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20·06·18

Romelu Lukaku et le chauvinisme à la belge

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(cc) Wikimedia Commons

Auteur⸱e
Caroline Coppens
Traducteur⸱trice Caroline Coppens

3-0. Face à l’Angleterre, ou même à la Tunisie, ce score aurait créé un début d’euphorie, mais là, on était face au Panama. Une bouchée. Un amuse-gueule. Mission accomplie. Merci, Romelu Lukaku. Sans doute Filip Dewinter était-il sorti promener son berger allemand pendant le match des Diables Rouges. Mais s’il avait vu Lukaku marquer pour la Belgique, qu’aurait-il pensé ? Pas mal pour un nègre ? Le fait que la semaine dernière, à la Chambre, Dewinter ait exhumé sciemment ce mot, soi-disant pour paraphraser Herman De Croo, dévoile une fois de plus, me semble-t-il, le raciste que le reste de son parti ne veut plus être. Mais mettre cet homme-là tout simplement à la porte de ce parti-là ? Non, décidément, ce serait trop demander à Tom Van Grieken, son président bien comme il faut, à cinq mois des élections anversoises. Imaginez que cette décision lui coûte la voix des quelques pour cent d’autres racistes… S’il avait été doué de parole, ce berger allemand, il aurait aboyé au visage de son maître : « Zum kotzen! » (« À gerber ! »)

Mais il y a un sujet bien plus passionnant que la provocation de Filip Dewinter, une question qui incite bien davantage à la réflexion : pourquoi est-ce qu’en Belgique – bien plus qu’en Angleterre, chez Manchester United – Romelu Lukaku doit-il toujours se justifier pour la moindre occasion manquée ? Pourquoi, à la mi-temps (0-0) face au Panama, attire-t-il les critiques comme un aimant alors qu’au coup de sifflet final (3-0), les mêmes supporters le portent aux nues après qu’il a marqué deux buts ? Lukaku n’a pas intérêt à rater les deux occasions qui se présenteront à lui face à la Tunisie, ou celle face à l’Angleterre… Car là encore, il sera plus coloré qu’un avant-centre blanc qui manquerait les mêmes occasions. En 2018, ce genre de distinctions inavouées devraient appartenir au passé. Mais pour une grande minorité de Belges, ce n’est toujours pas le cas. Et on peut craindre que ce ne le soit jamais.

Dans deux jours, la Serbie affrontera la Suisse. Sur papier, on verra apparaître alors sur le terrain une équipe composée de : Mvogo, Akanji, Djourou, Rodriguez, Xhaka, Behrami, Dzemaili, Shaqiri, Drmic, Gavranovic et Seferovic, avec pour sélectionneur Vladimir Petkovic. Pour défendre le drapeau non pas serbe, mais suisse. Cela prouve combien tous les sons et toutes les couleurs se fondent aujourd’hui en harmonie dans les équipes nationales, et avec succès – puisque les Helvètes ont réalisé le match nul (1-1) contre le Brésil. Tous ensemble ! La nationalité est une notion extensible. Seul un Suisse sélectionné sur trois est un Helvète de souche. Un sur trois n’est même pas né en Suisse, mais a acquis la nationalité helvétique. Comme quoi, la nationalité n’est plus toujours une qualité que l’on acquiert à la naissance. Elle est de plus en plus, au contraire, une qualité qu’on acquiert ou qu’on vous paie pour acquérir, comme dans le cas de ces athlètes kényans qui remportent des médailles pour le Qatar ou la Turquie. Un tournoi qui oppose des pays a un côté archaïque.

Quand on entend les Mexicains, les Islandais, les Panaméens ou les Portugais chanter leur hymne national, force est de constater que l’amour de la patrie n’est pas mort. Mais il serait vain de vouloir y rattacher des conclusions politiques. En Belgique aussi, certains politiques distinguent dans la superdiversité des Diables Rouges un nouveau modèle de société idéal, une nouvelle belgitude, une identité cosmopolite, plurielle. Or, si c’était le cas, l’âge d’or des Diables Rouges ne coïnciderait pas parfaitement avec celui de la N-VA. Le chauvinisme qui peut régner dans un stade de foot n’est pas une forme de belgicisme moderne. Les Allemands ont pu voir combien ce sentiment d’appartenance d’un nouveau type pouvait être fragile, eux dont les joueurs vedettes Özil et Gündogan ont posé avant la Coupe du monde en compagnie du président turc Erdogan. « Mon président », comme disait Gündogan. Un joueur formidable, mais depuis lors, les supporters ne le considèrent plus comme un Allemand. Vive la Coupe du monde !

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