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Harcèlement en rue : Bruxelles, territoire des machos
14·04·20

Harcèlement en rue : Bruxelles, territoire des machos

Les cas d’intimidation sexuelle et de harcèlement se multiplient pendant le confinement. Comme d’habitude, la plupart des signalements ne se font pas auprès des forces de l’ordre, mais sur les réseaux sociaux. « La situation dans la capitale était déjà critique, elle est devenue insupportable », témoignent jeunes femmes et adolescentes.

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Crédit: Pixabay

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Parvis de Saint-Gilles : lieu de convivialité pour humeurs frivoles, point de rassemblement des amateurs de verre en terrasse. Sous les yeux flânent d’ordinaire en cette période, les premières jambes dénudées de l’année. La place ne désemplit que tard le soir, au départ du dernier métro. En tout cas, en temps normal.

Parvis de Saint-Gilles, avril 2020. Votre journaliste traverse les lieux en pleine journée. Un déluge de jappements et de gémissements s’abat sur moi, comme si je passais à proximité d’une meute de chiens. Or, ce clabaudage vient d’un groupe de 5 hommes, manifestement éméchés. « Hé, beauté, c’est pour rire hein ! T’as pas d’humour ? » me lance l’un d’eux. Il ajoute : « J’ai cinq enfants, tu sais. Tu crois quoi, franchement ? » Deux cyclistes passent. Rouge de honte, j’ose à peine les regarder. Nous sommes les seuls sur le parvis.

Les cas d’intimidation sexuelle dans les rues de Bruxelles semblent avoir redoublé d’intensité pendant ce « lock-down light ». La police ne constate, de son côté, aucun changement particulier. Normal : les cas d’intimidation sexuelle ne font que rarement l’objet de signalements auprès des forces de l’ordre. Sur le site Web du quotidien Het Laatste Nieuws, on voit une vidéo d’une étudiante bruxelloise qui s’agace de ces cas de « catcalling », phénomène bien connu où les femmes se font siffler et interpeller en rue par des machos aux réflexions salaces.

De temps à autre, femmes et adolescentes mentionnent l’inaction de la police de la capitale face à ces agissements. Le cas de l’étudiante évoqué ci-dessous a poussé les forces de l’ordre à ouvrir une enquête. « Les patrouilles arrivent généralement trop tard pour constater les faits », déplore Isle Van de Keer de la zone de police Bruxelles-Ixelles. « Nous ne pouvons qu’encourager les victimes à remplir notre déclaration en ligne. Hélas, ces cas sont souvent signalés sur les réseaux sociaux, mais rarement auprès de nos services. »

Chair fraiche en deux-roues

Anysa Grammenoudis, chanteuse et collaboratrice à l’Ancienne Belgique, a récemment partagé ses expériences sur un groupe Facebook réunissant des citoyens bruxellois : « Avant la crise, je ne ressentais de l’insécurité à Bruxelles que le soir. Mais depuis le confinement, cela m’arrive aussi pendant la journée. Vous ne trouvez pas ? » Les réactions des femmes – mais aussi des hommes qui ont fait le même constat – affluent.

« Des mecs me lancent des ‘sexy’ quand je passe devant eux en vélo (dans la tenue la moins sexy du monde) » relate une internaute. « Si on pouvait convertir la frustration sexuelle en énergie, certains n’auraient plus jamais de factures d’électricité à payer ! » plaisante une autre.

« Même ma fille de quinze ans n’est pas épargnée quand elle sort en vélo », réagit Heleen. « Certains me sifflent par la fenêtre de leur voiture », confirme Emma, résident à Ixelles. « On dirait que le vélo est devenu la nouvelle mini-jupe ! » Même l’auteure à succès Lize Spit s’est mêlée à la discussion : « Le catcalling s’est clairement intensifié à Bruxelles avec le confinement. Les rues sont remplies d’emmerdeurs, de machos salaces. Quand je rentre chez moi, je me lave les mains, mais j’ai en réalité envie de me savonner de la tête aux pieds, comme pour évacuer tous ces regards lubriques et ces remarques désobligeantes qui me collent à la peau », écrit-elle.

« Là où j’habite, dans le quartier Midi-Lemonnier, le harcèlement de rue a toujours été monnaie courante », explique Anysa Grammenoudis. « Mais il est encore plus visible à présent : il ne reste plus que les gros lourds dans les rues désertées de la capitale. Je voulais surtout savoir si je me faisais des films, mais apparemment, ce n’est pas le cas » s’amuse-t-elle.

Mammifères en rut

Comment expliquer cette augmentation des cas ? Les femmes sont-elles plus irritables à cause de l’isolement ? L’arrivée du printemps joue-t-elle sur les comportements de ces messieurs ? Les enquiquineurs profitent-ils de l’absence de contrôle sociale pour se défouler ?

« L’explication réside un peu dans toutes ces hypothèses à la fois » confirme Frank Overwalle, professeur de psychologie sociale, pour qui la solitude et l’isolement peuvent nous rendre plus irascibles. Le printemps peut aussi jouer un rôle sur les hormones. Par ailleurs, le contrôle social est fortement réduit, ce qui peut avoir un effet désinhibant chez certains, même si parallèlement, la présence policière a augmenté. « Le catcalling est un phénomène relativement ancien, qui nous rappelle que l’homme est un animal. La seule différence est que notre espèce fait étalage toute l’année de son désir d’accouplement », explique le psychologue. Il poursuit : « Sur le plan strictement biologique, le mâle utilise cette technique pour attirer la femelle. Mais notre culture rejette ces pratiques, jugées inconvenantes, en raison de l’égalité des sexes à laquelle nous aspirons ».

« Bruxelles est devenue le territoire des hommes », réagit l’élue politique Celia Groothedde (Groen), qui a fait état de plusieurs signalements à la police. La parlementaire Hilde Sabbe (one.brussels – sp.a) avait pour sa part évoqué la situation en commission parlementaire, il y a quelques semaines. « Comme on peut le comprendre, dans les premières semaines de confinement, le sujet n’était pas prioritaire. Le moment est peut-être venu d’ouvrir ce débat ».

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