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À Anvers, les citoyens se partagent un budget d’un million d’euros
02·05·18

À Anvers, les citoyens se partagent un budget d’un million d’euros

Dans les années 1980, la commune d’Anvers a fusionné avec d’autres communes avoisinantes, ce qui a donné lieu à 9 districts au sein de la ville d’Anvers. Chaque district s’est vu attribuer au fur et à mesure des années davantage de compétences. Elle gère actuellement les compétences suivantes : les rues locales, la politique de jeunesse, le sport, l’aide au seniors, les festivités et la communication. Les projets financés dans le cadre du « budget citoyen » doivent correspondre à celles-ci.

Temps de lecture : 4 minutes
Aubry Touriel
Auteur

C’est la cinquième année que le district d’Anvers organise le « burgerbegroting ». Les Anversois peuvent ainsi décider d’allouer 1,1 million d’euros à des initiatives citoyennes. Cap sur une initiative unique en Belgique…

Jardins communautaires, parkings vélo, projets interculturels… La liste des projets soutenus dans le cadre du « budget citoyen » des années précédentes est longue.

Lancée il y a cinq ans sous la houlette de l’ex-échevin de district Willem-Frederic Schiltz (Open Vld), cette initiative est un exemple de démocratie participative unique en son genre. Dans le district d’Anvers qui compte environ 200 000 habitants, les habitants sont invités à se réunir pour décider de l’attribution de 1,1 million d’euros.

« Les citoyens décident de A à Z comment allouer 10 % du budget du district. À aucun moment, nous n’intervenons. Nous rassemblons les personnes dans la vie réelle et non sur Internet. Cela demande beaucoup de travail, mais apporte une grande satisfaction« , témoigne David Michiels, fonctionnaire en charge de l’organisation du Burgerbegroting.

Comment ça marche ?

Ce rassemblement citoyen se déroule en trois étapes. La première a eu lieu au mois de mars à 7 endroits différents pour être au plus près des populations du quartier. Répartis en table de 8 personnes maximum, les participants doivent s’accorder pour retenir les 12 thèmes les plus importants parmi une liste qui en compte 95. Le compromis est le mot clé : toutes les personnes autour de la table doivent se mettre d’accord de manière unanime.

Après des discussions d’environ 1 heure et demie, les participants votent. Parmi les 12 thèmes adoptés cette année, figurent notamment l’art dans l’espace public, le vert en rue, plus de contacts sociaux, le recrutement et soutien de volontaires…

Les 26 et 28 avril, la deuxième phase s’est déroulée : le « forum du district ». Cette année, environ 140 personnes ont répondu à l’appel. Ici, même configuration : on retrouve maximum 8 personnes autour de chaque table et le compromis est la règle d’or. Le but étant de répartir 1,1 million d’euros entre les différents thèmes.

Chaque participant a sa propre pile de jetons et peut miser le montant qu’il souhaite sur ses thèmes de prédilection. On se croirait au poker. « All-in« , plaisante Chrenx, 23 ans, actif dans une maison des jeunes à Linkeroever. La première tournée commence et chacun dépose la totalité de ses jetons. Dans le même temps, une discussion s’engage et chacun argumente en essayant de convaincre les autres de l’intérêt de son choix. Condition importante pour valider les votes : il faut qu’au minimum 4 personnes misent sur le même sujet, ce qui pousse les participants à argumenter.

À la fin de la soirée, les résultats sont connus. Lors de cette édition, les trois premiers thèmes sont  l’accompagnement des devoirs (173.544 euros), le soutien aux activités sociales en faveur de la jeunesse (164.644 euros) et l’aménagement des rues plus accessibles aux vélos (114.805 euros).

Maintenant, les citoyens du district d’Anvers ont jusqu’au 30 juin pour déposer un projet qui entre dans le cadre d’un des douze thèmes subventionnés. Après cette date, l’administration vérifiera si les projets respectent les critères. Finalement, le 21 octobre, il y aura le festival du budget citoyen où tous les citoyens inscrits pourront établir un classement des différents projets par thème, ce qui mènera à l’attribution des projets financés.

Subventions à la portée de tous

En 2017, 80 projets ont pu ainsi être subventionnés. Parmi ceux-ci, Circus K ! de l’asbl Kauwenberg, un centre de lutte contre la pauvreté. Sa coordinatrice, Ria Johnson, explique : « Sans avoir remporté ce financement, nous n’aurions pas pu organiser deux journées de cirque pour les enfants, cela a une vraie valeur ajoutée. »

Contrairement aux appels d’offre classiques pour obtenir des budgets des autorités publiques, le descriptif d’un projet peut être assez réduit. « Ici, pas besoin de rédiger des dizaines de pages afin d’obtenir les financements pour un projet. Il est ainsi plus facile pour le citoyen de proposer une initiative« , indique David Michiels.

Chaque année, de plus en plus de projets sont déposés. Entre 2016 et 2017, leur nombre est passé de 200 à 250. Alors que certaines organisations de la société civile sont confrontées à une réduction des subventions publiques, elles peuvent de cette manière essayer de trouver des moyens d’obtenir d’autres revenus par l’intermédiaire du budget citoyen.

Parmi le public présent, on constate par exemple que des membres de certaines asbl sont venus à plusieurs pour faire pencher la balance de leur côté. David Michiels n’y voit pas d’inconvénient : « C’est la démocratie. C’est un peu comme lors des élections : si tu peux récolter de nombreuses voix et convaincre les gens, c’est un signe que tu as un bon projet. »

Apprentissage social

Thibaut Renson, chercheur à l’Université de Gand, a analysé l’impact sur l’ »apprentissage social » de ce budget citoyen anversois. Ce qu’il entend par apprentissage social, c’est apprendre à comprendre les points de vue et le vécu des autres.

Pour réaliser cette étude publiée en février, le chercheur se base sur des enquêtes complétées par environ 40 % des participants lors des deux premières étapes du burgerbegroting de 2017. Il en ressort que ce « burgerbegroting » permet aux citoyens d’apprendre à argumenter leurs propres idées et à mieux comprendre les autres et leurs arguments.

Un bémol, cependant : les hommes et les personnes qui ont un diplôme supérieur développent davantage cette capacité d’apprentissage social que les femmes et les personnes qui ont un parcours scolaire plus modeste. Il se demande donc si le débat délibératif classique est le meilleur format afin d’impliquer tous les types du public.

David Michiels reste néanmoins convaincu de la plus-value de cette initiative : « Rapprocher les gens : c’est la valeur ajoutée de cette initiative. Les citoyens se réunissent et discutent avec des gens avec qui ils ne parlent généralement jamais. Ils se créent des amis, apprennent à connaître d’autres points de vue. Les gens se comprennent mieux. »

Beaucoup d’intérêt aux Pays-Bas

Et le modèle inspire au-delà des frontières. De nombreux Néerlandais viennent régulièrement pour observer la méthodique utilisée. Ils viennent voir quels sont les étapes mise en place pour distribuer l’argent. Quelques villes néerlandaises ont même commencé des projets inspirés du modèle anversois.

En Belgique, l’intérêt est beaucoup moins grand. David Michiels estime que les Belges pensent trop vite au niveau politique : « Ils se demandentQui a inventé le projet ? Lui ou elle ? Ah non, ça ne peut pas être bien.’ Les Néerlandais, eux, sont plus pragmatiques : ils se demandent : ‘Est-ce que ça fonctionne ? Si oui, alors on va le faire’. C’est aussi simple que ça. »

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