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09·09·15

Silence radio sur le front communautaire

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

Photo Dr Les Sachs

Ludovic Pierard
Traducteur⸱trice Ludovic Pierard

Tous nos problèmes se sont-ils envolés suite à un accord au niveau fédéral ? Existe-t-il encore des tensions communautaires en Belgique ? Qui en entend encore parler ?

Lors des négociations menées pour la formation du gouvernement, la N-VA a accepté de ne pas parler de communautaire pendant cinq ans. Mais cette décision signifie-t-elle qu’il n’y a plus le moindre problème ? La paix règne-t-elle dans le petit royaume ?

Kyoto

La semaine passée, plusieurs quotidiens du groupe Mediahuis annonçaient le gel des accords conclus sur la répartition de la réduction des émissions de CO2, les efforts en matière de développement des énergies renouvelables et, bien entendu, le partage du bénéfice des « droits d’émission » (à savoir les permis que les entreprises doivent acheter pour pouvoir émettre du CO2). Conséquence de ce différend politique, une somme de 247 millions d’euros, déjà payée pour ces droits, est actuellement bloquée à la Banque nationale. Aucun de nos gouvernements ne peut donc utiliser cet argent, qui était destiné à financer une politique climatique (De Standaard 24 août 2015).

Quel est le problème ? Eh bien, on pourrait le qualifier de typiquement belge : chaque gouvernement estime avoir (davantage) droit à l’argent que l’autre. Le gouvernement fédéral en réclame une partie pour mener une politique en faveur des parcs éoliens en mer. De son côté, le gouvernement flamand estime que seules les Régions sont compétentes, et ont donc droit à cet argent. Enfin, le gouvernement wallon exige de recevoir autant que son homologue flamand (De Standaard 24 août 2015). Cette impasse a également pour conséquence d’empêcher la Belgique de respecter des accords conclus antérieurement et de faire capoter toute notre politique climatique.

Service obligatoire à la collectivité

L’accord du gouvernement fédéral prévoit de mettre en œuvre un service obligatoire à la collectivité pour les chômeurs de longue durée. Le problème est que le gouvernement fédéral n’est pas compétent pour organiser cette matière, qui dépend des Régions. En sa qualité de ministre fédéral de l’Emploi, Kris Peeters (CD&V) a écrit aux entités fédérées pour leur demander de lui transmettre leurs propositions ; après quoi, il adaptera la législation du travail le cas échéant. Une méthode extrêmement efficace. Mais à ce jour, Kris Peeters n’a pas encore reçu la moindre réponse. À Bruxelles et en Wallonie, son service obligatoire à la collectivité ne suscite pas vraiment l’enthousiasme, tandis que le ministre flamand de l’Emploi, Philippe Muyters (N-VA), a souligné dans la presse que la politique d’activation de la Flandre fonctionne bien, et qu’elle n’a donc pas besoin d’une belle-mère fédérale. Il est probable que cet élément de l’accord du gouvernement fédéral se perde dans le labyrinthe institutionnel belge, avant de finir à terme aux oubliettes.

Juristes

Nous avons déjà écrit auparavant que chaque cabinet dispose de juristes, dont la tâche est de retrouver dans le dédale institutionnel belge les compétences précises qu’il exerce. De temps à autre, les débats du Parlement nous donnent un aperçu de cet enchevêtrement. Tel fut le cas après une question de Barbara Pas (Vlaams Belang) posée à la ministre de la Mobilité, Jacqueline Galant (MR), à propos des « zones grises » que la sixième réforme de l’État a créées dans la législation, une réalité que la ministre elle-même avait reconnue dans un autre débat à la Chambre.

Dans sa réponse, la Ministre a confirmé que des questions se posent parfois quant à l’interprétation de la « loi spéciale ». « On peut prendre comme exemple la régionalisation du transport de marchandises dangereuses par route (ADR) et par voie fluviale (ADN). » La législation relative à l’ADN et l’ADR a souvent des répercussions sur le transport de marchandises dangereuses par voie ferrée, par air et sur mer, des compétences qui relèvent encore du fédéral. La ministre a déclaré devant la commission parlementaire que : « Ces aspects technico-juridiques sont propres à la répartition complexe des compétences dans le domaine de la mobilité, liée à la sixième réforme de l’État. » Comment résoudre ce problème ? « Chacune des compétences transférées fait encore l’objet de négociations à intervalles très régulier, et d’éventuelles imprécisions sont débattues en vue de rechercher des solutions. » Hum. D’accord… Efficacité garantie.

Assurance maladie

En Flandre, une assurance maladie obligatoire existe depuis déjà dix ans. Selon Brussel Deze Week (27 août 2015), quelque 50 000 Bruxellois (qui ne sont certainement pas tous Flamands, voire même néerlandophones) paient fidèlement leur prime annuelle à l’assurance maladie flamande. À Bruxelles, le citoyen peut en effet choisir librement de s’y affilier ou non.

La Flandre souhaite utiliser cette assurance maladie comme base pour créer une sorte de sécurité sociale flamande. Mais pour que les Bruxellois flamands ou les Flamands bruxellois (il semble en effet exister une différence) puissent également en profiter, il faudra d’abord se frayer un chemin à travers le labyrinthe institutionnel, rendu encore un peu plus compliqué par… la sixième réforme de l’État : l’« allocation d’aide aux personnes âgées » devient une compétence communautaire, mais à Bruxelles, celle-ci ne sera pas exercée par la Flandre ou la Communauté française, mais bien pas la Commission communautaire commune (COCOC).

Cependant, le gouvernement bruxellois prévoit désormais lui aussi de lancer une assurance maladie obligatoire pour tous les Bruxellois, une décision que la Wallonie avait par ailleurs déjà prise, par pur hasard, bien entendu. Et quand on pense à Wallo-Brux et à l’accord de la Sainte Emilie (conclu entre les Francophones en vue de calquer au maximum la politique de la COCOC sur celle de la Région wallonne et de la Communauté française), on se doute que c’est bien ainsi qu’elles seront organisées. Qu’en sera-t-il alors des Bruxellois qui paient fidèlement leur assurance maladie flamande depuis des années ? Vous pouvez nous croire sur parole, il sera difficile d’éviter le sujet.

Mais encore ?

Et nous ne parlerons pas ici de l’histoire sans fin des bourgmestres non nommés de la périphérie, du BMR (ndlr: Brussel Metropolitan Regio), du stade national sur le parking C, du respect des lois linguistiques à Bruxelles, du financement de l’école flamande à Comines, des transferts (sécurité sociale, loi spéciale de financement, dette de l’État et budget), du contingentement des médecins (francophones) et de tout ce que nous oublions sans doute de mentionner.

Mais pour le reste, tout va bien, et il est vrai qu’il a été convenu qu’il n’y aurait pas de problèmes communautaires dans les cinq prochaines années. Reste à savoir qui y gagne. Est-ce une manœuvre perverse visant à sauver la Belgique, ou s’agit-il d’une stratégie de pourrissement, véritable dommage collatéral d’une tentative de sauvetage ?

À suivre.

L’article de Pieter Bauwens en V.O. sur le site du Doorbraak

Traduit du néerlandais par Ludovic Pierard

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