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08·07·19

Été difficile à la piscine de Koewacht : contrôles d’identité, caméras et policiers nécessaires

Temps de lecture : 5 minutes Crédit photo :

Photo by Jesper Stechmann on Unsplash

Cathy Galle
Auteur⸱e
Dominique Jonkers
Traducteur Dominique Jonkers

Koewacht, petit village de l’autre côté de la frontière néerlandaise. De jeunes Flamands d’origine marocaine y arrivent par dizaines, terrorisent tout le village et molestent les nageurs qui fréquentent la piscine en plein air. La commune organise sa défense.

le 44, en provenance de Sint-Niklaas, passe à 13h13. Et c’est là que ça commence.

« À 13h13 tapantes. » Le technicien de la piscine porte un tablier bien trop chaud pour la saison. L’horaire du bus De Lijn qui dessert Koewacht, il le connaît par coeur : le 44, en provenance de Sint-Niklaas, passe à 13h13. Et c’est là que ça commence.

Par beau temps, des groupes de jeunes flamands d’origine marocaine montent du Waasland jusqu’à Koewacht. De l’arrêt de bus jusqu’à la piscine, comptez une demi-heure de marche, maximum. Amplement assez pour qu’ils laissent sur leur passage une longue traînée de dévastation : bacs à fleurs renversés, détritus et débris de verre. « Les villageois connaissent la rengaine : on ne s’étonne même plus de voir un vélo disparaître du n° 1 d’une rue pour être bazardé au numéro 17 », se désole le technicien. La bande fait systématiquement un arrêt de ravitaillement à la supérette locale, histoire de faire le plein de chips et de boissons. Et de mettre le magasin sens dessus dessous. « On retrouve les pots de confiture dans le rayon crémerie, et les boîtes de haricots entre les paquets de sucre. »

« Ils font enrager tout le monde »

C’est quand ils arrivent à la piscine que ça se complique vraiment. Tamara, la maitre-nageuse, petit bout de femme d’apparence frêle, ne manque pas de caractère. « Ça a commencé il y a trois ans, et ça s’aggrave d’année en année. Ce qu’ils font ? Ils poussent les gens à bout, du vrai harcèlement. Ils font enrager tout le monde, et surtout le personnel.

Ça commence à la caisse. Pendant que le premier paye son billet d’entrée, dix autres resquillent. Dans la piscine, ils s’amusent à faire des bombes, évidemment interdites, de préférence sous le nez de Tamara. Ou alors, ils se mettent à une vingtaine pour lui bloquer la vue alors qu’elle essaye de surveiller la piscine. « Parfois, ils viennent si près de moi que j’ai l’impression de pouvoir les toucher rien qu’en respirant.  C’est très intimidant. »

Et ils agissent systématiquement en bande. « Approchez-en un pour lui faire une observation sur son comportement, et ils sont soudain quarante autour de vous », explique une de ses collègues féminines.

Gardes de sécurité, caméras portatives, patrouilles de police

Les maitres-nageurs ne sont pas les seuls visés : les autres baigneurs sont régulièrement la cible de comportements dérangeants, voire d’actes d’intimidation. Surtout les jeunes filles et les mamans accompagnées d’enfants. L’an dernier, la commune de Terneuzen, dont fait partie le hameau de Koewacht, s’est résolue à placer des gardes de sécurité à l’entrée, d’équiper le personnel de caméras portatives et de multiplier les patrouilles de police. De quoi reprendre plus ou moins le contrôle de la situation.

Cela n’a pas empêché les choses de complètement dégénérer la semaine dernière. Lundi, quatre adolescentes, soudain entourées par un groupe d’une vingtaine de jeunes gens, ont subi des attouchements.

Mercredi, on en est venu aux mains, lorsque trois jeunes gens de Koewacht ont été pris à partie par un groupe d’une trentaine d’assaillants, des doelgroepers, comme on les appelle ici. Il a fallu l’intervention de dix policiers aidés d’un chien pour rétablir le calme.

« la commune n’avait plus le choix, il fallait intervenir. »

Pour le bourgmestre Jan Lonink, la commune n’avait plus le choix, il fallait intervenir. Sa première idée était de fermer carrément la piscine, mais après concertation avec le comité de quartier, il a opté pour une autre solution : n’autoriser l’accès à la piscine qu’aux détenteurs d’un abonnement  – sachant que pour s’abonner, il faut d’abord s’enregistrer. « Et au premier faux pas, on confisque l’abonnement.  Plus d’abonnement, plus d’accès à la piscine » ajoute-t-il. « Cette mesure garantit à la fois la sécurité et l’ordre public, ce qui n’était pas possible avec des tickets journaliers. »

Et on dirait que ça marche. Nous sommes lundi, un peu après 14h00. Aucun « doelgroeper » à l’horizon. Une vingtaine de nageurs, pas davantage, barbote dans la grande piscine. « C’est le revers de la médaille », soupire Tamara. « Par une belle journée comme aujourd’hui, normalement, on devrait avoir 500 personnes. Avec parfois des pointes jusqu’à 1 000. Maintenant, pas mal de gens préfèrent s’abstenir, et on les comprend. »

Une discussion s’engage à l’entrée de la piscine. C’est une famille flamande avec deux enfants, en vacances dans un camping proche, qui voudrait nager. On lui confirme l’obligation de prendre un abonnement : 45 euros par adulte et 28 euros par enfant. C’est un prix relativement démocratique – à condition de pouvoir en profiter tout l’été. Très déçue, la petite famille rebrousse chemin.

« Ça n’a pas arrêté de tout le week-end », commente Tamara. « Beaucoup de déceptions. Même chez les personnes du cru, pas toujours d’accord de prendre un abonnement pour tout l’été. Nous avons dû renvoyer tout ce monde vers la piscine de Axel, dans un village proche. La piscine y est plus petite, mais toujours tranquille. Le bus de Sint-Niklaas ne s’y arrête pas.

Solution miracle ?

L’astuce de l’abonnement n’est donc pas la solution miracle. Mais dans ce genre de situations, des solutions miracle existent-elles ? Réprimander ces fauteurs de troubles ne donne rien, expliquent les sauveteurs : ils se moquent complètement de l’autorité. Quant à demander une carte d’identité, le personnel communal n’y est pas habilité. « Quand ça dépassait vraiment des bornes, nous appelions la police », explique Tamara, « et les doelgroepers s’égaillaient dans la nature en sautant par-dessus la clôture. La piscine jouxte un sentier de promenade, qui leur réserve une voie de fuite rapide. L’été dernier, un de nos collègues attendait sur ce sentier pour les retenir. C’est intenable ! Mais que faire ? On ne peut quand même pas interdire l’accès de la piscine à tous les jeunes gens d’origine marocaine sous prétexte qu’un petit groupe vient jouer les perturbateurs ?

 « Il a déjà fallu les chasser du domaine De Sterre de Sint-Niklaas et du domaine Puyenbroeck à Wachtebeke, entre autres. »

Les services de police belges ont été informés du dossier et tentent de suivre la situation. « Il s’agit probablement du même groupe de jeunes qui s’est déjà fait remarquer dans d’autres piscines flamandes et dans certains domaines récréatifs », commente Jan Michiels, de la zone de police Puyenbroeck. « Il a déjà fallu les chasser du domaine De Sterre de Sint-Niklaas et du domaine Puyenbroeck à Wachtebeke, entre autres. Alors ils cherchent d’autres endroits accessibles en bus. Ils viennent de Sint-Niklaas ; parfois, ils se retrouvent à Moerbeke pour y prendre le bus.

En Flandre, ces trouble-fête ont pu être chassés de différents domaines récréatifs, mais le processus a été horriblement lent, explique Michiels.  « En cas de nuisance, une commune peut infliger des amendes sous forme de sanctions administratives communales, et même appréhender le trublion. En revanche, impossible d’interdire l’accès à un domaine ou à une piscine : il faudrait constituer un dossier administratif complet, et donc appréhender l’individu plusieurs fois. Le temps de leur interdire l’accès, l’été serait déjà terminé depuis longtemps. D’autant qu’il leur suffit d’aller dans une autre commune pour que toute la procédure doive être reprise à zéro.

Si ça continue comme ça, l’été sera morose à Koewacht, soupirent les maitres-nageurs de la piscine devant leur piscine quasiment vide. Tamara : « J’aime mieux passer un été morose que finir épuisée après deux jours de travail, et décompter les jours jusqu’à mon prochain jour de congé. Ce manque de respect, ça vous vide complètement »

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