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Pourquoi avons-nous si peur de l’enseignement multilingue ?
13·09·17

Pourquoi avons-nous si peur de l’enseignement multilingue ?

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) Pixabay

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Helena Van Driessche, directrice de l’Athénée multilingue de Woluwé-Saint-Pierre, chérit le melting-pot culturel bruxellois. À ce titre, elle entend se débarrasser des structures d’enseignement archaïques. “L’avenir est à l’enseignement multilingue. Le conflit linguistique n’est-il pas derrière nous ?”

Vendredi 1er septembre. La sonnerie retentit. Helena Van Driessche (54 ans), directrice, traverse la cour de récréation et tient un bref discours de bienvenue pour les élèves du troisième degré.

Plus tard dans la journée, elle saluera quelques élèves venus lui rendre visite. Elle connait leur prénom et leur orientation scolaire. “L’école compte 200 élèves. Je les connais tous personnellement : j’y mets un point d’honneur”, souligne la directrice.

Sur son bureau, un livre dont la couverture laisse entrevoir des calligraphies chinoises est posé à côté d’un panda en peluche. “Un cadeau de Chine. Il y a deux ans, je m’y suis rendue avec des responsables de la Région de Bruxelles-Capitale afin de préparer un échange. Cette année, nous y sommes retournés avec la classe de chinois pour rendre visite à une école secondaire dans la province du Sichuan. Une expérience formidable pour les élèves.”

Le multilinguisme contre le décrochage

L’Athénée multilingue de Woluwé-Saint-Pierre est la seule école bruxelloise à proposer le chinois comme langue d’étude, en plus de l’allemand et de l’espagnol. Mais son caractère multilingue réside avant tout dans ses leçons en immersion. “Les cours de géographie sont par exemple dispensés en français de la première à la rhéto et, dans le troisième degré à orientation scientifique, les cours de chimie et d’informatique sont donnés en anglais.”

L’école offre un enseignement secondaire général et comporte une faune typiquement bruxelloise, composée essentiellement d’enfants francophones ou allophones. Les néerlandophones sont peu nombreux. “L’enseignement multilingue, c’est l’avenir, ne fût-ce que pour combattre le décrochage scolaire”, avance H. Van Driessche.

“De nombreux enfants lâchent prise parce qu’ils ne maitrisent pas le néerlandais, mais j’ai du mal à croire que ces élèves souffrent tous d’un déficit cognitif. Si nous faisons de la place à d’autres langues, la chance de voir ces élèves se maintenir à flot est plus grande. Au sein des classes pour allophones, nous faisons en sorte de ne pas systématiquement envoyer les élèves vers la filière professionnelle, malgré leurs difficultés linguistiques.”

Des contes dès le plus jeune âge

Selon la directrice, il convient de respecter la langue que l’enfant pratique à domicile dès la maternelle. “Un enfant qui ne maitrise pas bien sa langue maternelle part avec un handicap ; des études l’attestent. Dès lors, je tiens à impliquer davantage les parents en les invitant, par exemple, à raconter des histoires. Ainsi, les enfants peuvent mieux comprendre leur propre langue et se reconnaître au sein de leur culture.”

“En parallèle, nous souhaitons insister, après le cap des premières années, sur le caractère indispensable du néerlandais, du français et de l’anglais dans notre société. Certes, chaque élève ne devra pas nécessairement travailler à l’étranger par la suite. Or, il revient à l’école de rendre cette éventualité possible.”

Les problèmes financiers ne justifient pas l’exclusion

L’établissement woluwéen ne constitue pas la première expérience bruxelloise vécue par Helena Van Driessche. Elle a débuté sa carrière en tant que professeure de français à l’Institut Anneessens-Funck, où elle a ensuite atteint la fonction de directrice. “Je ne dirais pas que c’était plus difficile. Disons que c’était différent. Les problèmes de comportement des élèves entraient bien plus en ligne de compte. Le soutien apporté aux enseignants, par le biais d’éducateurs par exemple, devrait être renforcé.

“Ici, comme dirait Saint-Nicolas, nous avons des enfants sages (rires). Il y a bien de temps à autre un élève qui fait preuve d’un comportement difficile, mais nous tentons de mettre le doigt sur la cause et de prendre le problème à bras le corps.”

L’école est bien équilibrée, tant sur le plan ethnique que socioéconomique. Tout le monde ne vit pas une situation facile à la maison. “Il n’empêche qu’un enfant ne peut pas être exclu parce qu’il n’est pas en mesure de payer une excursion. Dans ce cas de figure, l’école compense.”

Des enseignants investis d’une mission

Les enseignants qui peinent à faire face à cette diversité en classe abandonnent également à Woluwé. “En revanche, je reçois souvent des candidats qui m’affirment : ‘Je veux absolument enseigner à Bruxelles. Je tiens à relever ce défi et à aider à tirer ces élèves vers le haut’”. Soudain, sa voix s’adoucit : “C’est fantastique”.

Les directeurs d’école n’échappent pas non plus au stress et au décrochage. Pour autant, Mme Van Driessche estime qu’il s’agit d’un métier aux multiples facettes. “Ma plus grande frustration, ce sont les structures auxquelles un directeur d’établissement se heurte systématiquement. Impossible, par exemple, de remplacer les enseignants qui s’y prennent mal car le problème des nominations fixes vient se poser.”

“Le conflit linguistique est derrière nous, n’est-ce pas ?”

“Je pense que nous devons cesser de nous accrocher coûte que coûte aux structures du dix-neuvième siècle.” Un point souligné à plusieurs reprises par la directrice au cours de l’entretien. “Pourquoi avons-nous si peur des autres langues que le néerlandais ? Le conflit linguistique est derrière nous, n’est-ce pas ? De même, pourquoi catégoriser les écoles sur base de la religion ? Il s’agit là de cadres de pensée issus du passé.”

“Nous devons à présent nous tourner vers l’avenir. Ce qui importe pour nos enfants dans les années à venir ? La réponse, à mes yeux, est l’enseignement multilingue. Qu’on leur apprenne l’ouverture. Qu’on leur apprenne à communiquer avec le monde entier, maintenant que c’est enfin possible. Misons sur la flexibilité, car les métiers qu’ils seront amenés à exercer n’existent probablement pas encore.”

Confucius

“Bruxelles est une ville géniale pour y travailler. Les défis à relever sont de taille, mais on reçoit autant en retour si on parvient à aider ces enfants.”

Après 30 ans de terrain, Helena Van Driessche se montre toujours aussi passionnée. “Et je continue sans cesse d’apprendre. Lors de notre voyage en Chine, j’ai été marquée par la culture et les traditions locales. À présent, j’aimerais me pencher sur la pensée confucéenne.

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