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24·05·19

Les élections seront comme la fin de Game of Thrones : décevantes

Temps de lecture : 4 minutes Crédit photo :

(cc) BY-SA 4.0

Marc Reynebeau
Auteur⸱e

Il en ira des prochaines élections comme de l’épisode final de Game of Thrones : le dénouement sera décevant, chacun ayant ses raisons d’être frustré. Voilà la seule prédiction qui se vérifiera à coup sûr.

Pire encore : si Game of Thrones s’en sortira avec des séries dérivées, le scrutin de ce week-end aura une suite directe : une politique gouvernementale. Là encore, on peut prédire sans grand risque de se tromper qu’elle laissera les électeurs sur leur faim, à en juger par les nombreuses promesses, hypothèses, vétos et fractures dont s’arment les partis pour la campagne.

Nul besoin d’une boule de cristal, les griefs sont toujours les mêmes : la politique est trop lente, le changement est difficile à mettre en œuvre, le pétrolier a besoin de temps pour modifier sa trajectoire — une métaphore tellement ancienne qu’elle en est devenue antiécologique.

Colère, déception et frustration

Se plaindre de l’inertie politique : voilà un point qu’ont en commun l’ex-Vice-Premier ministre Jan Jambon (N-VA) et la militante proclimat Anuna De Wever. Dans le journal Het Nieuwsblad, cette dernière se dit « en colère et déçue », car « je veux voir des actes, et lorsque les résultats sont aussi maigres, c’est frustrant ». Il n’empêche que le mouvement des écoliers grévistes, de manière aussi inattendue que pressante, a poussé le débat politique dans une nouvelle direction et a complètement bouleversé les stratégies des partis concernant le scénario de la campagne.

Il faudra certes maintenir la pression pour que cette thématique demeure en tête des priorités, mais la frustration d’Anuna De Wever est surtout une marque d’impatience juvénile. Car de « l’action », il y en a déjà, par exemple le plan climat présenté par 140 scientifiques la semaine dernière, qui s’annonce comme un défi à long terme pour les responsables politiques.

Un peu plus sage, l’ex-ministre Jambon a affirmé que « notre réalisme quant à la difficulté de conduire le changement s’est aiguisé. On sous-estime cet aspect quand on n’a jamais été aux manettes » (De Standaard du 18 mai). La différence avec Anuna De Wever, c’est que Jan Jambon a bel et bien été « aux manettes » pendant près de cinq ans et qu’il avait le pouvoir de s’attaquer à cette lenteur du monde politique. Ce qui ne l’a pas empêché de laisser entendre que cet immobilisme s’explique moins par son propre manque de « réalisme » que par l’obstruction de son partenaire de coalition, le CD&V, le Vice-Premier ministre Kris Peeters étant dépeint (par Bart De Wever, le président de la N-VA) comme « l’homme qui freine du pied sur le porte-bagages ».

Il est illusoire d’espérer une « lame de fond » politique univoque

Voilà une manière peu flatteuse de reconnaître qu’un gouvernement sera toujours composé de plusieurs partis, que dans une société moderne, complexe et donc diversifiée, il est illusoire d’espérer une « lame de fond » politique univoque : les opinions, idées et intérêts qui cohabitent sont trop nombreux. C’est pourquoi une coalition gouvernementale reposera toujours sur un compromis, ce qui se traduira par des promesses non tenues de la part de tous les partenaires, même si elles figurent dans l’accord de gouvernement.

Ainsi des coopérateurs d’Arco qui n’ont pas été indemnisés, malgré tous les efforts déployés par le CD&V. Ainsi de l’échec du gouvernement Michel à fusionner les zones de police à Bruxelles en raison de l’opposition du MR, le parti du Premier ministre. Cette idée est à ce point devenue un cliché pour nombre de partis flamands que le ministre de l’Intérieur, Pieter De Crem (CD&V), en a fait une « fracture ». Voyons voir ce que nous réserve la prochaine coalition. Des déceptions, probablement.

Mais souvent, l’inertie résulte aussi d’un manque de courage politique et de sens du leadership. Les responsables politiques devraient prendre exemple sur les climatogrévistes s’ils invoquent encore le prétexte de l’adhésion pour justifier tous les dossiers qui traînent : la pauvreté, le climat, les retraites, le stop au béton, la fiscalité, les péages urbains, les voitures salaires ou le désastre qu’est devenue la mobilité.

Tout n’a pas été léthargie, lenteur ou indécision. Le trou dans le budget fédéral en est la preuve la plus évidente.

Cependant, les coalitions « suédoises » n’ont pas uniquement vécu dans l’oisiveté durant les près de cinq ans pendant lesquels elles ont gouverné. Tout n’a pas été léthargie, lenteur ou indécision. Le trou dans le budget fédéral — autre promesse non tenue — en est la preuve la plus évidente. Un déficit qui ne doit rien au hasard, mais résulte de toute une série de décisions gouvernementales délibérées, au premier rang desquelles le tax shift non financé.

Le résultat n’a rien de surprenant : on le voyait venir depuis des années, notamment à travers les statistiques d’Eurostat, qui montraient notamment que le déficit budgétaire était masqué par la faiblesse des taux d’intérêt. Que l’inflation est toujours restée relativement élevée en Belgique, en raison des nouvelles factures qui se multiplient, notamment celles de l’énergie, et érodent le pouvoir d’achat. Ou que la croissance économique était invariablement inférieure à la moyenne européenne, si bien que la croissance de l’emploi, restée tout aussi faible, est moins le résultat des politiques menées que de la conjoncture favorable d’alors.

À en croire Gert Peersman, professeur d’économie à Gand, les bénéfices de la politique gouvernementale ont moins servi la création d’emplois que les profits des entreprises. Dans le quotidien De Morgen, son confrère Paul De Grauwe résume ces résultats ainsi : « une nouvelle redistribution au profit des détenteurs de capitaux ». Si ce n’était pas le but, le gouvernement s’est lourdement trompé dans ses calculs. Si c’était le but, on a menti aux citoyens pendant tout ce temps. Dans les deux cas, cela traduit tout sauf de la lenteur politique.

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