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Enquête PISA : des résultats qu’il faut savoir nuancer
04·12·19

Enquête PISA : des résultats qu’il faut savoir nuancer

Pedro De Bruyckere est pédagogue et chercheur postdoctoral à la Arteveldehogeschool, à Gand, et à l’université de Leiden, aux Pays-Bas.

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) Pixabay

Fin du suspense : l’OCDE a publié les résultats de l’enquête PISA, mardi à 9h. Durant l’année précédente, des jeunes de quinze ans issus des pays et régions partenaires ont rempli une batterie de tests et de questionnaires et, après des mois de traitement des données recueillies, nous avons enfin la première partie du verdict. Vient à présent le temps des conclusions : où se situe l’enseignement flamand par rapport à l’an dernier et aux autres pays et régions (réponse dans cet article de Flandreinfo, ndlr) ? Qui succède à la Finlande, la Pologne et l’Estonie en tant que premier de classe ?

Toujours est-il qu’il est utile de garder certains éléments à l’esprit à la vue des résultats du PISA (Programme for International Student Assessment). Pour vous, mesdames et messieurs, j’en ai dressé le résumé.

Tout d’abord, le PISA ne mesure ni les objectifs finaux ni les programmes d’étude d’un pays donné. Tous les pays ont leur propre cursus, raison pour laquelle le PISA s’attèle plutôt à évaluer l’aptitude des étudiants à résoudre des problèmes. Concrètement : les élèves sont confrontés à des problèmes qui peuvent être résolus de diverses manières, par exemple avec ou sans règle de trois, sans que cela ne soit précisé. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’un test de connaissances.

Ce programme d’évaluation se penche non seulement sur les performances des élèves en mathématiques, en compréhension à la lecture, en sciences, en économie ou en compétences numériques, mais prend également en compte des facteurs tels que le nombre de cours particuliers dispensés au sein d’un pays ou d’une région, la propension des élèves à collaborer entre eux et l’enthousiasme avec lequel ils se rendent à l’école. Autant d’éléments de comparaison souvent négligés.

Le PISA établit en outre et avant tout des corrélations, et non pas des liens de causalité irréfutables. Voilà une idée fausse qui tend à se répandre et Andreas Schleicher en personne, homme fort du PISA, s’est lui-même fourvoyé alors qu’il dévoilait récemment les nouvelles grilles du programme. Dans une interview accordée au quotidien britannique The Times, il a déclaré que le fossé existant entre filles et garçons en matière de lecture aurait diminué, faisant un lien avec l’utilisation des réseaux sociaux. Or si le PISA permet de constater que les garçons utilisent plus ou moins les réseaux sociaux que les filles et de dresser le tableau des performances des deux sexes dans ce domaine précis, peut-il établir un lien de causalité entre les deux données pour autant ? Rien n’est moins sûr. De nombreux autres facteurs non pris en compte par l’étude PISA peuvent avoir joué un rôle sur les aptitudes en lecture des uns et des autres. Démontrer de réels liens de causalité à l’aide de chiffres issus du PISA est une mission pour le moins délicate.

La principale conclusion causale souvent tirée au moyen des données de l’étude PISA consiste à déterminer les politiques qui sont à l’origine de l’amélioration et ou de la baisse des résultats. Indépendamment du fait que les performances scolaires peuvent avoir d’autres influences que la seule politique menée par une autorité – citons notamment les crises économiques et une immigration en hausse – nous avons tendance à nous focaliser à tort sur la politique actuelle d’un pays ou d’une région.

Or si la Finlande a obtenu d’excellentes notes au PISA au début du siècle, ce n’est pas grâce à la politique d’enseignement menée durant cette période. En réalité, ces résultats sont probablement le fruit des mesures prises par Helsinki au cours des deux dernières décennies du siècle passé. Transposer le système éducatif finlandais des années 2000 tel quel, comme d’aucuns se plaisent à le suggérer, n’est dès lors pas nécessairement indiqué. De fait, lors de la dernière édition de l’enquête PISA, la Flandre a obtenu de meilleurs résultats que la Finlande en mathématiques.

Les changements dans le domaine de l’enseignement sont longs à mettre en œuvre, et leurs effets tardent des années à se manifester. La Suède, il est vrai, a récemment montré comment dégrader un système éducatif en un court laps de temps, mais cet exemple est l’exception plutôt que la règle. Cela signifie que pour chercher une explication aux résultats en baisse de l’enseignement flamand lors des éditions précédentes du PISA, il convient de se pencher sur la politique menée depuis 2000, voire avant, dans ce domaine. Il est extrêmement frustrant, tant pour l’ancienne ministre de l’enseignement, Hilde Crevits (CD&V), que son successeur, l’actuel ministre Ben Weyts (N-VA), de constater que leur politique se reflètera à peine dans les nouveaux résultats, bien que les regards se tournent vraisemblablement davantage vers eux que vers leurs prédécesseurs à ce poste, Marleen Vanderpoorten (Open Vld) et Frank Vandenbroucke ou Pascal Smet (sp.a).

Pour terminer, il convient de souligner que les discussions indispensables autour de l’enquête PISA ont eu lieu au cours de ces dernières années. Lors de l’étude précédente, des dizaines de scientifiques ont co-rédigé une lettre ouverte, s’interrogeant sur l’influence considérable de ce classement international sur les politiques d’enseignement à travers le monde. L’étude représente certes une source d’influence importante, mais il en existe d’autres. Citons par exemple le PIRLS (Programme international de recherche en lecture scolaire) pour la lecture, le TIMMS (étude internationale consacrée aux mathématiques et aux sciences), ou encore l’ICCS pour la citoyenneté. Ces indicateurs, auxquels s’ajoutent les études menées par nos propres autorités, nous permettent de prendre la température de notre enseignement. Il ne nous reste plus qu’à déterminer le degré de fièvre de celui-ci. Et les éditions précédentes du PISA ainsi que le PIRLS n’incitent pas forcément à l’optimisme.

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