union européenne (UE) délivre un permis de travail et de séjour à une personne étrangère à l’UE, celle-ci peut travailler dans les autres États membres en vertu de la libre circulation des services. « En Pologne, certaines entreprises ont bâti tout un modèle commercial sur cette base », analyse le chercheur. « Les règles du pays à l’égard des travailleurs immigrés provenant d’Ukraine sont extrêmement souples : dès que les papiers sont en ordre, leur employeur les met sur un projet en Belgique. »

Précisons, à toutes fins utiles, que ce système est parfaitement légal. Pour le secteur belge de la construction, les Ukrainiens sont d’ailleurs indispensables. Mais voilà : les travailleurs détachés se trouvent dans une situation de grande précarité.

« Avant de décrocher leur sésame, ils dépendent de leur employeur européen, qui peut leur refermer les portes de l’Europe à tout moment », précise M. Lens. « Sans compter que ce réseau international de sous-traitance rend la tâche de l’inspection du travail particulièrement difficile. »

« En Ukraine, ils gagnent 150 euros par mois, contre 1 500 ici. »

C’est justement là où le bât blesse : l’incident de Charleroi est une parfaite illustration de la précarité dans laquelle se trouvent certains Ukrainiens. Les discussions sont encore en cours pour déterminer le statut de Mikhailo Parashchuk — employé ou indépendant. « Les Polonais cherchent à dire qu’il était indépendant, mais son formulaire de détachement indique qu’il était employé », affirme Jan Buelens, spécialistes en droit du travail et avocat de la famille du défunt.

Même si les salaires sont faibles, ils restent nettement supérieurs à ce qu’il est possible de gagner en Ukraine. Après le décès de M. Parashchuk, il a donc été difficile de trouver des collègues disposés à témoigner. « En Ukraine, ils gagnent 150 euros par mois, contre 1 500 ici. Ils veulent à tout prix éviter de perdre leur travail », explique le juriste. Conséquence de cette situation : « il se passe beaucoup de choses qui ne sont jamais étalées sur la place publique. »

Souvent, les Ukrainiens ne connaissent même pas l’identité de leur employeur, dénonce le chercheur de l’Université d’Anvers. « Et comme ils ne parlent pas la langue et n’ont pas de réseau, il leur est difficile de connaître leurs droits. »

Certes, l’inspection du travail peut constater des infractions. Mais sa force de frappe est insuffisante, déplore l’avocat, qui plaide pour un durcissement des règles et un meilleur suivi judiciaire. « Comme les dossiers traînent pendant des années, les entreprises continuent comme si de rien n’était. »

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