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L’extrême gauche et l’extrême droite menacent de se renforcer électoralement
17·02·22

L’extrême gauche et l’extrême droite menacent de se renforcer électoralement

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

© Belga – Photo Nicolas Maeterlinck

Bart Brinckman
Auteur⸱e
Fabrice Claes
Traducteur Fabrice Claes

Le discours commun du PTB/PVDA et du Vlaams Belang va bien au-delà des questions liées à la pandémie et aux prix de l’énergie. Il n’en demeure pas moins que la crise énergétique peut s’avérer une véritable mine d’or d’un point de vue électoral.

Chaque semaine, à la Chambre, c’est évidence même : certaines interventions de Barbara Pas (Vlaams Belang) et de ­Raoul Hedebouw (PTB) sont interchangeables. Seul le style diffère. Tous deux critiquent résolument les mesures anti-Covid, refusent d’entendre parler du Covid Safe Ticket (CST) ou d’obligation vaccinale, même limitée au personnel soignant. Et à chaque séance, leurs discours ne manquent pas de faire bouillir de colère le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit).

Dans le débat sur l’énergie, les deux partis dansent aussi comme un couple parfait, au point qu’ils se sont accusés mutuellement de plagiat. Il faut dire que les extraits d’interventions à la Chambre diffusés lors de l’émission de débat De afspraak op vrijdag de vendredi dernier sont éloquents à cet égard. Tant Barbara Pas que Peter Mertens (PTB) ont estimé que le gaz et l’électricité devaient, au titre de biens de première nécessité, bénéficier d’une TVA de 6 %, et qu’il fallait garder les 21 % pour les biens de luxe comme « les huîtres et le champagne » (Barbara Pas) ou « le caviar et le champagne » (Peter Mertens). Ce faisant, les deux parlementaires mettent le doigt où ça fait mal : sur l’image de politiciens avides de luxe et déconnectés de la réalité.

Les deux partis extrémistes affichent également leur hostilité vis-à-vis de l’OTAN, alors que le conflit en Ukraine met face-à-face la Russie et l’Alliance atlantique. Mais s’ils partagent une certaine américanophobie, il faut reconnaître que leurs analyses divergent. De son côté, le Vlaams ­Belang considère la Russie (et l’Europe de l’Est) comme une alliée face à la montée de l’islamisme. Le PTB, lui, dénonce l’impérialisme américain et se sent plus proche des camarades communistes russes et chinois.

Dans le prolongement de cette logique, nous voyons les deux partis rejeter de concert le mondialisme, que l’extrême gauche considère comme une consécration du capitalisme et l’extrême droite comme une menace pour l’homogénéité de notre propre culture.

La liste n’est pas exhaustive. Vlaams Belang et PTB rejettent par exemple l’augmentation de l’âge de la retraite et souhaitent même l’abaisser. De même, il est hors de question, pour les deux partis, d’envisager une limitation dans le temps des allocations de chômage. Aussi, à Anvers ou à Gand, ils luttent côte à côte contre l’introduction de zones à basse émission.

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Frapper sur les gens d’en haut ou d’en bas

Par simplicité, on qualifie souvent ces partis de « populistes ». Ils s’identifient comme les représentants des gens du peuple, écrasé sous le poids d’une élite sans vergogne. Très vite, Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang, a témoigné toute sa sympathie pour « les arguments avancés par le convoi de la liberté. » Hedebouw, lui, ne cache pas son soutien pour les gilets jaunes. Tout ceci leur permet de justifier leurs réticences à prendre la responsabilité du pouvoir. En Wallonie, le PTB a toujours rejeté toute offre de participation au pouvoir, et en Flandre, le Vlaams Belang se heurte au cordon sanitaire – quand bien même Van Grieken souhaite forcer une ouverture aux niveaux communal et régional.

Ce populisme s’exprime aussi dans les solutions avancées. Hedebouw a récemment résumé la situation de manière assez lapidaire : « Nous frappons sur les gens d’en haut, sur les riches. Eux (le Vlaams Belang, ndlr), ils frappent sur les gens d’en bas, les chômeurs et les Wallons. »

Ainsi, un extrémisme retrouve l’autre dans un système de tiers payant : c’est à des coupables extérieurs de payer l’addition. Du moment que le citoyen lambda est épargné. La politique, c’est très simple lorsqu’on peut rejeter toutes les fautes sur les millionnaires, le grand capital ou les big pharma, ou lorsqu’on prétend que des milliards d’euros tomberont du ciel une fois que la Flandre sera indépendante et débarrassée des réfugiés.

C’est la même philosophie qui nourrit leur vision de la transition climatique, c’est-à-dire du plus grand défi de notre époque. L’extrême droite se simplifie la vie en prétendant que le réchauffement climatique n’existe pas, et que ce n’est qu’une lubie de l’establishment ou de la gauche. L’extrême gauche résume les solutions à une attaque contre les capitalistes et leurs entreprises polluantes. Le résultat reste le même : monsieur et madame Tout-le-Monde peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Les responsables, ce sont les autres.

Les extrêmes se touchent. Et ce n’est pas qu’une boutade : les partis extrémistes ont bien plus de points communs entre eux qu’avec les partis centristes. Les sondages démontrent que les deux formations prospèrent dans le climat délétère que nous vivons. D’après ses propres dires, le PTB souhaite siphonner les électeurs de l’extrême droite, mais les tendances extrémistes risquent bien de se renforcer mutuellement dans les urnes.

Un changement de générations

À cet égard, l’augmentation des prix de l’énergie pourrait changer la donne. Le pouvoir d’achat est sous pression, à un moment où des changements sociétaux (en matière de climat et de technologie notamment) rendent les gens indécis. Et le Vlaams Belang d’y ajouter sa sauce identitaire. La Vivaldi ne parvient pas à rétablir la confiance de l’électeur, par son incompétence autant que par son impuissance.

Cependant, comparaison n’est pas raison. Le Vlaams Belang reste un parti xénophobe, ce qui n’est pas du tout le cas du PTB, qui est à deux doigts de militer pour l’ouverture totale des frontières. À en croire le statisticien Jan Hertogen (l’oncle de Raoul Hedebouw), à terme, c’est la gauche qui en tirera un avantage électoral.

Hertogen a distillé une corrélation favorable entre les résultats du PTB lors des dernières élections et la présence de musulmans ou de personnes issues de l’immigration dans une commune. Vu l’évolution démographique – à savoir un changement de générations marqué par la mort des électeurs âgés du Vlaams Belang et l’arrivée sur le marché électoral de jeunes issus de l’immigration –le PTB/PVDA est bien parti pour progresser en 2024, du moins en Flandre.

Pourquoi l’extrême droite ne perce-t-elle pas en Wallonie?

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