À l’approche des élections du 26 mai, [De Standaard] se lance dans un audit de la démocratie belge, dont le portrait n’est pas particulièrement flatteur. À raison. La série « Le pouvoir invisible » (DS 16-23 mars) se penchait sur cette zone grise où évoluent des experts externes qui, par l’entremise des cabinets ministériels, rédigent des lois en-dehors de toute règle claire à ce propos. Le week-end dernier, l’article intitulé « Évaluation de cinq années parlementaires » (DS 6 avril) mettait en exergue une autre plaie de la démocratie belge…
Seuls quelques politiciens parviennent à assurer un contrôle efficace du gouvernement, une des tâches pourtant essentielles des parlementaires. Personne ne conteste cette critique. Ce diagnostic n’est pas neuf. Tout le monde peut sentir que l’hygiène interne de notre système politique laisse à désirer. Notre démocratie mérite donc mieux. Mais on peut craindre qu’un peu de bonne volonté et la présence, ci et là, d’un parlementaire brillant ne suffiront pas. Autre élément frappant : dans cette quête de solutions, personne ne s’intéresse à l’Europe.
Pourtant, on attend généralement d’elle qu’elle apporte une réponse aux problèmes des États membres. Mais sur le plan de la démocratie ? Enfin, l’UE n’a aucune leçon à donner à qui que ce soit alors qu’elle-même lutte contre le prétendu recul de la démocratie en Pologne et en Hongrie.
Mieux que les États membres
En effet, la démocratie au sein de l’UE est dans un état loin d’être parfait. Pour le dire poliment, l’Union a l’air ridicule, que ce soit à l’égard de ses propres États membres ou par rapport à des pays tiers, comme au Moyen-Orient. En revanche, pour ce qui est de ses procédures internes, elle s’en sort remarquablement mieux que la plupart de ses pays membres, dont la Belgique. Peut-être y a-t-il là des leçons à tirer, aussi bien à l’échelon flamand que fédéral. Voici une sélection de bonnes pratiques que l’Europe peut nous enseigner en matière de démocratie
-
Les groupes de pression
Les groupes de pression qui veulent influencer la politique et la législation des institutions européennes doivent s’inscrire dans le registre de transparence et respecter un code de conduite strict. N’importe qui peut ainsi contrôler personnellement, s’il en prend la peine, les faits et gestes des nombreux lobbyistes actifs à Bruxelles. La Commission européenne surveille aussi la réglementation nationale. La Belgique n’est même pas reprise dans la liste des États membres à cause d’une absence totale de contrôle et de réglementation.
-
La transparence
Tous les documents de l’UE sont en ligne, à la disposition des citoyens et des journalistes. Même les initiatives législatives en cours d’ébauche sont publiées et tout le monde est invité à transmettre ses commentaires. Les sites internet des institutions européennes sont une vraie mine d’or pour tous les adorateurs de la transparence. On peut même y découvrir quel commissaire et quel membre de cabinet a discuté avec qui et sur quel sujet. En Belgique, on s’estimera déjà heureux si tous les membres d’un cabinet sont mentionnés sur le site internet du ministre.
-
Les dotations pour les partis politiques
À l’échelle européenne aussi, les partis et les groupes politiques reçoivent des subsides. Mais cette forme de financement public est contrôlée par une agence indépendante et non par les politiciens eux-mêmes, comme c’est le cas chez nous. Et ce contrôle n’a rien de facultatif. C’est ainsi que Marine Le Pen a dû rembourser une partie de sa dotation, car elle avait utilisé de l’argent européen pour financer son parti national.
-
La culture de la responsabilité
Toute personne qui n’a pas été élue et qui brigue un poste dans les hautes sphères de l’UE est auditionnée. Les candidats commissaires, par exemple, sont tenus de passer un examen oral au Parlement européen, lors duquel ils doivent prouver qu’ils possèdent une expertise suffisante dans leurs matières politiques. La culture de la responsabilité se manifeste également à d’autres niveaux. Le président de la Banque centrale européenne, qui bénéficie pourtant d’un statut d’autonomie, informe régulièrement le parlement européen sur la politique monétaire menée dans la zone euro. En Belgique, jamais le parlement n’envoie une invitation au gouverneur de la Banque Nationale.
-
Le service d’étude
Le Parlement européen met en place un véritable service d’étude basé sur le modèle de la Library of Congress des États-Unis. Ce service de recherche permet de développer une certaine expertise en interne, qui aide les parlementaires à tenir leur rôle d’organisme de contrôle du pouvoir exécutif de l’UE, à savoir la Commission européenne. En Belgique, les parlementaires, isolés, sont démunis face aux cabinets et aux administrations.
On n’aime que ce qu’on connaît
Hélas, nombreux sont nos politiciens à ne pas regarder vers l’Europe pour renforcer notre propre démocratie. On sait par exemple que Bart De Wever, qui est probablement le plus critique envers la démocratie belge, n’a pas une haute opinion de ce niveau de pouvoir. C’est ainsi qu’en bon Romain, il a récemment conseillé à Kris Peeters, candidat aux élections européennes, de plutôt « rentrer chez lui, de remplir son bain à ras bord et de s’ouvrir les veines. »
Au lieu d’offenser par la même occasion son collègue de Parti, Geert Bourgeois, qui prend également la direction du Parlement européen, Bart De Wever ferait mieux de consulter Sander Loones et Anneleen Van Bossuyt, ses nouveaux roitelets qui ne retourneront pas à l’Europe et optent résolument pour l’échelon fédéral. Leur expérience européenne pourrait être utilisée à bon escient et, qui sait, aider à mettre en pratique quelques-uns de nos conseils. Le président de la NV-A connaît sans nul doute une belle citation spirituelle de la Rome antique louant les soldats bien entraînés qui pénètrent sur le champ de bataille politique local et secouent l’ancienne culture en profondeur.