Un homme a été condamné pour avoir insulté une policière lors d’une intervention. Pour la première fois donc, la fameuse loi de 2014 contre le sexisme a débouché sur une sanction.
Les partisans de la loi, imaginée par la ministre Joëlle Milquet (cdH), se réjouissent car ce jugement fera très certainement jurisprudence. Enfin, se disent-ils, on peut prouver que cette loi constitue un outil efficace dans la lutte tout à fait légitime contre le sexisme.
Pourtant, nous restons sceptiques. Avant d’expliquer pourquoi, deux remarques préliminaires. Premièrement, le sexisme est un réel fléau dans notre société, au même titre que le racisme et l’homophobie, et il faut le combattre. Deuxièmement, les gens sont de plus en plus conscients des problèmes de sexisme dans l’espace public, et tout appel à lutter contre ce fléau représente un progrès.
Mais la loi Milquet est-elle la meilleure arme face au sexisme ? En effet, cette première condamnation a suffi à dévoiler toute la faiblesse de cette loi.
Il a fallu attendre trois ans et demi pour qu’une première condamnation soit prononcée, ce qui démontre la portée relativement limitée de la loi. Les répercussions sur la société, elles, sont minimes, car la loi ne fait que corriger une attitude inadmissible. Les femmes ne se sentent pas tout à coup plus en sécurité, plus libres ou moins harcelées en rue. Le problème existe toujours. La loi ne fait que dépanner.
Dans ce cas bien concret, l’homme écope d’une sanction sévère, qui nous semble tout à fait justifiée à la lecture du verdict.
En revanche, pourquoi ne pas avoir infligé cette peine en vertu des lois sur l’outrage et l’insubordination ? La condamnation porte en effet aussi sur ces motifs-là. Le dossier, à cet égard, passe bien à côté de l’essence même du problème : le fait que les femmes se font trop souvent et trop facilement harceler en rue.
Il faut donc également se demander s’il n’existe pas de meilleure manière d’aborder la question du harcèlement. Par exemple, le juriste Jogchum Vrielink a proposé dans nos pages, il y a peu, d’utiliser des « femmes-appâts » ou des « homos-appâts » pour prendre en flagrant délit les auteurs d’actes de sexisme ou d’homophobie et pour les sanctionner d’une amende pour harcèlement. Cette alternative, extrême il est vrai, a le mérite de s’attaquer au cœur de ce fléau social. Pourquoi refuser de la mettre en pratique ?
N’est-il pas temps que le débat porte plutôt sur cette solution-là ? Que voulons-nous ? Lutter efficacement contre le harcèlement des femmes et des homosexuels, ou bien nous soulager la conscience avec une loi sans panache ?
Et bien entendu, il en va de même pour la lutte contre le racisme ou la discrimination en matière d’emploi ou de logement. Là aussi, nous ratons des occasions d’attaquer le problème avec la fermeté nécessaire.