Le meurtre de Julie ravive la polémique sur les affaires de viol, dont la justice ne mesurerait pas toute la gravité
Pour Julie Van Espen, 23 ans, demain ne viendra pas. La vie lui a été arrachée brutalement alors qu’elle se rendait à une fête. Samedi après-midi, en plein jour, elle quitte son domicile, à Schilde, pour se rendre à vélo chez des amis, dans le sud d’Anvers. Mais ce qui devait être une promenade insouciante au bord du canal Albert vire au drame, atroce. Traînée de son vélo, elle est assassinée, son corps jeté à l’eau. Les enquêteurs le découvriront lundi après-midi aux alentours de cinq heures.
La nouvelle, que tout le monde craignait, met fin à l’incertitude à laquelle sa famille était en proie depuis samedi soir. Les recherches de la police auront permis d’arrêter le suspect moins de 48 heures après les faits. Originaire d’Anvers, l’homme de 39 ans n’en est pas à son coup d’essai : en plus de peines pour vol, recel et menaces, il a été condamné pour viol en 2004 et en 2017.
Dans notre pays, toujours hanté par le souvenir de l’affaire Dutroux, la même question s’impose inlassablement : la justice en fait-elle assez pour protéger la société contre ce genre de personnages ? Comment un individu condamné, en 2017, à quatre ans de prison pour l’agression brutale de son ex-petite amie pouvait-il rôder le long du canal Albert samedi après-midi ?
Dans cette affaire, la question de l’échec de l’exécution de la peine est complexe. En 2017, lors de la condamnation, le parquet avait requis l’arrestation immédiate, mais le juge n’a pas donné suite. L’accusé, qui s’est alors pourvu en appel, est resté en liberté dans l’attente d’un jugement définitif. Aucune erreur n’a donc été commise techniquement, mais il est pour le moins étrange qu’un individu poursuivi deux fois pour viol — et qui présente donc un risque de récidive élevé — ne soit pas immédiatement mis sous les verrous après sa deuxième sanction. Et pourquoi la cour d’appel prend-elle tant de temps à rendre son jugement — hélas rattrapé par la réalité samedi.
Le meurtre de Julie ravive la polémique sur les affaires de viol, dont la justice ne mesurerait pas toute la gravité. À l’évidence, un violeur n’est pas un assassin. Anticiper le comportement potentiel d’un individu est une tâche délicate, peut-être la plus difficile pour les juges. Reste que la réalité est effroyable. On estime que 90 pour cent des viols ne sont pas dénoncés en Belgique. Près d’un tiers des dossiers sont classés sans suite par le parquet. Et les condamnés s’en sortent souvent avec une peine légère. Pour les femmes qui rassemblent tout leur courage pour porter plainte dans l’espoir que personne d’autre n’ait à endurer la même épreuve, cette affaire est une énième pilule amère à avaler. À quand la dernière ?