Le dernier gros exploitant privé belge de maisons de repos est dorénavant aussi aux mains d’une entreprise française. Fondée à Malines, la société Armonea intègre le giron du mastodonte français Colisée. Ensemble, ils constituent désormais le quatrième groupe européen actif dans l’accueil des personnes âgées. À elle seule, Armonea compte quelque 87 résidences en Belgique, 48 en Espagne et 16 en Allemagne. Colisée possède pour sa part 119 établissements répartis entre la France, l’Italie et l’Espagne. Le nouveau groupe hébergera donc des dizaines de milliers de pensionnaires sur cinq pays européens et emploiera près de quinze mille travailleurs. Des chiffres qui donnent le tournis et qui cadrent mal avec l’image d’un père ou d’une mère âgée et infirme qui, dans sa chambre, attend son repas ou l’aide d’une aide-soignante. La taille imposante des entreprises de ce secteur offre un contraste saisissant avec la vulnérabilité des personnes qui logent dans leurs résidences.
On peut se demander si ces multinationales opérant depuis l’étranger n’aggravent pas cette vulnérabilité. Nos pouvoirs publics ont-ils les moyens d’agir ? Sont-ils en mesure d’imposer des exigences de qualité suffisantes à des entreprises de cette taille afin que chacun reçoive les soins dont il a besoin et qu’il est en droit d’attendre ? Ces multinationales accordent-elles assez d’attention aux besoins spécifiques de leurs clients ? Sont-elles suffisamment implantées dans une région pour pouvoir tenir compte des habitudes locales ?
Bien entendu, ces entreprises peuvent diminuer leurs coûts grâce aux économies d’échelle. Mais avec des clients infirmes et entièrement dépendant des soins pour lesquels ils paient, cette tendance au gigantisme comporte aussi son lot de menaces. Que se passerait-il en cas de problème ? Où iront-ils ?
Opérer à grande échelle est devenu inévitable dans le monde d’aujourd’hui. Ce n’est qu’en unissant leurs forces que les entreprises peuvent garantir un accueil et des soins de qualité à un prix abordable. Vu l’accélération du vieillissement de la population, les pouvoirs publics sont d’ailleurs dans l’impossibilité d’assumer à eux seuls l’hébergement des personnes âgées. Ce type d’initiatives privées porteuses d’efficacité et d’économies d’échelle ont permis de sensiblement raccourcir les listes d’attente pour les résidences-services. Une évolution indéniablement positive. Mais la recherche d’efficacité et de rentabilité ne doit jamais nous faire oublier qu’on parle ici de personnes, dépendantes qui plus est. Ce nouveau business florissant doit dès lors continuer à faire l’objet d’une réglementation stricte et d’un contrôle adéquat.