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26·11·19

Breendonk: un salut nazi qui ne vient pas de nulle part

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) Drow Male via Wikipedia

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« Ce n’était qu’un canular. » Rob Verreycken a ainsi tenté de faire passer le salut nazi effectué le week-end dernier par son fils Gunnar (23 ans), au fort de Breendonk, pour une vulgaire plaisanterie. Au sein du clan Verreycken, les penchants pour les idéologies d’extrême-droite ne datent pas d’hier. Le grand-père, Wim, a commis un attentat à la bombe pour le compte du Vlaamse Militanten Orde (VMO), mouvement aujourd’hui interdit, et le père, Rob, en est déjà arrivé aux mains avec Kris Merckx, l’homme fort du PVDA.

Le parquet de Malines a lancé une enquête à l’encontre de Gunnar Verreycken pour avoir effectué un salut hitlérien dans l’enceinte du fort de Breendonk, d’où les nazis ont déporté plus de trois milles personnes vers leurs camps de concentration. Gunnar Verreycken est membre de Right Wing Resistance, organisation d’extrême-droite, et ne cache pas le fond de sa pensée. Après l’incendie volontaire du centre d’accueil de Grote-Spouwen, à Bilzen, il s’est exprimé en ces termes à travers un commentaire sur Facebook : « L’auteur aurait mieux fait d’attendre que les lieux soient occupés ».

Membre d’une milice privée illégale

Il se trouve que Gunnar Verreycken était également membre du Vlaams Belang. Était, car avant de fanfaronner le bras droit tendu vers le haut au fort de Breendonck, il s’est fait mettre à la porte du parti, comme l’indique le président Tom Van Grieken : « L’adhésion au Vlaams Belang est incompatible avec ce petit cercle stupide qu’est Right Wing Resistance. »

Reste que l’adhésion à une association extrémiste n’a pas toujours été incompatible avec le Vlaams Belang, ex-Vlaams Blok. Le grand-père de Gunnar Verreycken, Wim, s’est aussi illustré dans le domaine de la plaisanterie étant jeune. Il était alors membre du Vlaamse Militanten Orde (VMO), milice privée déclarée illégale dans les années quatre-vingts qui a ensuite intégré le giron de la Volksunie en tant que service d’ordre.

Le 11 juillet 1963, trois membres du VMO ont célébré l’anniversaire de la Bataille des éperons d’or à leur manière : ils ont commis un attentat (pas tout à fait réussi) sur la colonne du Congrès à Bruxelles, symbole belgicain par excellence. L’un des auteurs n’était autre que Wim Verreycken, à l’époque âgé de 20 ans et à la tête du corps des trompettes du VMO. En 1968, cet acte lui a valu une condamnation à neuf mois de prison, que ses complices et lui n’ont jamais purgée car ils ont gagné le procès en appel, les faits étant prescrits. Quarante ans plus tard, Wim Verreycken est revenu sur l’affaire dans les colonnes du quotidien De Morgen, qualifiant son acte « d’erreur de jeunesse ».

En 1977, Wim Verreycken et son compère Karel Dillen sont à l’origine du Vlaams Blok lorsqu’ils quittent le nid de la Volksunie suite au pacte d’Egmont. Wim Verreycken est par la suite devenu sénateur du Vlaams Blok et fer de lance du parti à Borgerhout. En 2004, à la suite d’un divorce, il a déménagé à Saint-Nicolas. Quelques années plus tard, il a pris sa retraite politique pour se consacrer à son autre grande passion : le paganisme germanique. Il a écrit plusieurs ouvrages sous le nom de plume de « Haselas ».

L’année 2004 coïncide également avec la période du procès pour racisme intenté au Vlaams Blok, durant lequel le fils de Wim, Robrecht (Rob pour les intimes), était l’un des avocats du parti. Ce dernier n’a néanmoins pu empêcher la condamnation du VB, ensuite rebaptisé Vlaams Belang.

Rob « la Castagne »

Rob Verreycken – surnommé Rob Klop (Rob « la Castagne »), trainait déjà à l’époque la réputation d’homme irascible. Avant les élections législatives de 1991, qui sont celles de la grande percée du Vlaams Blok à Anvers, Rob, alors âgé de 21 ans, a défrayé la chronique après avoir frappé Kris Merckx, leader du parti d’extrême-gauche PVDA, pour la simple raison que ce dernier était en campagne sur le Meir, célèbre artère anversoise. Il a écopé d’une amende de 9000 francs – soit 225 euros.

En 2001, il est encore cité à comparaître dans le cadre de plusieurs affaires de coups et blessures à l’encontre de militants de gauche. S’il a été blanchi cette année-là, il n’a fallu attendre que les élections de 2004 pour qu’il refasse parler de lui. À nouveau pour des coups qui se sont perdus. Cette fois, la victime était sa femme, avec qui il était empêtré dans un divorce compliqué. Deux ans après, il a rendu son tablier de député flamand. De son propre chef, aime-t-il à le souligner. Ce qui ne l’a pas empêché d’encore faire couler de l’encre en piétinant un drapeau de la N-VA après avoir aperçu des militants nationalistes jeter des prospectus du Vlaams Belang à la poubelle. Depuis lors, il est actif au Parlement européen en qualité de conseiller.

D’après les spécialistes, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’idéologie extrémiste soit inculquée dès le biberon au sein de la dynastie Verreycken. Pour le politologue Carl Devos, cela tombe sous le sens. « Pour autant, cette réalité n’est pas exclusive à l’extrême droite. Elle prévaut dans chaque famille politique. Citons notamment les clans De Croo, Wathelet, Van den Bossche ou encore Tobback. Les convictions politiques se transmettent de génération en génération. Ce mécanisme – la socialisation politique – remonte à l’origine même de la politique. »

Mentalité de bunker

Dans le cas des Verreycken vient s’ajouter un autre élément, affirme le politologue Nicolas Bouteca. « Tout comme dans les familles d’extrême-gauche, une mentalité de bunker règne chez les Verreycken. Leur idéologie rencontre une forte opposition. C’est pourquoi ils se calfeutrent dans leur antre et défendent leurs positions becs et ongles. »

« Ils suivent leur propre logique », poursuit Bouteca. « La N-VA condamne maintenant la collaboration durant la Seconde Guerre mondiale. Dans les rangs du Vlaams Belang, je n’ai encore rien entendu de similaire. Les membres du parti persistent à penser que cette attitude était légitime dans le contexte de l’époque, en sachant que le peuple flamand a été rabaissé tant de temps par les francophones. Cette attitude était même compréhensible, selon eux. Au même titre que les idées politiques des occupants, avec qui les collabos s’acoquinaient. Sans doute reconnaîtront-ils que le régime nazi a poussé ses convictions à l’extrême mais, selon cette logique, il se peut en effet qu’ils considèrent un bras droit tendu au fort de Breendonk comme une plaisanterie. De même qu’un attentat à la bombe peut relever de l’erreur de jeunesse.

 

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