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Les sept années de vaches maigres Gwendolyn Rutten
27·02·20

Les sept années de vaches maigres Gwendolyn Rutten

Temps de lecture : 6 minutes Crédit photo :

Photo (c) Isopix – Frederic Sierakowski

Il fut un temps où elle était qualifiée de « présidente miracle ». Aujourd’hui, pourtant, Gwendolyn quitte le 34 Melsensstraat en toute discrétion, en sortant par la petite porte. D’un point de vue électoral, son positivisme un brin forcé n’a jamais vraiment payé. Et le pari manqué de la coalition violette-verte (dite arc-en-ciel) lui a porté le coup de grâce.

Agir, sans plus (Gewoon doen)

« J’en ai assez de toute cette négativité et de cet immobilisme. Je veux aller de l’avant. Que la vie suive son cours, au même titre que notre pays et notre planète. Nous sommes fiers de notre passé, mais surtout enthousiastes à l’égard de l’avenir. » C’est en ces termes que commence le pamphlet d’adieu, « 100 idées pour un avenir meilleur », publié par Gwendolyn Rutten après l’annonce de sa non-candidature à sa propre succession à la tête de l’Open VLD.

Du Rutten pur jus. Elle a tenté de positionner les libéraux flamands en tant que parti débordant d’optimisme et de volonté. Agir, sans plus, tel était le mot d’ordre. Lors du lancement de la campagne électorale, les libéraux avaient érigé un grand échafaudage le long de l’autoroute en y affichant le message suivant : « Bienvenue au pays de celles et ceux qui agissent. »

Lorsque Noël Slangen, conseiller en communication, militait encore dans les rangs du parti, il a trouvé un vide à combler sur l’échiquier politique. En mettant l’accent sur l’optimisme et la volonté, l’Open VLD tenait selon lui un filon unique. La future ex-présidente a embrassé cette positive attitude, ne fût-ce que dans le but de masquer la confiscation du volet socio-économique de centre-droit de l’Open VLD par la N-VA, Rutten et compagnie peinant à proposer une vision propre à leur parti.

Se démarquer d’une N-VA jugée plus crédible

Depuis lors, l’Open VLD n’a eu de cesse de se chercher une nouvelle identité, afin de se démarquer d’une N-VA jugée plus crédible dans l’opposition au gouvernement Di Rupo, dont l’Open VLD avait fait partie.

Ce manque de crédibilité est le talon d’Achille non seulement de l’Open VLD, mais également de Gwendolyn Rutten en personne. Cette dernière a eu beau dresser des lignes stratégiques sophistiquées au possible, la mayonnaise n’a pas pris. La confiance n’était pas au rendez-vous. Son refrain sur l’optimisme, le positivisme et la volonté, scandé en boucle, ne sonnait pas tout à fait juste.

Pas question de rejoindre le côté obscur

La principale intéressée avoue elle-même avoir agi de la sorte en âme et conscience, désireuse de ne pas surfer sur la vague de peur et de radicalisation des esprits qui caractérise notre époque. « J’ai dû lutter contre ces forces. Je sais ce qu’il faut faire pour obtenir de nombreux « j’aime », mais je me refuse à monter dans le train du populisme. Pas question de rejoindre le côté obscur », explique-t-elle.

Rutten n’a pas été la présidente charismatique tant attendue, la personne capable de tirer le score électoral du parti vers le haut. Une critique qui revient également en interne. Lorsqu’elle a été élue présidente du parti en 2012, l’emportant devant Egbert Lachaert, elle a hérité d’une formation qui avait touché le fond, émergeant à 14% aux élections. Or sept ans plus tard, le parti n’a toujours pas quitté les abysses. Lors du dernier scrutin de 2019, l’Open VLD a récolté 14,6% des suffrages à la Chambre, pour 13,1% à l’échelon flamand. Les sept ans de règne de Rutten auront été une période de vaches maigres.

Les sept ans de règne de Rutten auront été une période de vaches maigres.

Selon elle, le parti a reçu une claque en 2012 lorsqu’Alexander De Croo, alors jeune président du parti, a laissé tomber le gouvernement sur la question de la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV). L’épisode a coûté près de 5 points de pourcentage au parti, qui ne s’en est jamais remis. Rutten n’en demeure pas moins convaincue d’avoir jeté les bases propices au renouveau, en rajeunissant et modernisant le parti. « À terme, la mayonnaise finira par prendre », affirme-t-elle.

Rutten espérait que le gouvernement Michel marquerait un tournant pour les libéraux, mais le départ anticipé de la N-VA en a décidé autrement. À la grande déception de l’intéressée, qui ne comprend toujours pas, à l’heure qu’il est, comment Bart De Wever a pu laisser Theo Francken entrainer la N-VA dans sa croisade contre le pacte de Marrakech.

Depuis lors, Rutten a pris ses distances par rapport à Bart De Wever. La présidente de l’Open VLD, qui fait plus que le poids face à son homologue quand il est question de stratego politique, a estimé qu’il n’y avait plus rien à faire avec la N-VA, bien consciente qu’elle ne pouvait se laisser séquestrer par les nationalistes dans la prise d’otage confédérale. Ces mêmes nationalistes qui, selon elle, oeuvraient – et œuvrent toujours – à la stratégie de pourrissement du pays.

Plus rien à faire avec la N-VA, scotchée à Paul Magnette

C’est également la raison pour laquelle elle n’a jamais exclu una coalition arc-en-ciel avec une minorité flamande durant la campagne électorale, contrairement à De Croo, notamment. Lorsque De Wever n’a pas voulu suivre la coalition violette-jaune (dite bourguignonne) prônée par les informateurs Johan Vande Lanotte (sp.a) et Didier Reynders (MR), elle a décidé de lâcher la N-VA pour se diriger vers une coalition arc-en-ciel à laquelle le CD&V adhèrerait. Ce revirement a donné lieu à la grande rupture avec De Wever, lequel a estimé que Rutten a commis un acte de « trahison » en allant se jeter dans le bras du président du PS, Paul Magnette.

« Gwendolyn Rutten est scotchée à Paul Magnette depuis que celui-ci a mis le 16, rue de la Loi en jeu. Cette attitude l’a poussée à faire preuve d’un manque de discernement. Tout d’un coup, elle s’est mise à faire des bulles aux couleurs de l’arc-en-ciel sur Instagram et s’est embarquée dans un programme rouge et vert incompatible avec le gouvernement flamand, dont fait partie son parti. Ce brusque retournement de veste m’a laissé pantois », s’est ainsi confié De Wever dans une interview accordée au quotidien Het Laatse Nieuws.

Le pari calculé de Rutten a tourné au fiasco. Le nouveau président du MR, Georges-Louis Bouchez, ne lui a pas emboité le pas, et l’électorat des bleus n’était pas prêt non plus. En revanche, elle a réussi à convaincre les hautes strates de son parti, avançant qu’une coalition arc-en-ciel aurait pu être une aubaine pour l’Open VLD. Ce faisant, les libéraux auraient pu se démarquer du conservatisme flamand de la N-VA et du CD&V, mais ses propres électeurs ont eu le sentiment que Rutten voulait vendre son âme afin de poser ses valises au 16, rue de Loi.

La présidente miracle a manqué son pari

Durant la campagne électorale, Rutten avait déclaré qu’elle ne se ferait pas prier si elle avait la possibilité de devenir la première femme Premier ministre. Des propos qui l’ont hantée au point de devenir sont point faible. Quand bien même aurait-elle eu le mérite de calmer les ardeurs de tous les coqs de son parti, et de mettre un terme aux vives luttes de clans, tout aurait à présent volé en éclats. L’alliance silencieuse qui l’unissait à De Croo était brisée, ce dernier n’ayant plus la certitude d’obtenir la place de numéro un au gouvernement fédéral.

Elle s’est empêtrée dans une parfaite tempête qui s’est soldée par un départ sans crier gare du M34, le quartier général du parti. Si le bourgmestre de Courtrai, Vincent Van Quickenborne, l’appelait encore « présidente miracle » en 2014, au moment où son parti aurait encore pu se hisser subrepticement au gouvernement flamand, force est de constater, avec le recul, qu’elle a manqué son pari.

Cette conviction d’avoir raison, bien qu’ayant causé sa mort politique, empêche Rutten d’éprouver quelque regret que ce soit.

Rutten reste persuadée d’avoir eu raison de plaider pour une coalition Vivaldi, bien qu’on lui ait fermé la porte au nez. En cela, elle s’apparente à Karel De Gucht, son mentor lors de son entrée en politique, lequel avait et a systématiquement certitude d’être dans le juste. Cette conviction d’avoir raison, bien qu’ayant causé sa mort politique, empêche Rutten d’éprouver quelque regret que ce soit.

La cheffe de fil des libéraux flamands a pris de la hauteur. Son écharpe de bourgmestre d’Aerschot et son poste de députée au Parlement flamand suffisent à son bonheur. Même s’il n’est pas exclu qu’elle ait pactisé avec les candidats à la présidence de son parti dans le but d’obtenir un poste de ministre au sein du gouvernement fédéral. Et qu’importe si l’histoire se termine mal, comme ce fut le cas à l’époque pour Caroline Gennez, ex-présidente du sp.a. Rutten se relèvera. En battante qu’elle est.

Sa parade au carnaval d’Alost, aux côtés Karel De Gucht et de son mari Jimmy, déguisée en Magritte et tenant une pipe – qui n’en est pas une – en bouche, prouve qu’elle est en mesure de relativiser les choses et qu’elle n’a pas sombré dans l’amertume. « Une bonne dose d’auto-relativisation, de surréalisme et de plaisir au carnaval d’Alost », a-t-elle écrit sur Instagram. Avant de préciser : « La Belgique est un pays aux accents surréalistes, mais elle n’est pas en miettes, tel que l’affirme la N-VA maintenant qu’elle est hors-jeu ».

 

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