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20·08·19

Les drapeaux flamands ne sont pas arrivés par hasard au Pukkelpop

Temps de lecture : 5 minutes Crédit photo :

Photo Facebook Vlaams Belang Jongeren

Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

L’organisation du festival Pukkelpop a fait couler beaucoup d’encre après avoir confisqué des drapeaux flamands qu’elle a considérés comme des drapeaux « de la collaboration ». À peine cette décision fut-elle prise que le Vlaams Belang s’empressa de distribuer des drapeaux aux festivaliers. Cependant, le drapeau incriminé était déjà présent sur le festival, et il n’était pas là par hasard. En collaboration avec la page Make Vlaenderen Great Again (spécialisée dans la publication de memes sur les réseaux sociaux), le Vlaams Belang entend mener une lutte culturelle : « nous voulons conquérir le cœur des jeunes. »

Bouteilles d’urine

Chronologie des faits : après sa montée sur scène afin de mener son action « Clap for the climate », Anuna De Wever, la jeune militante contre le réchauffement climatique, s’est fait insulter et harceler par quelques garçons près de tentes au-dessus desquelles flottait le drapeau arborant le Vlaamse leeuw. Cette nuit-là, un groupe de jeunes serait également parti à sa recherche, détruisant des tentes et lançant des bouteilles d’urine sur les copines de la jeune fille.

L’organisation du festival a ensuite fait savoir que les équipes de sécurité étaient intervenues et que tous les drapeaux jaunes avec un lion totalement noir allaient être confisqués. « Le drapeau noir, dit de la collaboration, n’a rien à faire ici. Il faut savoir que la veille des événements, le président des jeunes socialistes flamands, présent comme simple festivalier, avait déjà demandé de prendre des mesures contre le drapeau en question.

Plusieurs nationalistes flamands, comme le chef de groupe N-VA Peter De Roover et le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken, se sont insurgés contre l’utilisation du mot « drapeau de la collaboration » et la mesure de répression prise par le festival. Un groupe de l’organisation d’extrême droite Voorpost a ensuite mené une action, drapeaux et banderoles à la main, à l’entrée du festival. Vendredi soir, le bourgmestre N-VA de Hasselt, Steven Vandeput, s’est entretenu avec l’organisateur du Pukkelpop, Chokri Mahassine.

« Je lui ai expliqué que les propos qu’il a utilisés pour décrire un drapeau qui est également mon symbole sont lourds de sens, mais aussi que le mouvement flamand est très diversifié, et que moi-même je préfère ne pas en fréquenter certains cercles, a déclaré le bourgmestre. Je condamne toute menace physique, mais je condamne aussi l’injure faite à mon symbole. »

Une lutte culturelle

Samedi, le Pukkelpop a exprimé ses regrets alors que la section jeunesse du Vlaams Belang avait déjà distribué 500 drapeaux à l’entrée du festival. Un excédent de stock, a-t-on appris par la suite. En 2008, le parti avait commandé 300 000 drapeaux pour les distribuer partout à l’occasion des élections flamandes, mais il en restait au parti encore une grosse quantité. Traditionnellement, les jeunes du Vlaams Belang distribuent avec le Vlaamse Volksbeweging (et non au nom du parti) une partie des drapeaux au Tour des Flandres. Et donc, désormais, aussi à l’entrée d’un festival de musique.

« Nous allons en distribuer plus souvent l’année prochaine, y compris à d’autres occasions, déclare Bart Claes, président des jeunes Vlaams Belang. Ce faisant, nous voulons associer le sentiment flamand à des événements sympas, afin de mieux instiller le concept d’identité flamande au sein de la population. La différence est déjà visible par rapport à il y a dix ans. À l’époque, la jeunesse flamande avait encore honte de cette identité. Nous menons une lutte culturelle dans le but de conquérir les cœurs de la jeunesse flamande. »

Claes a été réélu l’année passée au congrès de la section jeunes du Vlaams Belang en insistant sur cette notion de « lutte culturelle ». C’est lui qui est derrière le profil des jeunes Vlaams Belang sur les réseaux sociaux, où l’on peut voir l’appel suivant, lancé en juin : « La saison des festivals va commencer. Emportez partout et toujours votre #VlaamseLeeuw. De festivals zijn van ons! »

« De camping is van ons »

La page de Make Vlaenderen Great Again (MVGA), spécialisée dans le partage de memes, a appelé à partager des photos du drapeau du Vlaamse leeuw au Pukkelpop. C’est MVGA qui a diffusé les images d’Anuna De Wever qui s’est fait siffler et huer au Pukkelpop. Depuis, les profils de MVGA sur Facebook et Instagram ont été désactivés par Facebook même.

Il faut comprendre que l’année passée, MVGA avait déjà été impliqué dans un scandale au Pukkelpop. En effet, le groupe avait alors diffusé des images d’un incident à caractère raciste : on y voit un groupe de jeunes blancs chanter « Handjes kappen, de Congo is van ons » (« Coupons des mains, le Congo nous appartient », ndt) à l’adresse de plusieurs femmes de couleur. Le texte complet de la chanson avait été diffusé sur la page de MVGA, ce que les jeunes du Vlaams Belang n’ont pas oublié. Les images des drapeaux flamands sur le camping du festival ont été partagées samedi avec pour titre : « De camping is van ons ».

« Mieux vaut vivre un jour comme un lion que cent jours comme un mouton. »

MVGA dispose d’un magasin en ligne, qui vend des autocollants et une casquette inspirée de la casquette Make America Great Again  de Donald Trump. L’entreprise qui se cache derrière ces produits s’appelle Redpill, une référence à un meme célèbre inspiré d’une scène de Matrix : celui qui prend la red pill, la pilule rouge, voit soudainement le monde tel qu’il est.

Le lion qu’arbore le logo de MVGA s’inspire du logo du groupe The Lion Guard, un service d’ordre autoproclamé pour défendre Donald Trump pendant les dernières élections américaines. Le slogan de The Lion Guard rappelle une maxime fasciste chère au duce Benito Mussolini : « Mieux vaut vivre un jour comme un lion que cent jours comme un mouton. »

L’homme derrière la société Redpill s’appelle Wouter Dupont. Il y a quelque temps, une capture d’écran du groupe Schild & Vrienden circulait. On y voyait Dupont affirmer que MVGA, c’était lui. D’après Amra Dorjbayar, journaliste de la VRT, le jeune homme était aussi très actif dans le groupe Discord de Schild & Vrienden, avec plus de 1 600 messages.

En 2018, Dupont était membre des jeunes N-VA de l’Université de Gand, mais il en a été écarté à la demande des autres membres du comité en raison de ses activités chez MVGA et Schild & Vrienden. Depuis lors, Dupont aurait tenté sa chance chez les jeunes N-VA de Gand. Après le reportage de l’émission Pano sur Schild & Vrienden, la N-VA a mené une enquête interne sur ses membres, une procédure qui a mené à la démission – selon ses propres dires – de Dupont fin 2018.

Make Vlaenderen Great Again

Dupont a refusé en dernière minute de répondre à nos questions, même si MVGA, en tant que groupe, a tenu à réagir. Pour la première fois, MVGA, à moins que ce ne fût Dupont en personne, a confirmé son implication.

« Wouter est toujours membre de MVGA, mais les décisions concernant la page se prennent en équipe. Aucun post ni aucune décision de la page ne peuvent donc être liées directement à lui. Nous sommes une page qui défend une opinion de droite nationaliste, et non d’extrême droite, comme le prétendent les médias. »

MVGA insiste : le groupe ne travaille pas avec le Vlaams Belang. Le logo est, d’après leurs propres dires, une copie de celui de The Lion Guard parce qu’ils le trouvaient joli.

Nous avons diffusé les images d’Anuna pour bien montrer que les jeunes ne pensent pas comme elle.

« Bien sûr, nous ne prônons pas le fascisme. Et pour en revenir à Pukkelpop, nous avons diffusé les images d’Anuna pour bien montrer que les jeunes ne pensent pas comme elle. Du reste, nous prenons nos distances par rapport à ceux qui, ensuite, ont dépassé les limites de la légalité. »

Le porte-parole de Pukkelpop signale qu’une quinzaine de drapeaux ont été confisqués et que leurs propriétaires peuvent venir les récupérer, et que depuis que le festival a présenté ses excuses, plus aucun drapeau n’a été confisqué. Ceci dit, tant les jeunes Vlaams Belang que MVGA ont partagé des images de jeunes qui se sont vus demander par des agents de sécurité de ranger leurs drapeaux. « En ce qui concerne les jeunes qui ont harcelé Anuna, l’enquête est en cours », déclare le porte-parole du festival. Le bourgmestre Vandeput, lui, confirme qu’aucune plainte ni déposition n’ont été enregistrées à la police.

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