À chaque occasion son nouveau débat sur l’identité. Le motif, cette fois : une note sur les langues de l’Enseignement communautaire. Elle invite à une plus grande souplesse à l’égard du multilinguisme, que ce soit en classe ou dans la cour de récréation. Il faut cesser d’interdire aux allophones de parler leur langue maternelle. Mieux encore : les enfants doivent pouvoir l’utiliser, par exemple lors des travaux de groupe en classe.
La note en question repose sur des bases scientifiques rigoureuses. Comme le montrent nombre d’études, la langue maternelle est un pilier fondamental de l’acquisition de la langue parlée à l’école. On comprend dès lors que dénigrer la langue parlée à la maison n’est pas bénéfique pour l’estime qu’ont les élèves d’eux-mêmes. Sans compter que plus généralement, il est totalement insensé de vouloir interdire de parler une langue.
Tout cela est entièrement vrai. Mais la note suscite également un certain scepticisme. Tout d’abord, elle s’inscrit en faux contre la politique menée depuis des années par la Commission communautaire flamande, qui s’emploie justement à maintenir au maximum les élèves allophones dans un environnement néerlandophone. Quarante ans de politique éducative à Bruxelles ont montré que si le néerlandais reste cantonné à l’école, mais abandonné à la maison et dans la rue, il ne deviendra jamais une langue parlée à part entière. D’où l’idée de l’école élargie et des activités périscolaires associées au parcours de formation.
L’immersion reste la meilleure manière d’apprendre une langue. C’est un fait difficilement contestable, mais qui ne doit pas pour autant conduire à délaisser l’autre langue.
Cette nouvelle politique met les enfants dans des cases. C’est déjà le cas avec les cours de religion. On est musulman ou chrétien avant même de savoir écrire convenablement. En insistant sur l’identité linguistique, on court le risque de favoriser le communautarisme encore davantage. Et il y a lieu de se demander si cela sert réellement notre société, fondée sur la citoyenneté. La langue maternelle peut contribuer à l’émancipation, mais également renforcer la ségrégation.En fin de compte, une politique multilingue ne peut fonctionner qu’au sein d’un carcan pédagogique bien réfléchi. Le comble, c’est que les néerlandophones de Bruxelles possèdent une très vaste expérience en la matière. La ville a même fait figure de pionnière, notamment avec le projet d’enseignement biculturel de l’ASBL Foyer. La langue maternelle des élèves (l’espagnol, le turc et l’italien) était entretenue, mais à mesure qu’ils grandissaient, le néerlandais occupait une place de plus en plus importante dans le programme scolaire. À l’époque, des études ont montré que cette approche permettait d’obtenir d’excellents résultats scolaires.
Simplement, le gouvernement flamand n’a rien voulu entendre et a mis fin aux subventions en 2011.
La note sur les langues rouvre le débat sur l’enseignement multilingue. Reste à mettre sur pied un cadre pédagogique approprié. Car un abandon pur et simple n’est certainement pas la solution qui permettra à de nombreux enfants de l’enseignement néerlandophone de Bruxelles de combler leurs importantes lacunes linguistiques.