Incroyable mais vrai : en matière de bonne gouvernance, la Wallonie prend toute une série de mesures dont nous, Flamands, n’osons même pas rêver.
L’avant-projet de loi élaboré ce 5 décembre par la ministre wallonne des pouvoirs locaux, Valérie De Bue (MR), constitue un premier pas vers l’inéluctable suppression des provinces. Il s’agit d’un fait politique fort pour la Wallonie, où les provinces ont encore plus d’importance et de pouvoir qu’en Flandre.
Alors qu’en Flandre, on se noie dans des demi-réformes se contentant de plus ou moins dégraisser les exécutifs provinciaux, de l’autre côté de la frontière linguistique, on met les mains dans le cambouis des intrications institutionnelles. Plutôt que de fusionner des communes, ce que personne ne demande et quasi personne ne veut, la Flandre serait bien inspirée de réformer en profondeur un niveau de pouvoir réellement superflu. Les provinces, qui datent de l’époque de Napoléon, n’ont plus aucun sens politique aujourd’hui. La seule raison pour laquelle la Flandre ne veut pas s’attaquer à cette aberration institutionnelle, ce sont les intérêts qu’en retirent certains partis traditionnels, CD&V en tête.
Mais ce n’est pas tout : la Wallonie s’attaque également à la réforme et à la suppression de nombreuses intercommunales. Alors qu’en Flandre, le CD&V sue sang et eau pour conserver un maximum de postes politiques, son homologue wallon, le cdH, s’emploie à faire tout le contraire. Lorsque les membres de la LDD se plaignaient du nombre d’intercommunales, ils se faisaient traiter de populistes par les partis traditionnels. Mais maintenant que le cdH, un parti on ne peut plus traditionnel, a décidé de se retirer des conseils d’administration de l’intercommunale Publifin et de ses sociétés apparentées Publipart, Finanpart et Nethys, le silence des partis traditionnels flamands est assourdissant. Le cdH a procédé à une analyse critique de ces intercommunales et en a déduit qu’il fallait s’en retirer complètement car elles coûtent trop cher et que les choses ne bougent pas assez en termes de bonne gouvernance. Cette décision d’un parti du gouvernement wallon constitue non seulement un fait politique aussi nouveau qu’important, mais elle hypothèque aussi l’avenir de bon nombre d’intercommunales wallonnes.
En outre, la santé financière de toute une série d’administrations communales en Flandre est très mauvaise. Dans mon ouvrage Dorpstraat/Wetstraat (Doorbraak, 2016), j’avais plaidé pour un contrôle plus strict des plannings pluriannuels des pouvoirs locaux et même pour des audits obligatoires des programmes électoraux des partis en vue des scrutins communaux. La Wallonie, il y a un peu plus de quatre ans, a créé le Conseil de la Fiscalité et des Finances de Wallonie afin d’assurer le contrôle des finances des communes, mais aussi de la Région.
En Flandre, par contre, rien de la sorte. Comment s’étonner, dès lors, du nombre de villes et communes flamandes dont les comptes sont et resteront dans le rouge ? Tout entrepreneur qui, dans ce pays, désire lancer sa boîte, doit élaborer un business plan triennal. Mais la grande majorité des partis locaux, en revanche, ne sont même pas en mesure de présenter une évaluation financière de leur programme. Certains partis ont même osé présenter aux élections communales un programme électoral ne dépassant pas une page.
Alors que le gouvernement wallon empêchera les pouvoirs locaux d’entamer 2019 avec une politique financière malsaine, la Flandre permettra à de nombreux collèges communaux de se mettre au travail sans planning financier pluriannuel. En termes de bonne gouvernance, il serait temps que la Flandre jette un coup d’œil de l’autre côté du mur qui la sépare de nos voisins du sud.