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La violence envers les journalistes augmente aussi en Belgique
03·02·22

La violence envers les journalistes augmente aussi en Belgique

Temps de lecture : 3 minutes
Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

La VVJ, l’association flamande des journalistes professionnels, dénonce l’augmentation inquiétante des agressions envers les journalistes. « De plus en plus de journalistes refusent même de couvrir sur place les manifestations contre les mesures sanitaires ou de signer leurs articles. »

« La situation dégénère, des collègues quittent le métier »

Dimanche passé, le photographe de presse Kristof Vadino (De Standaard) couvrait la manifestation contre les mesures sanitaires à Bruxelles. Il est rentré de sa journée de travail avec un genou presque cassé (finalement, il s’en est sorti avec « seulement » une lésion grave). « Alors que les manifestants et les policiers jouaient au chat et à la souris à la station Mérode, j’ai voulu m’enfuir parce que les forces de l’ordre s’apprêtaient à sortir les canons à eau. C’est à ce moment-là qu’un manifestant, qui avait vu que j’avais pris des photos, m’a donné un coup de pied dans le genou. »

Vadino a pu conserver son équilibre, mais il a reçu ensuite un deuxième coup, sur le pied cette fois-ci. Peu avant, il avait évité de justesse des actes de violence physique dirigés contre lui spécifiquement parce qu’il travaillait pour la presse. Vadino, photographe de presse depuis huit ans, dispose d’une grande expérience des manifestations : « Lorsque les syndicats sont dans la rue, la situation peut dégénérer, mais les manifestants ne s’en prendront jamais à la presse. Je sais bien que pendant les manifestations, je dois faire attention à l’extrême gauche et à l’extrême droite. Mais ça, c’était avant les manifestations contre les mesures sanitaires. »

Une équipe de la chaîne de télévision locale BX1 s’est aussi fait agresser ce dimanche, alors qu’elle filmait des manifestants en train de déchausser des pavés. Ils s’en sont tirés sains et saufs. Vadino a aussi vu un photographe néerlandais s’enfuir afin d’échapper à des manifestants en colère.

Agressions verbales

La violence envers les journalistes augmente aussi en Belgique. L’association flamande des journalistes (VVJ) assiste depuis trois ans à une augmentation du nombre de signalements d’actes de violence. « En 2019, nous avons reçu une petite quinzaine de signalements. Nous en avons reçu 20 en 2020 et 25 en 2021 », relate le secrétaire national, Pol Deltour. Ces signalements concernaient généralement des agressions verbales. Le plus inquiétant, c’est que souvent, c’est la famille des journalistes qui est menacée. C’est très intimidant. De ce fait, de plus en plus de journalistes refusent de couvrir les manifestations contre les mesures sanitaires, et certains n’osent plus signer leurs articles. »

Samira Atillah, journaliste du quotidien De Morgen, a refusé de se rendre à la manifestation de dimanche passé. Elle avait vu sa photo circuler dans des groupes privés de manifestants sur Facebook. « Ma photo était accompagnée d’un texte : si vous la voyez, n’hésitez pas à lui faire du mal », témoigne la journaliste, qui a décidé de ne prendre aucun risque. Pourtant, Samira Atillah est spécialisée dans le domaine judiciaire, et à ce titre habituée à bien des menaces, qu’elle reçoit quotidiennement sur les réseaux sociaux, dans des messages privés ou par e-mail. « Il s’agit toujours d’insultes racistes et sexistes. »

Après avoir écrit des articles sur Jürgen Conings, elle a reçu un appel anonyme d’un homme qui lui a dit qu’il passerait un jour à la rédaction.

« Deux jours plus tard, le bâtiment a été évacué en raison d’une alerte à la bombe. J’ignore s’il y a un lien entre les deux événements, mais j’ai l’impression que certains passent des paroles aux actes. »

Pente glissante

Tim Pauwels, l’ombudsman de la VRT, partage ce sentiment. Il a reçu, il y a peu, un e-mail d’un homme qui voulait le « détruire par le feu ». Cette menace était accompagnée d’une explication : « Parfois, en temps de guerre, des innocents meurent aussi ». Le message était signé : « Le tueur de Kortenberg ».

Pauwels a introduit une plainte. « Après cet e-mail, la police a patrouillé un peu plus autour de chez moi. » Ce n’est certes pas comparable à ce qu’ont subi Vadino ou Atillah, « mais on ne peut pas dire que c’est agréable. »

Pauwels s’inquiète de l’ambiance délétère qui entoure le débat sur la crise du coronavirus. « On nous accuse d’être à la solde du régime. Que ces reproches circulent sur Facebook, passe encore. Le problème, c’est que les critiques envers les médias et les éditorialistes sont devenues aussi banales que sans fondement. La critique est autorisée, bien sûr, mais elle doit s’arrêter là où commencent les paroles en l’air. Nous sommes sur une pente glissante. Lorsque je lis que quelqu’un veut me détruire par le feu, je me dis qu’un glissement s’est opéré. »

Pol Deltour, secrétaire de la VVJ, partage les inquiétudes de Pauwels. « C’est pourquoi nous avons voulu discuter de ce point lors d’un entretien avec la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V). Nous lui avons demandé d’enregistrer spécifiquement les plaintes pour violence à l’égard de journalistes, de la même manière que cela se fait pour la police et pour le personnel politique. Ainsi, ces plaintes seraient traitées en priorité par les parquets, ce qui devient nécessaire, tant la situation commence à se détériorer. Des journalistes quittent le métier à cause de ce problème. La situation est grave. »

Le cabinet de Mme Verlinden confirme cet entretien et affirme que « la ministre s’engage à analyser le problème en concertation avec la police ».

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