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Sarah Schlitz : « Arrêtez de croire que le flamand ne sert à rien »
15·10·21

Sarah Schlitz : « Arrêtez de croire que le flamand ne sert à rien »

L’avant-veille de son départ en vacances, Sarah Schlitz, secrétaire d’Etat à l’égalité des genres, nous accueille dans son bureau en compagnie de son porte-parole Oliviero. L’ambiance est très détendue et marque la fin d’une séquence extrêmement agitée pour la principale intéressée, avec la nomination et la démission d’Ihsane Haouach.

Derrière nous, devant le mur, trône fièrement un panneau flip chart avec des phrases en néerlandais. « Pour accueillir DaarDaar ?» lui demandons-nous immédiatement. « Nenni hein, ça vient de mon dernier cours de néerlandais », nous répond-elle. Au cours de cette interview, nous aurons l’occasion de creuser plus amplement les liens qui unissent la secrétaire d’Etat à nos compatriotes du nord du pays, de parler notamment de BV, d’égalité de genres, de mobilité, des sujets qui clairement la passionnent. 

Temps de lecture : 6 minutes Crédit photo :

©Adrienne Popovic, 2021

La première partie de cette interview est à découvrir sur notre site DaarDaar.be.

Jonathan Moskovic : Il y a quelques années, il était question de traduire les journaux télévisés francophones avec des sous-titres en néerlandais, et inversement. Le projet est tombé aux oubliettes. Est-ce que ce genre d’initiative pourrait constituer une solution pour savoir ce qu’il se passe de l’autre côté de la frontière linguistique ?

Sarah Schlitz : Oui, à mon sens ! En tout cas, au cabinet, nous sommes abonnés à beaucoup de journaux néerlandophones et francophones, et je trouve qu’il serait fort utile que d’autres acteurs que DaarDaar se saisissent de ce type de journalisme. Le fait, par exemple, de pouvoir traduire chaque jour un article d’un journal frère, dans un sens comme dans l’autre, cela permettrait de directement créer un lien. Et puis aussi, je pense qu’il serait bénéfique de promouvoir des échanges scolaires entre classes néerlandophones et francophones. Voilà, je pense qu’il y a énormément de choses que l’on peut mettre en place ! Et c’est aussi en lien avec la participation citoyenne, je crois que les deux peuvent s’imbriquer. À ce titre, Bruxelles peut être un laboratoire intéressant, puisque c’est une ville bilingue, mais on peut aussi le faire à l’échelle du pays.

J.M. Et si on laisse un peu de côté les divisions, et qu’on se concentre plus sur ce qui nous unit, quel serait le fil rouge, le dénominateur commun de tous les Belges ?

S. Schlitz : Je pense qu’il y a plein de sortes de Belges. Personnellement, je me sens parfois beaucoup plus proche de certains Flamands que de certains Wallons, et c’est normal. Pour répondre à la question de savoir ce qu’on partage, j’aurais tendance à citer les festivals, mais ça reste du même ordre que la bière et le chocolat. Il n’empêche que mon premier festival, c’était Pukkelpop quand j’avais 15 ans. Des supers souvenirs ! Quand le Covid sera derrière nous, j’espère qu’on pourra y retourner aussi. De plus, je crois qu’on est quand même un pays de bons vivants, qui déborde de convivialité, on le voit d’ailleurs actuellement avec les inondations et les élans de solidarité et de générosité qui en découlent. Je crois que c’est vraiment quelque chose qui nous rassemble et qui nous ressemble.

J.M. Qu’en est-il de votre popularité au nord du pays ? Etes-vous fort sollicitée par les médias néerlandophones ? Et quelle image renvoyez-vous ?

S. Schlitz : J’essaye vraiment de communiquer dans les deux langues. L’ensemble des mes communications sont bilingues. Les communiqués de presse et les publications sur les réseaux sociaux sont quasiment tous traduits. Globalement, je fais attention à ne pas communiquer, par exemple, uniquement sur Liège, mais justement de bien tenir des propos et d’émettre des propositions qui concernent tout le monde. Et au niveau des acteurs de terrain, issus de la société civile, qui travaillent dans mes domaines, j’ai rencontré beaucoup d’associations néerlandophones, et pas uniquement des francophones. Au contraire : on travaille par exemple avec le Vrouwenraad (Conseil des Femmes néerlandophone, ndrl), et d’autres organisations, ce qui est à mes yeux vraiment important pour tisser des liens. Quant à mon image, je ne sais pas ce qu’a pu susciter l’affaire Haouach. Je pense qu’on en a quand même un peu moins parlé du côté flamand que du côté francophone. En tout cas, mon envie à moi, c’est de pouvoir également exister du côté flamand.

J.M. Cela me fait penser aux propos que nous avons recueillis il y a quelques jours auprès de Mathieu Michel. Celui-ci nous a confié qu’il avait fort souffert, au début, des critiques portant sur son niveau de néerlandais. Est-ce que cela a été votre cas également Que retirez-vous de cette affaire ?

S. Schlitz : Oui, j’ai été dans le même cas. Je regrette que ce soit fort monté en épingle au départ, même si les attaques provenaient du Vlaams Belang et de la NV-A. Je peux comprendre la frustration. Maintenant, le but n’était pas du tout de ne pas tenir compte des Flamands, raison pour laquelle j’ai fait une vidéo en flamand par la suite, pour expliquer que c’était une erreur d’avoir communiqué uniquement en français, en m’appuyant sur le fait qu’il y a des traducteurs à la Chambre et que j’allais faire des efforts pour m’améliorer à ce niveau-là. Pour moi, ça reste important de continuer à apprendre le néerlandais et de pouvoir dialoguer avec les Flamands. En tout cas je trouvais ça dommage d’être fort caricaturée dans ce personnage francophone qui s’en fout, alors que justement, dès mon arrivée à la chambre, j’ai directement commencé à prendre des cours pendant deux ans.Et avec Ecolo-Groen, on a toujours travaillé ensemble de façon bilingue.

C’était donc un peu dur, en fait, de ne pas pouvoir dire que justement « Je connais déjà pas mal de choses sur vous, et nous partageons des idées ! ». C’était donc un peu dommage, mais bon, il y a parfois des journalistes qui aiment monter un peu ces éclats en épingle, or je crois que ça n’aide pas car ça montre encore une fois une mauvaise image des francophones du côté néerlandophone et rompt un peu le dialogue. Ce que je veux, au fond, c’est de pouvoir rétablir la confiance et je crois qu’on a bien travaillé en ce sens. Les critiques sont venues principalement de gens qui ont également des places dans les rédacs flamandes, des Gerlache par exemple.

J.M. Ne serait-ce pas justement lié au contexte historique ? Avant la scission des partis, de fait, les gens qui entraient dans la vie politique active étaient en contact avec leur parti national. Peut-être le fait de rassembler aujourd’hui les jeunesses écologistes dans les mêmes locaux va-t-il faire renaître ce réflexe bilingue en début de carrière politique ?

S. Schlitz : Oui, je l’espère ! Et à chaque jeune qui veut commencer sa carrière politique et que j’accueille en stage, je dis : “Et n’oubliez pas le flamand, hein ! Arrêtez de croire que le flamand ne sert à rien ». Non, vraiment, c’est très important.

J.M. Si on se re-projette sur la Flandre, quel regard pouvez-vous porter sur la vie médiatique et culturelle de la région ? Avez-vous l’occasion de suivre ce qu’il s’y passe en termes de littérature, de théâtre, de série, de films, … ?

S. Schlitz : Oui ! Par exemple, la dernière série que j’ai regardée, c’est Brak. Cela se passe en Flandre et on retrouve Charlie de Wulf, qui est l’une des réalisatrices. La série parle d’une bande de filles d’à peu près mon âge (30-35) qui vivent des aventures, sortent, etc. On suit un peu leur vie quotidienne, et elles sont assez marrantes. C’est plutôt chouette ! C’est le genre de série qui rappelle qu’on se ressemble quand même vraiment fort.

J.M. Depuis plusieurs années, on caresse l’idée de passer à un projet miroir. Après DaarDaar, qui qui traduit le meilleur de la presse flamande en français, on aimerait créer LàLà, soit la traduction de DaarDaar, qui traduirait le meilleur de la presse francophone en néerlandais. Imaginons que dans le premier numéro, vous puissiez transmettre un message au lectorat flamand pour vous faire connaître du grand public. Quel serait-il ?

S. Schlitz (Rires) : Je leur dirais : ik ben ook jullie staatsecretaris, hé! Elke dag werk ik voor jullie voor gelijke kansen en rechten, en het is zeer belangrijk voor mij dat mijn beleid iedereen in België raakt.

* Je suis aussi votre secrétaire d’État, je travaille pour vous tous les jours pour l’égalité des chances et des droits, et il est très important pour moi que ma politique atteigne tout le monde en Belgique.

J.M. Passons à l’objet qui vous relie à la Flandre. Quel est-il, et pourquoi l’avoir amené ?

S. Schlitz (Sarah Schlitz va chercher un vélo dans le couloir): Le vélo symbolise à merveille la Flandre. Et c’est vraiment marrant, parce que quand je dis ça à mes collègues flamands, ils rétorquent : « Mais non ! Ça, c’est la Hollande. Nous, on râle tout le temps sur le fait que les infrastructures sont moins bonnes en Flandre, et qu’ils ont de bien meilleures pistes cyclables aux Pays-Bas ». J’ai quand même maintenu mon objet, je suis une grande fan de vélo et j’aime vraiment bien aller dans des villes comme Gand et Anvers. Quel plaisir de rouler sur de vraies belles pistes cyclables ! Arriver à la gare à Leuven et voir tous ces vélos, c’est juste le paradis.

Alors que je me bats pour ça à Liège. J’y ai été conseillère communale pendant 7 ans, et j’étais madame vélo. Nous avons fortement relancé les masses critiques (NDLR : manifestation de cyclistes qui occupent l’espace public pour revendiquer plus d’espace pour les vélos dans la ville) à Liège. A l’époque, il y avait entre 20 et 40 personnes. Une fois, la police nous a pris en chasse d’une façon très violente, en nous faisant des queues de poisson et en essayant de nous arrêter comme si nous étions de grands bandits en fuite. Ils ont carrément plaqué un gars au sol. La scène a été filmée et a véritablement déchaîné les passions. Lors du rassemblement suivant, il y avait 500 vélos, c’était la folie. C’était avant l’épidémie. Depuis lors, les masses critiques fonctionnent très bien. Mais au niveau politique, ça reste lent et fastidieux, avec des solutions chèvres-choutistes. C’est assez compliqué. La Flandre jouit donc d’une mobilité beaucoup plus apaisée.

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