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Piqûres sauvages au stade du KV Mechelen: mythe ou réalité ?
24·05·22

Piqûres sauvages au stade du KV Mechelen: mythe ou réalité ?

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Photo by Diana Polekhina on Unsplash

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Pour l’heure, aucune preuve tangible ne permet d’expliquer le phénomène des mystérieuses piqûres qui auraient été injectées à quatorze supporters du KV Mechelen samedi dernier. À tel point que les experts du monde entier se demandent s’il ne s’agit pas tout bonnement d’une « légende urbaine ».

Le phénomène, nommé « needle spiking », consiste à administrer des substances narcotiques à l’aide d’une seringue, à l’insu de la victime. Littéralement, on pourrait le traduire par « piqûres sauvages ». Le terme a fait son apparition en Grande-Bretagne, l’été dernier. Entre septembre et janvier, la police britannique a établi pas moins de 1 382 rapports dans le cadre de cas présumés de « needle spiking ». Les victimes, majoritairement des femmes, ont été presque systématiquement droguées en soirée. Perte d’équilibre, désorientation, nausées, vertiges, vomissements et troubles de la parole figurent parmi les symptômes courants. Quatorze rapports font également état de circonstances aggravantes telles qu’un vol ou un abus sexuel.

Pour le moment, la France recense 130 plaintes, tandis que la police néerlandaise en dénombre « une poignée ». Chez nous, la police fédérale affirme ne pas être en possession des chiffres exacts. Sur les réseaux sociaux, cependant, plusieurs témoignages de victimes présumées, qui auraient été droguées lors d’une soirée à Bruxelles, vont bon train. Les récits se propagent et suscitent l’inquiétude chez les jeunes. Mais tout ce ramdam est-il justifié ?

Aucune poursuite judiciaire

Malgré l’ouverture de plus d’un millier d’enquêtes au Royaume-Uni, personne n’a encore été poursuivi à ce jour. Les affaires n’aboutissent généralement à rien. Bien souvent, on ne trouve ni drogue dans le sang ni trace de piqûre sur la peau. Ce constat peut s’expliquer par le fait que ces deux éléments ne sont parfois plus traçables après quelques heures seulement. Toujours est-il que les experts s’interrogent. « L’injection de drogue à l’aide d’une aiguille demeure difficilement concevable », déclare un membre de l’Institut néerlandais Trimbos, centre de recherches sur les drogues. « C’est à se demander dans quelle mesure les versions sont édulcorées au fil du temps. Ceci dit, je n’exclus rien. »

De la drogue en bouteille

Le toxicologue flamand Jan Tytgat (KU Leuven) se montre lui aussi extrêmement prudent, même après les cas survenus samedi lors du match KV Mechelen- Genk. « Je suis sceptique. Ces évènements ont-ils vraiment eu lieu, ou nage-t-on en pleine psychose ? En théorie, c’est possible. De la même manière que vous pouvez bousculer quelqu’un et lui subtiliser son portefeuille, vous pouvez également enfoncer rapidement une aiguille dans une partie de bras ou de jambe exposée. Si la seringue est remplie d’un analgésique – je pense au très puissant fentanyl – on ne doit même pas sentir la piqûre. Idem pour la kétamine. Ces substances ont un effet psychotrope rapide. Et pour ne rien arranger, il se peut qu’elles soient indétectables dans le sang quelques heures plus tard. »

Il arrive que des substances suspectes soient décelées dans le sang des victimes, et certaines d’entre elles voient apparaitre des taches sur leur peau qu’elles attribuent aux injections. Cependant, il n’existe aucune preuve concluante. « Vous savez, ce que je trouve étrange », explique le professeur Tytgat, « c’est qu’on n’a jamais trouvé de seringues abandonnées là où des piqûres auraient eu lieu. De même que l’on trouve parfois des seringues chez des toxicomanes ou des sachets de poudre vides dans les toilettes, ne trouvez-vous pas qu’on pourrait quand même s’attendre à y retrouver l’une ou l’autre trace de ces piqûres sauvages ? » Soit dit en passant, sur plus de 1 300 plaintes déposées au Royaume-Uni, seules 14 infractions pénales connexes – telles que le vol et la violence – ont été signalées.

Le spectre du grand méchant loup

Dans un article paru il y a quelques mois dans la revue Psychology Today, le sociologue américain Robert Bartholomew écrivait que la vague de signalements de piqûres sauvages relève de la détresse sociale. « Ce type de panique s’inscrit dans l’anxiété ambiante. Après deux années de Covid-19, les boîtes de nuit britanniques ont à nouveau tourné à plein régime l’été dernier. Les jeunes étaient heureux de pouvoir sortir, mais la peur du virus et la culpabilité de le transmettre à leurs proches étaient toujours présentes. L’aiguille symbolise la peur de l’infection et, pour certains, de la vaccination. Ce genre d’affaires, comme les légendes urbaines, servent bien souvent de mise en garde. En l’occurrence, la boîte de nuit fait office de forêt sombre et effrayante, tandis que le fou brandissant la seringue s’assimile au grand méchant loup. »

Cela ne veut pas dire que toutes les prétendues victimes fabulent pour autant. Peut-être ont-elles été droguées d’une autre manière, par exemple au moyen d’une substance versée dans leur verre. « Toute personne pensant avoir été droguée en soirée doit être prise au sérieux. », conclut Robert Bartholomew.

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