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28·10·16

Les clowns méchants vous terrorisent? Voici de quoi relativiser

La semaine dernière, la police de Malines a arrêté un “clown méchant”. Le jeune homme était vêtu d’une salopette blanche et portait un masque à cheveux verts. Une nouvelle mode venue des États-Unis ? Non, une tradition ancestrale plutôt.

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

(c) Bart Heird

Caroline Coppens
Traducteur⸱trice Caroline Coppens

La mode des clowns méchants s’inscrit dans une tradition séculaire. « À la fin du Moyen Âge, des groupes de jeunes avaient déjà l’habitude de se masquer pour effrayer les villageois » Johan Verberckmoes, KULeuven.

Ces dernières semaines, le clown méchant – appelé aussi clown tueur – a été signalé notamment à Genk, As, Gand, Malines et Beveren. Même si la police espère que le terme de “clown raté” se répande, histoire de souligner le caractère lamentable de ce semeur de panique.

Parfois, il ne se montre pas malgré des annonces sur les médias sociaux. Il faut dire qu’en ligne, le sujet suscite des réactions fanatiques, avec des commentaires appelant à “le tabasser” ou à “lui tirer dessus”. Dans ce cas, des meutes d’ados l’attendent en vain. Ces rassemblements ont déjà donné lieu à des confrontations entre chasseurs de clowns et policiers.

« Dès que la panique s’installe, les attaques visant les clowns posent davantage de problèmes que les clowns eux-mêmes », analyse Peter Burger, folkloriste spécialisé dans les histoires populaires, attaché à l’université de Leyde. Sur son blog gestolengrootmoeder.nl, Burger a consacré ces dernières années plusieurs articles au phénomène du clown méchant qui, après les États-Unis et l’Australie, a fait son apparition dans notre pays, aux Pays-Bas, en France, en Angleterre et en Irlande – des pays où l’on fête Halloween. Et ce n’est pas le fruit du hasard.

Car il convient de définir le monstre masqué comme un prolongement illégal de la version anglo-saxonne de la Toussaint. Johan Verberckmoes, historien et chercheur en humour historique à la KU Leuven, partage cet avis. « Ces clowns sont pour moi une version précoce d’Halloween, une fête qui se répand aussi bien en Belgique qu’aux Pays-Bas. » Une fête certes importée, mais Verberckmoes comprend son succès. « Avec le carnaval pour seule fête rituelle, il restait un créneau dans le marché. »

Apparu au 18e siècle, le clown est issu de la tradition théâtrale, précise l’historien flamand. C’est l’acteur britannique David Garrick qui, le premier, montait sur scène le visage poudré et coloré. Non seulement ses interprétations ont valu à Shakespeare le statut de gloire nationale, il a aussi inventé le personnage du clown.

Au 19e siècle, ce clown-mime théâtral, costumé et grimé, a rejoint le cirque où il assurait un moment de détente salutaire entre des numéros d’acrobatie éprouvants pour les nerfs, poursuit Verberckmoes.

Les confins de l’acceptable

Mais les clowns méchants actuels transgressent une limite. « Ils trahissent leur costume en ne faisant pas ce qu’ils sont censés faire puisqu’au lieu de faire rire, ils terrorisent les gens », analyse Verberckmoes.

L’historien considère surtout les clowns terrifiants comme une manifestation de la culture des jeunes – autre phénomène historique. « Les anthropologues parlent d’“expérience de seuil” : les enfants et les adolescents tâtent les frontières de ce qui est socialement acceptable, et dans cette démarche, ils peuvent être très provocateurs. »

En ce sens, le clown méchant est une expression de rébellion rituelle, poursuit Verberckmoes. « On en a vu aussi à la fin du Moyen Âge : des groupes de jeunes qui, pendant le carnaval, parcouraient les villages, masqués ou drapés, pour effrayer les gens. Ou ils jouaient aux cadavres sortis de leurs tombes. »

Des jeunes rebelles donc, dans la plus pure tradition rituelle historique, même s’ils n’en ont pas conscience, explique Verberckmoes. « Imaginez que sous ce masque de clown, on découvre un sexagénaire : nous serions tous très inquiets. »

Peter Burger connaît lui aussi des histoires bien documentées de jeunes, surtout des garçons, qui vers 1900 dans nos régions, se cachaient sous des draps pour terroriser les villageois, au cimetière de préférence et avec force “hou hou”.

« L’habitude de jaillir des fourrés le visage masqué n’a rien de nouveau », observe Burger. Plus près de nous, en 1965, la localité néerlandaise d’Assen était terrorisée par un fantôme, un jeune homme tout habillé de noir. « Ici aussi, une importante patrouille civile avait été constituée, et c’est surtout la sécurité du fantôme qui était en danger. »

Burger considère le clown méchant comme une variante moderne du fantôme d’Assen. « Comme nous ne croyons plus vraiment aux fantômes, le clown prend la relève. » Bien entendu, il s’est mis au goût du jour puisqu’il possède désormais un compte Instagram ou YouTube.

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